Commission générale du jeudi 3 Mars 2022 – Intervention de Louis Pelaez

Monsieur le Président, permettez de parler en quelques mots de la situation internationale, puisque c’est la première réunion où l’on nous nous retrouvons depuis le lancement de cette guerre effroyable menée par le dictateur Poutine au peuple ukrainien, mais aussi à toutes les réelles démocraties du monde. 

Évidemment notre groupe apporte tout son soutien au peuple ukrainien et nous serons à vos côtés, M. le Président, dans toutes les initiatives où notre collectivité pourrait prendre sa place humanitairement et dans l’accueil de réfugiés ukrainiens. 

Si j’étais de ceux qui étaient inquiets de la capacité de l’Europe à réagir collectivement et d’être à la hauteur, je suis heureux de constater qu’enfin l’Europe politique s’écrit sous nos yeux, une Europe qui prend des risques, dépasse ses intérêts, pour faire respecter des principes. Je suis fier du comportement de notre pays qui a su jouer un rôle fondamental dans ce comportement européen. Pas question de lâcher l’Ukraine héroïque.

Merci pour cette présentation et la tenue de cette commission générale. Mais comme souvent avec vous, la méthode pose problème. C’est en amont et au cours du processus de consultation qu’il fallait nous associer, pas uniquement au moment de discuter des projets qui seront potentiellement retenus. C’est uniquement comme cela que l’on peut créer du consensus. 

Dans cette première partie, vous nous avez seulement exposé qu’il est indispensable que les transports en commun structurants soient accompagnés par une forte densité.

Alors, aucun débat là-dessus, car nous sommes bien d’accord. Comme vous l’avez souligné, les projets de transports en commun structurants ont toujours eu vocation, dans les mandats précédents, à desservir des zones densifiées ou à accompagner des projets de densification.

Cette première partie est clairement un non-sujet. Mais il nous manque un préalable indispensable avant de discuter des projets structurants de transports dans notre Métropole pour les 20 prochaines années : une présentation de votre stratégie, de votre politique globale en faveur de la mobilité.

Car tous les modes de déplacement sont interdépendants. Nous ne pouvons donc pas raisonner simplement en parlant de tramway, de métro sans parler de votre vision des mobilités, sans parler de projet de territoires.  

Et je vous le dis sans fard : depuis 2 ans que vous êtes en responsabilité, votre politique de mobilité nous apparaît floue. Nous ne comprenons toujours pas exactement où vous souhaitez aller.  

Une ligne ressort distinctement : vous souhaitez diminuer la part des déplacements motorisés et plus particulièrement de la voiture. Je pense qu’ici nous sommes tous d’accord sur cet objectif. Mais il apparaît clairement que nos moyens pour y parvenir sont différents. 

De notre côté, nous pensons qu’il ne faut pas opposer les modes de transports. S’il est légitime de vouloir favoriser certains usages, opposer les modes de transports revient trop souvent à opposer les usagers de ces modes.  

Nous en arrivons aujourd’hui à une situation d’incompréhension, d’opposition voir de haine. Automobilistes contre cyclistes. Cyclistes contre piétons. Piétons contre trottinettes. 

Il faut participer à des efforts de pédagogie pour rendre possible la cohabitation entre usages. Que chacun se mette à la place des autres pour éviter de cliver encore plus notre société. 

Certains dans la majorité disent qu’il faut opposer les modes de transports. Très bien. Alors quelle est la hiérarchie des modes de transport selon vous ? Qui est vertueux et qui ne l’est pas ? 

À vous écouter, il semble que le meilleur déplacement reste celui que l’on ne fait pas.  

Vous travaillez d’ailleurs sur la démobilité. Mais la démobilité, c’est ce que connait déjà un nombre croissant de nos concitoyens contraints à l’assignation à domicile. 

Vous n’avez pas à vous attribuer le pouvoir de décider quel déplacement est acceptable et quel autre ne l’est pas. Cette vision fantasmée autour de la ville du quart d’heure n’est pas applicable à toute la Métropole. Il ne peut y avoir plusieurs catégories de citoyens : les citoyens de première zone dans le centre-ville et de seconde zone pour le reste de l’agglomération. 

Revenons à votre vision. Si jamais vous consentez à ce que le déplacement ait lieu, quel est selon vous le mode de transport prioritaire ? 

De ce fait, on peut estimer qu’en opposant les modes, les modes prioritaires pour vous sont la marche et le vélo. Nous vous laissons le bénéfice du doute quant au plan pour améliorer la marchabilité de la Métropole que vous préparez. 

Quant au vélo, seul autre mode de transport à avoir droit une slide dans votre présentation, votre objectif est d’en multiplier par trois les déplacements. Concrètement, cela signifie une augmentation du trafic de 20 %/an sur le mandat. Depuis près de 10 ans, le trafic vélo augmente déjà de 15 % en moyenne par an.

Mais ce type d’objectif ne dit absolument rien sur la réalité des mobilités. C’est pour cela qu’il faut raisonner en termes de part modale des déplacements et pas seulement en comptant le nombre de déplacements effectués. 

Mais quels sont vos objectifs en termes de part modale des déplacements aujourd’hui ? Nous l’ignorons alors que c’est bien là le cœur du sujet ! La base sur laquelle nous pouvons élaborer une stratégie globale, prenant notamment en compte les transports en commun structurants.  

Nous souhaitons donc être associés à la refonte du Plan de Déplacements Urbain (PDU) désormais élaboré à l’échelle du nouvel AOTML et qui transpose par écrit ces objectifs !  

Dans vos prises de parole, il y a également une constante qui sert à justifier toutes vos actions que ce soit sur les mobilités, sur la ZFE. Vous partez du postulat que 60 % des trajets-voitures dans la métropole font moins de 3 km. 

À partir de là, votre ambition serait de convertir la moitié de ses déplacements vers d’autres modes de transports.  

Mais votre constat est erroné et trompeur ! Ces chiffres sont issus de l’enquête Déplacements du Sytral datant de…. 2015. Or, si cette étude démontre bien que plus de la moitié des trajets font moins de 3 km, la note de lecture méthodologique précise bien « qu’un trajet correspond à une étape au sein d’un déplacement »[1]Vous confondez donc les notions de trajet et de déplacements ! 

Une fois ce propos méthodologique explicité, la même étude nous explique que dans la Métropole, la distance moyenne d’un déplacement est de 5 km et que chaque habitant parcourt en moyenne 17 km pour l’ensemble de ses déplacements de la journée[2].  

Pour Lyon-Villeurbanne, la distance moyenne d’un déplacement est de 4 km et chaque habitant parcourt en moyenne 13 km pour l’ensemble de ses déplacements de la journée.[3] Rien à voir donc avec vos chiffres ! 

Si vous basez tout votre pilotage des mobilités et de la ZFE sur cette interprétation erronée des chiffres, on ne peut qu’être très inquiets ! 

Cela donne l’impression que vous avancez complètement à l’aveugle, comme des apprentis sorciers.  

La réalité, c’est qu’il y a une véritable incompréhension partagée face à la politique menée depuis 2 ans 

Nous ne comprenons pas la logique opérationnelle derrière votre choix d’allotir les TCL. Votre nouveau scénario, sorti de nulle part, semble avant tout sonner comme une tentative de concilier les différents intérêts en jeu sans véritable réflexion derrière. Je pense que vous ne réalisez pas ce que cela implique de reprendre en gestion publique la « relation usagers ».

Quelle logique d’aller à la hache sur la ZFE en interdisant les véhicules Crit’Air 2 dès 2026 ? Alors que le bilan écologique et social de cette mesure pose question et que les alternatives à la voiture individuelle que vous proposerez ne seront pas nécessairement opérationnelles d’ici 2026 et qu’elles seront nécessairement encore nettement insuffisantes ! 

Quelle stratégie de développement de l’électromobilité, indispensables avec les enjeux de la ZFE ? Le développement des bornes électriques Izivia que nous avions lancé au mandat précédent sera clairement insuffisant pour répondre aux besoins. Mais êtes-vous vraiment favorables au développement de l’électromobilité ? Certains membres de votre majorité semblent être contre, au prétexte que le mix électrique français est basé sur le nucléaire. 

Quelle est votre stratégie concernant la requalification de la rive droite du Rhône ? Combien de véhicules en moins sur l’axe Nord-Sud ? 

44 % déplacements internes à la Métropole sur l’axe Nord-Sud, soit 28 000 véhicules/jour se font sur des distances supérieures à 5 km.[4]

Pour vous rendre compte, 5 km cela nous amène, à partir du pont Gallieni, à Pierre Bénite, à Écully, Francheville, Champagne au Mont d’Or, sur tout le territoire de la ville de Lyon et la quasi-totalité de Villeurbanne. 

Sans modélisation des objectifs de réduction de circulation automobile et des reports modaux vers d’autres modes transports, on risque l’embolie.

Sur quels critères sont basés les choix des solutions techniques retenues pour les transports en commun ? Pour les mêmes projections de trafic, il y a d’un côté de l’agglomération, le tramway T10 et de l’autre, un BHNS sur la ligne Centre-est. Y a-t-il des citoyens de seconde zone ? Il y a en tout cas une forme d’iniquité territoriale.

Quelle stratégie autour des parcs relais ? Aucune construction nouvelle n’est prévue sur ce mandat. Vous ambitionnez même d’en fermer certains, dont celui d’Oullins. 

Comment les actifs venant de l’extérieur de la Métropole vont-ils pouvoir venir travailler sans ces parcs relais en entrée de ville alors qu’on ferme le cœur de l’agglomération aux voitures, sans leur proposer d’alternative ? 

Cela est d’autant plus grave que votre politique du logement pousse paradoxalement les classes moyennes à habiter toujours plus loin en troisième couronne, sans accès aux transports en commun et renforçant par là même l’étalement urbain.  

Il vous faut donc d’abord nous exposer votre stratégie globale en matière de mobilités afin qu’on sache où nous allons, pour ensuite seulement évoquer la stratégie de transports en commun structurants. 

Je vous remercie


[1] Enquête Déplacements 2015 de l’aire métropolitaine lyonnaise, maîtrise d’ouvrage SYTRAL – page 24 https://www.sytral.fr/474-sur-l-aire-metropolitaine-lyonnaise.htm

[2] Chiffres clés des résultats Métropole https://www.sytral.fr/473-sur-l-agglomeration-lyonnaise.htm

[3] Chiffres clés des résultats EDGT Lyon Villeurbanne https://www.sytral.fr/472-sur-lyon-villeurbanne.htm

[4] Diagramme et chiffres issus des données du dossier de concertation de requalification de la rive droite, pages  42 à 44 https://jeparticipe.grandlyon.com/media/default/0001/01/6ead4ed3f90ee1bc2e3a0c6a6c542dc84b009b56.pdf


Commission générale du 3 mars 2022

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