Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les élus, 

La nécessaire lutte contre le réchauffement climatique, l’impérative limitation de nos émissions de CO2 et les évolutions dans la manière d’appréhender notre espace urbain imposent une refonte de la voirie, la création de nouvelles infrastructures, l’initiation de profonds travaux de rénovations. Oui la place de la voiture en ville est amenée à se réduire face à des mobilités plus douces et un repartage de l’espace publique. Oui il faut continuer, accélérer l’évolution déjà prise depuis de nombreuses années mais pas n’importe comment.

L’hypercentre de notre Métropole que constitue la Presqu’île est un vivier culturel vous venez de le dire, commerçant et touristique important. À ce titre, il doit nécessairement être adapté au regard de cette nouvelle conjoncture imposée par des enjeux multiples. 

Sur le sens à donner à cette réhabilitation de la presqu’île le consensus émerge naturellement : l’apaisement, la végétalisation, la réduction de la circulation automobile constituent sur le principe des points impérieux sur lesquels nous seront tous d’accord. Il s’agit de la marche à suivre, déjà largement amorcée dans les mandats précédents mais aussi dans de nombreuses villes en France et à l’international, d’ores et déjà envisagée sous la majorité précédente. 

Ce qui suscite de (trop) nombreuses interrogations, ce sont les méthodes d’exécution que vous employez et le sens, disons subjectif, donné à cette politique « d’apaisement »

Si nous nous concentrons quelques instants sur la méthode et sur votre mode de concertation : la conclusion est assez simple, vous ne vous êtes toujours pas remis en question. La concertation était pipée dès le départ. Après votre pseudo concertation, le projet final est en tout point identique à ce que vous aviez déjà annoncé avant le début de la concertation.

La présentation de ce projet traduit une réelle déconnexion des préoccupations des habitants et commerçants de la Presqu’île, et a fortiori de tous les Grands Lyonnais et visiteurs de la Métropole. En la matière le processus consultatif est un échec navrant. À défaut de faire émerger un consensus en faveur d’un apaisement souhaité par tous, les collectifs d’habitants, associations et commerçant se sont élevés collectivement contre le sens donné à cette politique. Les inquiétudes sont en ce sens légitimes :

La limitation des véhicules sur la presqu’île participe à réduire l’impact néfaste sur l’environnement, les nuisances sonores et de nombreux désagréments. Néanmoins, les questionnements sont nombreux sur la manière dont va être reporté le trafic automobile en dehors de la Presqu’île, et l’impact sur le reste de la Métropole.

L’accroissement inévitable de l’usage des transports en commun  suite aux piétonisations et aux limitations de circulation risque de nuire à la qualité d’un réseau déjà mis à mal. Se complaire du postulat selon lequel la Presqu’île est le territoire le mieux desservi de la Métropole ne suffira pas, il faut en la matière de profondes évolutions. L’avenir du tracé emprunté par les bus C3 et C13 est en ce sens particulièrement préoccupant. 

Cette préoccupation concernant le sort du réseau de mobilités induit directement la prise en compte d’un enjeu plus global : celui de la cohésion territoriale, qui semble absente des premières ébauches de ce plan d’apaisement de la presqu’île. 

La presqu’île ne doit pas être appréhendée comme un îlot déconnecté du reste de la Métropole. En ce sens nous aurions trouvé légitime d’aborder ce projet conjointement avec celui de la requalification de la rive droite du Rhône : au vu des objectifs poursuivis ces derniers devraient faire l’objet d’une politique commune. De même alors que de nombreux autres projets (Axe Nord-Sud, Voies lyonnaises) vont également avoir un impact sur les déplacements métropolitains, nous avons besoin de nous assurer que notre système global de mobilité (voies lyonnaises, réseau de transports en commun, mais aussi parcs relais) soit suffisamment bien calibré pour absorber les reports modaux induits. 

Il est totalement utopiste de penser qu’en la matière cet apaisement de la Presqu’île n’aura pas une incidence sur les mobilités au sein de la Métropole dans son entièreté. Et c’est une constance depuis le début du mandat : vous avez une vision stricte et fermée de chacun de vos projets d’aménagements. Vous raisonnez comme si chaque aménagement, chaque morceau de ville était un ilot indépendant et autonome de l’agglomération. Vous n’avez pas encore intégré qu’en agissant sur notre Métropole, vous agissez sur un système ouvert, vivant et qui réagit aux modifications qu’on lui impose. C’est pourquoi les études d’impacts sont si importantes. Cela demande d’avoir un réel travail de vision global et donc de préparation, d’anticipation. Mais qu’avez-vous donc fait pendant ces 3 ans ? Que de temps perdu, que d’efficacité perdu alors que ces 3 ans auraient dû être utilisé à préparer, anticiper ce chantier. Qu’en est-il des solutions anticipées pour proposer des solutions au trafic de transit, aux personnes de l’extérieur qui viennent profiter de la richesse commerciale ou culturelle de ce secteur ? Où est le réseau maillé des transports en commun avec les parkings relais indispensables pour que ce réseau soit attractif ? Et là vous avez encore oublié la réalité sociale et les inégalités que vous engendrez et creusez à chaque fois. Ceux qui habitent en dehors du centre de Lyon et à qui on ne propose pas de solution en dehors de leur voiture : tant pis pour eux ! Ils n’auront plus le droit de profiter de ce que propose le centre-ville. On les écarte. 

Vous semblez avoir oublié d’incorporer une dimension pratique dans cette politique, négligeant les préoccupations quotidiennes des principaux concernés. Également, il est regrettable d’observer que ce plan d’apaisement de la Presqu’île ne repose en réalité … sur presque rien

En effet nous nous sommes étonnés du manque d’études communiquées en la matière. C’est ainsi que nous vous avons adressé, à vous Monsieur le Président, ainsi qu’à votre homologue Maire de Lyon Monsieur Doucet une demande pour que nous soient transmises et communiquées dans les rapports : 

–   Les études de flux et de report modal ainsi que toutes les études du projet d’apaisement de la
Presqu’île.

  • Les études de flux et de report modal ainsi que toutes les études du projet d’apaisement de la rive droite du Rhône. 
  • Les études de flux/fréquentation ainsi que toutes les études des Voies Lyonnaises. 

Votre réponse nous interpelle avec force et confirme nos craintes. Vous nous avez communiqué, en ce sens il y a deux jours un document comportant les études de mobilités sur la fermeture de la rue Grenette aux 10 000 automobilistes qui l’empruntent quotidiennement, se fondant notamment sur une évaporation d’une partie du trafic et un report modal sur Perrache et le Tunnel de Croix Rousse pour le reste. Notons dans un premier temps que ces études ne concernent qu’une partie mineure de nos demandes, une préoccupation infime au regard de l’immensité du projet qui va concerner la presqu’île et la Métropole. Et cela sans tenir compte de l’impact de vos projets sur le tunnel de la Croix-Rousse, du pont Morand ainsi que des évolutions sur le secteur de la rive gauche.

Plus inquiétant encore, ces études, si on peut les qualifier ainsi car ce sont en réalité de simples powerpoints, sont en réalité inutilisables. Les chiffres présentés, les scénarios envisagés datent soit de 2015 soit de 2020, et au mieux issus d’études menées durant la totalité de cette période. Pour être précis, seule une carte est présentée au regard de données récoltées en 2021, simplement pour modéliser les accès riverains. 

Monsieur le Président, notre manière d’appréhender nos mobilités n’ont-elles pas évoluées depuis 2015 ? L’année 2020 ne constitue-t-elle pas une période éminemment exceptionnelle avec une crise sanitaire ayant affecté de manière non équivoque nos mobilités ? 

L’usage de données obsolètes conduit à la tenue d’un projet hors sol, en décalage avec son époque et ses spécificités. Ceci influe de manière péjorative sur un projet qui était souhaité par tous, mais au regard duquel l’impopularité grandit désormais de jours en jours. 

Comment concevoir un tel projet, sans études réelles d’impacts, sans études de flux, de report modal ? Cela parait inconcevable !

Dans un second temps, vous avez tenté d’apporter une réponse à nos autres doléances. Encore une fois nous laissant songeurs. Sur le projet de la requalification de la rive droite du Rhône, nous ne sommes, en notre qualité de conseillers métropolitains, pas encore autorisés à avoir accès à de quelconques informations chiffrées. Nous espérons que la procédure dite de dialogue compétitif concernant le marché de maîtrise d’œuvre du projet lorsqu’elle arrivera à échéance nous permettra d’obtenir davantage de transparence et de clarté. Enfin, sur les voies lyonnaises nous prenons acte de vos considérations, et nous contentons donc des informations communiquées dans les dossiers disponibles sur la plateforme « jeparticipe.grandlyon », qui en l’espèce, vous l’imaginez aisément, n’apportent pas une satisfaction totale à nos attentes. 

À travers ces considérations, nous ne souhaitons pas exprimer de quelconques véhémences face à des projets que dans le fond nous soutenons. Simplement, il convient ainsi d’opérer de nouvelles pratiques, avec des études complètes menées avant toute prise de décision.

Quand allez-vous enfin changer de méthode ? Ne plus faire ce que vous reprochez aux autres et parfois avec raison. Quand allez-vous concerter réellement, honnêtement, efficacement ? Quand allez-vous cesser de considérer que vous pouvez vous passer de l’avis de la population, parce que vous pensez détenir la vérité ? Quand allez-vous cesser d’avoir une attitude méprisante ou arrogante des acteurs intermédiaires : les associations de riverains, les associations professionnelles, de commerçants et professionnels du secteur ? Arrêtez d’estimer que vous avez les mains libres. Créer au contraire les conditions que tout le monde puisse se réapproprier les nécessaires objectifs d’évolution de la presqu’ile. 

Si nous demeurons toujours convaincus de la nécessité de mener une telle requalification de la Presqu’île, ambitieuse et adaptée aux enjeux des prochaines décennies, nous craignons qu’en l’état ce plan « d’apaisement » produise l’effet inverse, et ne fasse que cristalliser les tensions, ce qui serait profondément regrettable.

Je vous remercie.  

Intervention de Louis PELAEZ au conseil métropolitain des 27 et 28 mars 2023

Rapport n°2023-1580

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