« Vous soldez les choix irresponsables que vous avez faits depuis le début de votre mandat« 

Monsieur le Maire,

Mesdames, Messieurs les élus,

Ce débat d’orientations budgétaires, le 3e depuis votre élection, marque un tournant. Pour vous, et hélas pour les Lyonnais, il sonne l’heure de vérité, avec votre décision d’augmenter la taxe foncière de 9%, soit 27 ou 20 M €, suivant les versions qui nous ont été données. 

Il s’agit de faire face à la conjoncture, nous dites vous, et c’est évidemment vrai, mais aussi de solder les choix irresponsables que vous avez faits depuis le début de votre mandat car souvenons-nous de vos propos, lors de votre accession à la Mairie : Une ère nouvelle s’ouvrait, de rupture avec la mandature précédente.

Certes, Madame la Première Adjointe reconnaissait le sérieux de notre gestion financière.

Mais en même temps, M.le Maire, vous n’aviez pas de mots assez forts pour dénoncer ce que vous appeliez la « dette patrimoniale », en clair, un sous-investissement dans nos bâtiments. Vous pointiez aussi, et avec quelle vigueur, une gestion trop pingre des dépenses de personnel, qui démontrait selon vous le peu de souci que nous avions du service public. 

Vous oubliiez une chose dans votre raisonnement, c’est que durant ce mandat, nous avions été confrontés à la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Et ce n’était pas une petite baisse. Pour notre ville, je le rappelle, entre 2014 et 2018, c’est une perte de 143 M € à laquelle nous avons dû faire face. Alors, c’est vrai, nous avions dû réduire la voilure. Au moment d’élaborer la PPI 2014-2020, pour tenir compte de cette baisse, nous nous étions fixés un objectif d’investissements à 600 M €, porté un peu plus tard à 650 M €. 

Un objectif que nous aurions atteint s’il n’y avait pas eu le COVID.  Au total, c’est donc à 615 M € que s’est élevé l’investissement sous le dernier mandat. 

Vous vous en gaussiez alors, M.le Maire, en proclamant haut et fort, et à mon avis en mélangeant un peu autorisations de programme et crédits de paiement, que votre propre objectif s’établirait à 1,25 Mds €, en fait en crédits de paiement 800 M €, ce qui représente une hausse finalement beaucoup plus modeste par rapport aux 615 réalisés sous notre mandat. 

Lorsqu’on se fixe un chiffre pour en critiquer un autre, il vaut mieux que le chiffre que l’on avance soit réalisé, et en particulier dans les thématiques qu’on veut mettre en avant. Pour vous, c’était – c’est toujours d’ailleurs – la végétalisation de la ville, la petite enfance – Ah! La ville à hauteur d’enfants!-, le personnel et donc, dans ces trois domaines, mieux vaut avoir des résultats probants, en tout cas, bien supérieurs à ceux de l’équipe qu’on entend critiquer. 

Nouveau venu dans notre ville, je ne sais si vous vous en rendiez compte à l’époque, mais sur tous ces points, nous n’étions pas si mauvais. 

En matière d’aménagement de l’espace public et de végétalisation, nous avons créé les berges du Rhône, les rives de Saône, en plus des nombreux parcs cités dans mon propos introductif (Zénith, Blandan, Layat, Vallon, Chambovet, Mandela). C’est aussi nous qui avons pensé la création de cet espace vert entre la Métropole et la Tour du Crédit lyonnais, dont vous vous flattez aujourd’hui, tout comme le parc Elise Rivet. Nous avons également réalisé bien d’autres espaces plus modestes dans l’esprit de ce qu’avait voulu Gilles Buna : un espace public pour les habitants à moins de 500 m de leur domicile.

Pour ce qui est du scolaire, nous n’avions pas chômé et lancé la construction de nombreux groupes scolaires. Et d’ailleurs, la plupart des groupes que vous continuez aujourd’hui à financer avaient été lancés avant votre arrivée.

M.le Maire, serait-ce alors dans le domaine de la petite enfance que vous pouvez démontrer la supériorité de votre action par rapport à celle que nous avons menée. Eh bien, M.le Maire, nous avons cherché mais nous n’avons guère vu d’ouverture de berceaux supplémentaires. 

Vous aviez annoncé la création de 550 berceaux et quand nous regardons aujourd’hui ce qui a été créé, nous voyons dans un certain nombre d’arrondissements non une hausse mais une diminution du nombre de berceaux. 

Tout simplement, M.le Maire, parce que vous vous heurtez à une donnée qui vous dépasse : la difficulté à recruter. 

Dernier point enfin, les dépenses de personnel. Dans votre Rapport d’Orientation Budgétaire 2021, là-aussi, vous étiez dans la démesure. Vous vous engagiez à créer 100 postes nets supplémentaires sur cette année, à améliorer les conditions de travail d’agents que nous aurions d’ailleurs brimés. Je ne suis pas sûr que c’était leur ressenti. 

Pas de chance, entre les départs dans tous les services de toutes celles et de tous ceux qui, rebutés par vos méthodes sont partis, ou que vous avez poussés au départ, et la difficulté à recruter, ce n’est pas 100 postes en plus qu’a affiché le compte administratif 2021, mais 100 postes en moins. 

Enfin, vous aviez un dernier mantra dans le ROB 2021, c’était l’effort colossal que vous vouliez faire cette année-là dans l’investissement. Oui, on allait voir ce qu’on allait voir. Vous fixiez des dépenses d’équipement à hauteur de 167 M €. Hélas, hélas, au compte administratif, le résultat n’est que de 92,4M€.

Ces résultats de 2021 étaient donc bien loin de ce que vous envisagiez.  Et pourtant, nous vous avions prévenus. Lors de notre intervention sur le DOB, nous vous adressions cette mise en garde en disant (je cite) que : « nous craignions pour notre ville que votre optimisme d’aujourd’hui soit de courte durée et qu’au final vous ne soyez contraints, dans quelques temps, de faire appel très fortement aux contribuables tout en étant obligés de réduire fortement vos ambitions sur le plan des dépenses d’équipement ». 

L’avertissement était clair, mais nous nous trompions sur un point cependant, nous avions sous-estimé votre capacité à persister dans l’erreur.

Lors du DOB 2022, d’autres que vous auraient tiré des déconvenues de 2021 la nécessité d’aborder cet exercice avec plus de réalisme.

Mais le réalisme, ce n’est pas dans votre nature. Donc pour le DOB 2022, vous avez – excusez-moi d’employer ce terme lyonnais – rebeloté. Certes, il est vrai que tout se conjuguait pour avoir un bon budget : des recettes en augmentation, notamment du fait de la réforme du financement des collectivités locales, mais aussi des résultats des politiques de développement que nous avions menées tant à l’égard des entreprises que des particuliers pour ce qui est de la création de logements. C’était-là la fameuse attractivité que vous ne cessez pourtant de dénoncer. 

Car, une fois de plus, vous alliez tomber dans les mêmes travers. Dans le ROB 2022, pour le personnel, vous indiquiez donc vouloir à nouveau créer 50 postes, procéder à une nouvelle vague de déprécarisation. Avec une augmentation de la masse salariale qui, je dois le dire, ne cesse de m’interpeller. Si, en effet, je prends l’évolution pour les dernières années, pour ce qui nous concerne, entre 2016 et 2019, nous étions passés de 326,5 M € à 329,5 M €, soit +3 M en quatre ans. Vous, entre 2021 et 2019, je neutralise l’année COVID, l’augmentation a été de +10,9 M €, l’année suivante, entre 2022 et 2019, +27,5 M €, entre 2023 et 2019, vous nous annoncez, +43,75M€. A priori, on pourrait croire que le service public s’est amélioré, avec des agents aux anges de votre gestion. Ce qui ne nous semble guère le cas. 

Alors quel est le problème ? Lors de la dernière commission Finances, vous nous avez annoncé que, depuis votre arrivée à la Mairie, vous avez supprimé 304 postes et en avez créé 522. Bien sûr, ce n’est pas la réalité de la suppression de 304 postes qui est en cause. Elle a été actée. C’est sûr ceux qui ont été créés que nous avons des questions. La première est de savoir quels sont, sur les postes crées, ceux qui ont été effectivement pourvus. De ce point de vue, l’évolution des effectifs de police est tout à fait significative puisque vous nous indiquez que c’est 73 postes qui ne sont pas aujourd’hui pourvus. 

Nous avons ce chiffre pour la police municipale. Nous aimerions savoir dans quelles autres directions se trouvent les autres postes non pourvus. Car cela peut expliquer bien des dysfonctionnements que nous constatons aujourd’hui.

La deuxième question que nous nous posons est de savoir, comme vous l’avez fait pour la police, de quelle catégorie relèvent les postes non pourvus. Car si nous avons vu apparaître beaucoup de « sachants », de chargés de mission, dans les domaines qui vous sont chers, il nous semble qu’aujourd’hui – et c’est ce qu’indiquent les syndicats -, c’est du côté de ceux qui sont capables de mettre la théorie en pratique qu’il y a des manques. 

Ce qui explique que votre deuxième priorité, réaliser un vrai bond en matière de dépenses d’équipement, ne soit pas vraiment réalisé. 

De ce point de vue, en 2021, vous aviez l’excuse de la première année de mandat. Oui, mais quand on constate la même carence en 2022, c’est que quelque chose ne va pas dans votre gestion. 

Car résumons : en 2021, vous prévoyiez 167 M€ de dépenses d’équipement, vous en réalisez 92,4M €. En 2022, vous en prévoyez 151,7, vous en effectuez 105 M. On est loin pour le moment de réaliser 800 M € de crédits de paiement sur le mandat. Et encore plus du choc d’investissements que vous nous annonciez

Puisque vous parlez de dette patrimoniale, je suis bien obligé de constater que vous êtes en train de l’accroître. Et cela ne va sans doute pas s’arranger car désormais les conditions pour investir massivement sont devenues bien moins évidentes en 2023 qu’elles ne l’étaient par le passé.

Non, pour 2023, la surprise du chef, celle que vous réserviez aux Lyonnais, mais que nous annoncions dès votre DOB 2021, c’est l’augmentation des impôts fonciers de 9%

Et là, on est sûr que la promesse sera tenue.  

Pour les propriétaires appartenant aux couches moyennes, cela va être un choc. Mais certains d’entre eux vont se trouver victimes d’un double choc, tous ceux qui – professeurs, artisans, commerçants, … – avaient acquis un bien pour le louer et avoir un complément de revenus au moment de leur retraite. Ils vont se trouver aujourd’hui à la fois victimes de cette augmentation, mais aussi de l’encadrement des loyers que vous avez mis en place. Demain, ils vont donc se retrouver avec un revenu de leur bien en baisse, si même, il ne devient pas négatif. 

Permettez-moi de vous dire, M. le Maire, que j’en ai croisés récemment beaucoup qui ne vous portent pas dans leur cœur et qui n’ont pas bondi de joie à l’annonce faite que vous comptiez vous représenter.

Mais M.le Maire, ce n’est pas dans votre budget la seule surprise. En effet, c’est maintenant du côté des dépenses de fonctionnement et de celles allouées aux différentes associations qu’il y a des manques. 

D’abord le fait que vous ayez repoussé le DOB entraîne pour elles des retards dans les subventions versées, ce qui est fondamentalement dommageable. 

Par ailleurs, dans toute une série de domaines, on peut constater des baisses de subventions ou, en tout cas, une non-augmentation, alors qu’évidemment l’inflation touche tous les partenaires de la Ville.

On assiste en effet cette année à une baisse de dotations dans le domaine de la culture, dans celui des sports, avec 200 000 € de moins qu’en 2022, touchant les grands clubs, et en particulier le LOU RUGBY, mais aussi les centres sociaux, MJC et Maisons de l’Enfance, c’est moins 1 M €. 

Cette baisse des dotations de la Ville à toute une série des partenaires de la municipalité ne vous empêche pas de continuer à afficher de grandes visions, en particulier dans vos budgets participatifs. Permettez-moi de vous dire que la végétalisation de la Place Bellecour suscite des interrogations, tout comme vos projets sur la Rue de la République, et je citerai encore l’idée que vous avez émise de piétonniser Grenette. 

Par ailleurs, en matière de recettes, on voit que votre volonté de réduire les constructions trouve aujourd’hui sa sanction d’un point de vue financier. Si en effet vous vous félicitiez d’avoir pour la Fête des Lumières un mécénat supplémentaire, vous oubliez par contre de nous dire, qu’en termes de DMTO (droits de mutation à titre onéreux) et du fait de votre politique, on passe de 49 M€ en 2022 à 40 M € en 2023. Et cela ne risque guère de s’améliorer dans les prochaines années. C’est vrai pour les logements. C’est vrai pour les bureaux. La FNAIM vient de publier les chiffres de la demande de bureaux placés pour 2022. Ils sont bons – 325 000 m2 – même s’ils n’atteignent pas le niveau de 2019 et si désormais Lille a pris le dessus sur Lyon. Mais en même temps, au moment où votre collègue de la Métropole, Mme VESSILIER se félicite dans Le Progrès d’une réduction de constructions de 100 000 m2 à la Part-Dieu, la publication de la FNAIM montre que ce secteur reste toujours extrêmement attractif. Mais désormais la politique que vous menez avec vos collègues de la Métropole est en train d’assécher le marché sur Lyon. La FNAIM souligne en effet que l’offre disponible à moins de 6 mois se situe fin 2022 à 380 000 m2 et de mettre en garde sur le manque de programmes nouveaux et donc de l’impossibilité d’accueillir de nouvelles entreprises à Lyon d’ici deux ans. Je note d’ailleurs que si vous aviez continué dans la même voie que celle que nous avons développée, les bases auraient été plus fortes et donc la nécessité d’augmenter la taxe foncière aurait été moins pressante. 

Face à un tel constat, nous avons un temps pensé que vous auriez changé de politique. Mais aujourd’hui, les Lyonnais n’y croient plus. Alors vous comprendrez, M. le Maire, que nous n’ayons plus qu’une solution, nous groupe d’opposition, c’est de préparer dès aujourd’hui une alternance, celle du retour à la raison, celle qui a permis de transformer Lyon et de contribuer au bonheur de ses habitants. 

Je vous remercie.

Intervention de Yann CUCHERAT au conseil municipal de la Ville de Lyon du 19 janvier 2023.

Rapport n°2023/2332

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