« Décevante en ne tenant pas pleinement sa promesse démocratique« 

Monsieur le Maire, 

Mes chers collègues, 

Le budget participatif est aujourd’hui mis en œuvre par 400 communes réparties dans 20 départements. En 2016, une vingtaine à peine l’avait intégré à leur politique. C’est désormais l’une des principales mesures utilisées par les collectivités, quelle que soit leur couleur politique, pour apporter une nouvelle forme de participation des habitants à la vie de la cité. 

C’est aussi une des réponses apportées aux citoyens face à la défiance qu’ils portent vis-à-vis des institutions. Cette  réponse témoigne d’un changement de la part des élus, l’abstention grandissante aux élections nous invitant à faire des choix de gouvernance nouveaux, pour tirer les leçons des nouvelles attentes citoyennes. 

C’est à ces différents titres que le budget participatif apparaît, pour nous, comme un dispositif nécessaire, dans l’air du temps et à soutenir. 

Mais force est d’admettre que la première édition lyonnaise est décevante en ne tenant pas pleinement sa promesse démocratique.

Quelques chiffres pour rappel :

217 projets soumis au vote pour les 9 arrondissements

110 projets lauréats

6147 votants.

Ramené à l’échelle des habitants de la Ville de Lyon, voire de la Métropole compte tenu du règlement (nous y reviendrons), cela reste, sommes toutes, une participation bien faible : environ 1% de la population concernée a donc contribué.

Au-delà de la faible participation, les garanties de sécurité du dispositif posent problèmes car elles étaient plus qu’insuffisantes. 

Le règlement prévoyait bien que seules les personnes résidant, travaillant, étudiant ou ayant des activités régulières à Lyon pouvaient participer. Or, en pratique, une simple adresse mail suffisait pour déposer un projet et voter. Aucune authentification des contributeurs n’était donc effectuée. Pour rappel, cette lacune avait accouché d’une consultation métropolitaine sur le Règlement Local de la Publicité biaisée par des centaines de commentaires pirates. Vous nous expliquez en commission « ne pas avoir eu l’impression d’une instrumentalisation particulière ». Mais nous parlons de 12,5 M € d’argent du contribuable ! Vous devriez être certains que l’argent des Lyonnais soit utilisé en transparence et au service de leur seule volonté. La sécurité du dispositif était donc bien trop légère. Ce point est certainement à revoir pour les prochaines étapes, avec des contours mieux définis dans le règlement.

Ceci dit, cela ne fonctionnera que si le dit règlement est respecté. 

Car ici, il semblerait que le règlement a plutôt été « adapté ». 

En effet, le règlement précise en page 3 que les projets doivent « pouvoir être réalisés dans un délai de deux ans à compter de la validation définitive du projet » mais aussi « entrer dans le champ des compétences municipales ou déléguées à Lyon. Les idées relevant de compétences métropolitaines ne sont pas recevables par principe mais peuvent faire l’objet d’une étude au cas par cas, si elles concernent une intervention dans l’espace public ». 

Je pense ici, vous l’avez surement déjà compris, au projet de végétalisation de la place Bellecour, grand vainqueur de ce budget participatif. 

La pertinence du projet est indiscutable à l’heure d’une nécessaire reconquête du végétal sur le minéral. Cela faisait d’ailleurs partie de certains programmes électoraux en 2020. 

Pour autant, cela ne fait pas appel aux seules compétences de la ville. Il faudrait l’intervention de la Métropole, et aussi, Madame l’adjointe Chloé Vidal l’a confirmé en commission en début de mois, celui de l’Etat. 

Ces éléments suffisaient à disqualifier le projet. On pourrait même rajouter qu’une réalisation dans un délai de 2 ans nous paraît très improbable. Ce projet est discuté depuis plusieurs années et a déjà fait d’ailleurs l’œuvre de plusieurs études par les anciennes équipes. 

Le fait d’« être à l’étude » a été d’ailleurs utilisé comme un argument de rejet de certaines propositions, notamment dans le 6ème arrondissement. En commission culture, Madame la première adjointe Audrey Hénocque, a précisé que les projets bénéficiant d’études en cours ne pouvaient pas être jugés recevables au budget participatif. Au passage, ce critère n’apparaît nulle part dans le règlement. 

On pourra donc s’interroger sur la disqualification d’autres propositions qui relevaient uniquement de la compétence municipale, sans grandes difficultés techniques pour la réalisation comme par exemple celui déposé par l’ancien collectif de  « la Guillotière en colère » qui demandait un investissement dans la vidéo-protection ou encore la création de parcours sécurisés. 

Ces paradoxes laissent craindre que des considérations politiques ont prévalu sur la bonne application du règlement du budget participatif et ont dès lors dégradé sa crédibilité. 

Nos craintes ne font que se renforcer lorsque nous vous sollicitons à de multiples reprises pour consulter les avis détaillés rédigés par les services concernant la faisabilité des projets; et que vous refusez à chaque fois de satisfaire notre demande. 

Vous conviendrez certainement que cela fait beaucoup de lacunes …

– Une participation extrêmement faible pour un budget important : je le rappelle 12,5 millions d’euros. Je ne reviendrai pas sur les promesses faites aux arrondissements de mieux les doter en budget. La dotation est bien mince à coté du montant pour chaque arrondissent du budget participatif. 

– Une sécurité des votes clairement à revoir, un règlement dont l’application ne fut pas rigoureuse.

Le résultat de cette première édition, face au budget alloué qui est considérable et à la communication faite autour de l’évènement, n’est donc pas au niveau des attentes des Lyonnais. 

En cela, la promesse démocratique de ce budget participatif 2022 n’a pas été entièrement tenue. 

Nous espérons que la mise en action de la seconde partie en tirera les enseignements nécessaires. 

En attendant nous nous abstiendrons sur cette délibération. 

Je vous remercie.

Intervention de Delphine BORBON au conseil municipal de la Ville de Lyon du 19 janvier 2023

Rapport n°2023/2249

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