Monsieur le Maire,

Mesdames et Messieurs les élus,

Cette délibération relative à une garantie d’emprunt pour une opération d’acquisition-amélioration et de construction de logements me donne l’opportunité, une nouvelle fois, d’aborder ce sujet crucial qui ne trouve aucune réponse satisfaisante de votre majorité depuis 2 ans. Et votre politique, en la matière, est au cœur de l’actuelle crise, puisque vous vous contentez majoritairement de recycler de l’habitat au lieu d’en construire.

Tous les spécialistes de la profession vous le diront, la ville de Lyon et au-delà tout le territoire métropolitain, connaissent une forte crise du logement.

  • Une crise de l’offre qui pousse les Lyonnais à aller trouver des logements à plusieurs 10aines de kilomètres de Lyon.
  • Une crise de la demande liée à des prêts de plus en plus difficile à obtenir et des taux qui augmentent

Certes, les prix d’achat se stabilisent : leur augmentation est passée de 6,4% en moyenne ces trois dernières années à 2,2%.

  • En cause : l’augmentation des taux d’intérêt qui rend beaucoup plus difficile les emprunts ce qui, associé au coût de la vie, dissuade les projets d’achat. La demande étant plus rare, les prix se tassent.
  • Mais ils restent tout de même hauts : autour de 5 000 € le m2 dans l’ancien et de 6000 € le m2 pour le neuf.

Selon la Fédération des Promoteurs Immobiliers de la Région Lyonnaise, dans sa conférence de presse de fin septembre 2022[1], le renouvellement de l’offre immobilière privée s’effectue très difficilement à Lyon : par rapport à 2019 (meilleure année de comparaison puisque la pandémie a déséquilibré les données), les mises en vente baissent de 25% et les réservations de 53 %.

Dans le logement social, la crise est encore plus criante : selon la commission urbanisme de la Ville de Lyon du 15 avril 2022, il existe 1 offre pour 12,7 demandes.

La conséquence la plus grave de cette conjoncture : le logement à Lyon intra-muros devient un luxe destiné aux plus aisés. Avec des manifestations dramatiques : le 3 novembre 2022, le Collectif « Jamais sans mon toit » recensait 197 enfants à la rue[2].

Dans ce contexte, nous pouvons tous nous réjouir que le gouvernement ait renoncé à supprimer des places en hébergement d’urgence pour 2023.

C’est évidemment une excellente nouvelle pour les personnes ultra-précarisées et d’autant plus à l’approche de l’hiver.

Néanmoins, cette proposition ne peut être que provisoire et n’a pas vocation à se substituer à des solutions pérennes.

Le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre sur la crise du logementest très clair sur le sujet : seule la construction de nouveaux logements constitue la véritable solution.

La Fondation préconise un rythme de 400 000 constructions annuelles pour toute la France. Adapté à la population lyonnaise, il en faudrait donc 3078 dans la ville de Lyon et 8309 à l’échelle de la Métropole[3]

Quelle est l’attitude de la majorité face à cette situation ? Elle communique sur sa volonté de changer le monde, ça c’est sûr, mais la réalité de son action est tout autre, et ne trouve aucune réponse à la hauteur de l’enjeu.  

Car le diagnostic de la crise fait par la Fédération des Promoteurs Immobiliers de la Région lyonnaise est sans appel : il pointe les responsables politiques ayant fait campagne contre l’urbanisation qui aujourd’hui ne signent plus de permis de construire. Résultat : la construction a chuté de près de 50% et les stocks de logement s’épuisent.

Nous le dénonçons depuis 2 ans parce que nous savons pertinemment que cette crise du logement à Lyon compromet les ambitions sociales de la Ville et de la Métropole.

Voilà la responsabilité que les majorités NUPES à Lyon doivent assumer.

Votre majorité avait pourtant pris des engagements :

  • Lors du Conseil municipal du 17 décembre 2020, la Ville de Lyon s’est engagée à produire 2 000 logements par an.
  • Lors du Conseil municipal du 23 mars 2022, la Ville de Lyon a approuvé le Contrat de Relance Logement passé avec l’Etat. Il fixe un objectif de 2922 logements par an dont 1559 sociaux.

Pour en faire le bilan, notre groupe a demandé par courrier envoyé en octobre dernier à Mr l’adjoint à l’urbanisme, les chiffres de constructions, de productions et de rénovations depuis le début du mandat. Courrier resté sans réponse à ce jour.

Du côté de la Métropole, qui d’ailleurs à davantage de poids en matière d’orientation stratégique de la politique du logement, les objectifs affichés, sont là-aussi ambitieux mais ne sont pas et ne seront jamais atteints.

  • Un objectif de 6 000 logements abordables par an avec 5000 logements sociaux et 1 000 en Bail Réel Solidaire (la Foncière du Grand Lyon vend des logements à prix très inférieur à ceux du marché en restant propriétaire du foncier et en échange d’une redevance).
  • En matière de rénovation énergétique via le dispositif ECO’RENOV, 10 000 opérations devaient être menées en début de mandat.

Quels résultats dans les faits :

  • Moins de 3600 logements livrés en 2021
    • 2417 rénovations énergétiques ont eu lieu

Au-delà de leur caractère inatteignable dans le contexte actuel et avec le retard pris, ces objectifs posent un problème de méthode.

Cette méthode est contre-productive sur deux aspects :

  • En matière de soutenabilité financière tout d’abord. Les Verts ont engagé des baux réels solidaires à un rythme industriel … Qui aboutira à une dette de 100 M € en 2026 pour la Foncière Solidaire du Grand Lyon. Comment l’exécutif métropolitain compte-t’il gérer cette dette ? Et comment espère-t-il la justifier après le nouveau projet de loi finance permettant au gouvernement de contrôler plus étroitement les comptes des collectivités ?
  • Mais également en matière de mixité sociale. La majorité réserve jusqu’à 65,5% de ses réserves foncières pour les destiner aux Baux Réels Solidaires. Mais cela revient seulement à faire une promesse démagogique aux plus modestes : celle d’habiter dans des quartiers, peut-être mieux situés, mais toujours entre familles précaires : exit donc la mixité sociale indispensable à l’équilibre de nos quartiers et de notre ville.

Alors que vous devriez être pro actifs sur ce sujet en associant, de manière très large, tous les acteurs de la construction dans la démarche pour contrecarrer cette crise, vous vous contentez de convertir des logements existants et ne répondez pas à l’enjeu de la situation.

Je doute malheureusement que vous réinterrogiez votre politique de construction.

C’est une grave erreur car cette pénurie impose à une partie des Lyonnais à aller s’installer en 3e couronne.

Et ironie écologique, faute de projet politique global en matière de mobilité, avec notamment aucun projet structurant engagé, les Lyonnais contraints à s’expatrier à plusieurs 10aines de kilomètres, sont dans l’obligation de prendre leurs véhicules pour rejoindre Lyon.

Résultats de votre action : Une crise du logement qui s’accentue / plus de véhicules sur les routes / plus de bouchons / plus de pollution…

S’il est vain d’essayer de vous convaincre que vous commettez une erreur manifeste, il est essentiel pour notre groupe de ne jamais nous résigner et de continuer à alerter sur les risques que vous faites encourir à cette ville et aux Lyonnais.

Je vous remercie


[1] Communiqué de presse de la Fédération des promoteurs Immobiliers de la Région Lyonnaise, 23/09/22, via  https://fpifranceprodcellar.cellar-c2.services.clever-cloud.com/public/media/file/FPI_CP_230922%20V2_0.pdf, consulté le à4/11/22.

[2] Martin Gaboriau, « 197 enfants à la rue : Ville de Lyon répond », in Lyon capitale, le 03/11/22, via https://www.lyoncapitale.fr/actualite/197-enfants-a-la-rue-selon-jamais-le-collectif-jamais-sans-mon-toit-la-ville-de-lyon-repond, consulté le 04/11/22.

[3] 400 000 constructions annuelles pour 67 390 000 habitants en France en 2020 selon la Banque mondiale. Selon Tribune de Lyon (https://tribunedelyon.fr/2020/12/29/105940/, consulté le 6/04/22), Lyon compte 518 635 habitants en 2021. Selon l’INSEE, la Métropole compte 1,4 million d’habitants. D’où (518 635 x 400 000)/67 390 000 = 3078. (1 400 000 x 400 000)/67 390 000 = 8309.

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