Intervention de Gérard Collomb

Monsieur le maire, Mes chers collègues

Au début de ce mandat, vous avez bien voulu reconnaitre que la précédente majorité vous avait laissé une situation financière très saine.

Et c’est vrai qu’alors même que pendant toute la première partie du mandat dernier, nous avions dû subir la baisse des dotations de l’Etat, nous avons laissé une dette qui n’était que de 389,8 millions quand elle se montait à 428 millions en 2001, ce qui relevait de l’exploit.

Je pense que lorsque la COVID nous a atteint en 2020 réduisant nos recettes et entrainant des dépenses supplémentaires, beaucoup de communes auraient souhaité se trouver avec un encours de dette aussi faible et un fonds de roulement équivalent au nôtre, 45 millions d’euros.

Si nous avons pu parvenir à un tel résultat, c’est parce que tout au long des années où nous avons dirigé cette ville, nous avons travaillé pour en développer chaque jour un peu plus la dynamique économique et urbaine, faisant ainsi augmenter nos recettes.

Dans le même temps, bien sûr, nous veillions à maitriser l’évolution de nos dépenses de fonctionnement, parce que, si elles dérapent, c’est l’investissement qui se trouve affecté.

Vous avez, vous, annoncé, dès le départ que vous souhaitiez vous situer en rupture par rapport à cette politique. Et de fait, vous le souligniez encore dans le rapport présenté à l’occasion de notre débat d’orientation budgétaire, là où nous nous efforcions d’autofinancer la plus grande partie de nos dépenses d’équipements (2015 et 2016 autofinancées, 2017 13, 5 millions d’endettement, 2018 12 millions de désendettement et 2019 nouveau désendettement) , vous avez fait le choix de n’autofinancer ces dépenses d’équipements qu’à hauteur de 40%, vous endettant pour le reste et acceptant ainsi une diminution progressive de votre autofinancement projeté à 60 millions en 2026 alors qu’il était de 115,6 millions d’euros en 2019. Du coup vous feriez passer la dette de 389, 8 millions en 2019 à 565 millions à la fin de votre mandat avec une capacité de désendettement à 9 ans et 3 mois.

Monsieur le maire, je vous l’ai dit dès nos premiers débats sur le budget, vous faites courir là un grand risque à la ville parce que nous vivons dans un environnement plein de risques.

J’espère que la pandémie sanitaire sera dans les prochains mois derrière nous, encore que nous ne nous attendions pas à une telle explosion des cas COVID en ce début d’année. 

Mais au-delà même de cette pandémie, l’avenir est plein d’incertitude : baisse de la croissance en Chine qui peut retentir sur la croissance mondiale, renouveau de l’inflation aux Etats-Unis avec la probabilité d’une augmentation des taux d’intérêts, tension sur le prix des matières premières – vous en faites l’expérience sur la construction du groupe scolaire Neyrard dans le 9éme arrondissement où alors que vous aviez budgété 10 millions d’euros, vous devez rajouter 2 millions – changement à moyen terme de la politique monétaire de la BCE, sans compter la tension grandissante à l’Est de l’Europe qui pourrait tout remettre en cause.

C’est pourquoi envisager dès 2022 d’aller vers une capacité de désendettement située à plus de 9 ans, c’est la certitude d’aller dans le mur, si l’un ou l’autre de ces éléments se produisait. Sauf bien évidemment à augmenter massivement les impôts.

Nous avons ce désaccord-là sur l’augmentation que vous prévoyez donc sur vos dépenses de fonctionnement. Et Monsieur le maire, vous nous faites frémir quand vous affichez dans votre BP 2021 une création nette d’emplois à la ville de Lyon de 154 postes (180 créations pour 26 suppressions) dont 100 postes donnant lieu à financement supplémentaire et pour le BP 2022 une création nette de 73 postes nouveaux (127 créations contre 54 suppressions) dont 47 postes donnant lieu à financement. Ces derniers postes marquent le passage d’un statut de contractuel à un statut de titulaire. Mais du coup, ils doivent être pris en compte dans l’évolution de nos finances, puisque c’est pour de longues années que vous engagez notre ville.

Pour donner un élément de comparaison, je rappelle que dans l’ensemble du mandat précédent, nous avions eu une création nette de 83 postes dont 52 sur l’année 2020 pour faire face aux nouveaux équipements qui allaient s’ouvrir.

Mais, je ne sais si c’est pour le bonheur des lyonnais (les contribuables auront moins à payer) ou pour leur malheur (nos concitoyens regretteront que votre réputation en matière de gestion de la sécurité nuise fortement à l’augmentation de policiers municipaux), vous n’arrivez pas à recruter et donc les chiffres affichés lors des budgets primitifs ne se traduisent pas dans les chiffres du compte administratif et c’est pour cela que votre autofinancement et votre dette ne connaissent pas encore de dérapage. Mais je sais que cela viendra. 

Et cela pour une cause que je voudrais expliciter.

Nos recettes sont d’abord aujourd’hui basées, depuis la réforme fiscale décidée au niveau national, sur la taxe foncière sur les propriétés bâties et une compensation de l’Etat correspondant à la suppression de la taxe d’habitation, les deux évoluant en fonction des constructions réalisées en matière de logements comme de locaux d’entreprises. C’est dire que lorsque vous décidez de réduire la constructibilité comme vous l’avez déjà fait au cours de ces deux ans (cf la Part-Dieu) et comme vous allez encore le faire avec la modification n°3 du PLUH, vous vous tirez une balle dans le pied parce que vous allez, dans les prochaines années impacter fortement vos recettes.

De ce point de vue d’ailleurs le deuxième élément important pour nos recettes ce sont les DMTO (droits de mutation à titre onéreux). Du fait de la dynamique que nous avons impulsée dans notre ville et je dois dire dans notre agglomération, ils ont été en constante augmentation, et même dans les deux dernières années, 2020 et 2021 si fortement impactées pourtant par la crise sanitaire.

Ils seront encore en augmentation sans doute cette année 2022 à plus de 45 millions d’euros. Mais si vous persistez dans votre volonté de réduire l’accueil d’entreprises et la construction de logements à Lyon, ils ne manqueront pas de baisser au cours des prochaines années.

Quand on me dit que les promoteurs immobiliers n’auraient pu construire que 600 logements à Lyon en 2021 alors que nous en construisions près de 2000, c’est là une catastrophe pour les Lyonnais ou celles et ceux qui voudraient venir habiter dans notre ville. 

Faute de trouver un logement à Lyon, ils sont en effet obligés de s’orienter vers la 3èmecouronne. Et là aussi les chiffres sont parlant puisque, du fait de la pression de la demande, se sont construits en 2021 2000 logements contre 1000 en 2020.

Cette obligation d’aller toujours plus loin de Lyon entraine d’ailleurs une augmentation des navetteurs domicile-travail, avec pour beaucoup d’entre eux, la nécessité, faute de transport en commun, d’emprunter leur voiture. 

Et vous aboutissez ainsi au résultat contraire à ce que vous souhaitez : un renforcement de la circulation automobile que l’on pourra constater à nouveau dès que l’on ne sera pas dans une obligation forte de recourir au télétravail. Et ce n’est pas la création des voies lyonnaises qui permettra à celles et ceux qui sont obligés de faire des trajets de 30 à 40 kilomètres de se déplacer facilement.

Sur tous ces points-là, lorsque vous êtes arrivés à la tête de Lyon, nous savions que nous étions en désaccord. 

Nous voulions poursuivre une dynamique économique forte, vous disiez qu’il était urgent de mettre un coup d’arrêt à l’implantation de nouvelles entreprises. 

Nous cherchions à attirer un tourisme international, qu’il soit d’affaire ou d’agrément, parce qu’il est un vecteur fort de ressources pour nos hôteliers, nos restaurateurs et nos commerçants. En 2019 c’était 36000 emplois sur l’agglomération. Vous souhaitez, vous un tourisme plus local pour réduire le nombre de celles et ceux qui arrivaient, pour ce faire, par avion.

Nous développions de grands projets comme la Confluence, Gerland, générateurs de beaucoup d’emplois et de richesse pour la ville, vous souhaitez, vous, comme je l’ai dit, réduire la constructibilité. Nous étions prévenus par vos discours de campagne et cela n’a donc pas constitué pour nous une découverte.

Par contre, vous affirmiez que vous alliez fortement investir dans les dépenses d’équipements publics, nous reprochant ce que vous appeliez notre dette patrimoniale. Vous nous annonciez donc des montants importants en termes de PEP (Programme d’équipements Pluriannuelle) avec 1,2 milliards d’autorisation de programme et 800 millions de crédits de paiement. Ce que nous aurions d’ailleurs réalisé si nous avions continué à gérer cette ville. 

Pour cela, nous aurions été pourtant plus précautionneux en termes de ressources humaines, ne dispersant pas les créations nettes de postes mais les concentrant sur les nouveaux équipements ou le renforcement de nos services techniques ou des équipes backoffice. Nous n’aurions pas, par ailleurs, laissé partir des éléments précieux de notre direction.

Ce qui, je dois dire, nous surprend fortement, c’est votre difficulté à réaliser. En effet alors que vous aviez budgété 130 millions de dépenses d’équipement au BP 2021 vous n’en avez réalisé que 95 millions. On le voit, la chute est vertigineuse. Vous qui parlez toujours de redevabilité, il faudra que vous nous expliquiez.

Alors vous comprendrez que lorsqu’au BP 2022, vous nous annoncez vouloir réaliser 149 millions d’euros de dépenses d’équipements, nous attendrons de voir.

Pourtant ce n’est pas le manque de projet qui vous a paralysés car ils étaient nombreux ceux laissés par le précédent exécutif et vous ne partiez pas d’une page blanche. 

Lorsque l’on regarde les investissements prévus au budget 2022 ils correspondent tous à des projets lancés dans le précédent mandat : groupe scolaire Duvivier Cronstadt, Groupe scolaire Ginko, Groupe scolaire Léon Jouhaux, Groupe scolaire Veyet, Groupe scolaire et établissement d’accueil de jeunes enfants sur la Confluence, restructuration du Bâtiment Porche à destination de la salle de musique « marché Gare ». 

D’autres qui auraient pu partir ont été abandonnés. C’est le cas par exemple du projet du musée Guimet qui devait accueillir l’atelier de création de la maison de la danse et le service archéologique de la ville de Lyon.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire l’ancienne école des Beaux-arts devait être cédée pour un beau projet comprenant logements en accession à la propriété et logement social avec une belle esplanade avec vue magnifique sur l’ouest lyonnais. 

Aujourd’hui on s’aperçoit que vous n’avez de réels projets ni sur l’école des Beaux-arts ni sur le musée Guimet lui-même.

D’autres équipements, comme la salle Rameau ont vu leur projet dégradé diminuant par là même les versements qui étaient prévus à la Ville de Lyon notamment le droit d’entrée que vous faites passer de 3 millions à 2 millions.

Enfin nous ne comprenons pas pourquoi il convient de financer le projet de l’ancien collège Serin qui devait déjà comprendre une résidence étudiante de 46 logements (financement PLS) une micro-crèche et des espaces collaboratifs.

Ceci, c’est pour les dépenses d’investissements !

Pour les dépenses de fonctionnement, si les crédits supplémentaires pour les centres sociaux, les MJC, les maisons de l’enfance, les clubs sportifs ou la culture nous semblent les bienvenus mais ils sont dans la continuité des mandats précédents où vous le savez, pour donner de la visibilité financière aux structures d’éducation populaire, nous avions même décidé d’engagements triennaux, nous ne sommes pas sûrs que les projets nouveaux soient à la hauteur des attentes des Lyonnais. 

A-t-on besoin de grandes concertations citoyennes, pour végétaliser les cours de crèches, pour trouver des projets pour « les lieux à investir » ? 

Vous voulez créer une grande fête de l’eau, projet que vous avez trouvé dans nos tiroirs et mêmes historiques puisqu’il avait lieu sous le nom de « Fête des merveilles ». 

Mais il se passe déjà beaucoup d’évènements sur l’eau : que ce soit sur la Saône ou le Rhône : descente en kayak, traversée de Lyon à la nage, mise en valeur de la Saône lors de la Fête des Lumières. 

Chacun se souvient par exemple des petits lumignons descendant le cours de la Saône au cours de l’avant dernière fête. C’était un spectacle inoubliable et correspondant tellement à l’histoire et à la culture de Lyon. On pourra difficilement faire plus émouvant.

Il y avait aussi cette fête des Cerises organisée chaque année à la Confluence permettant notamment de faire appel aux producteurs des Monts du Lyonnais ou de la vallée de l’Azergues, parce que, si nous aimons les cultures en ville nous avons toujours pensé qu’il fallait d’abord soutenir les producteurs de nos campagnes environnantes sauf à voir un certain nombre d’entreprises agricoles fermer. 

Mais bon, va pour la Fête de l’Eau. Mais si c’est pour investir dans un évènement qui forcément ne pourra trouver un plein essor qu’année après année et dans le même temps, faire mourir progressivement une Fête des Lumières qui était devenue un évènement mondial – alors nous ne pouvons pas vous suivre dans cette voie-là. 

Madame l’Adjointe aux finances, puisque c’est vous qui avez été chargée de cette fête ne l’abandonnez pas. Je veux bien qu’il y ait aujourd’hui un nouvel acteur avec la « Région de Lumières » mais c’est là une supplique : faites en sorte que l’on parle toujours dans les prochaines années de Lyon comme la Ville de Lumières. 

Pour ce qui est du reste du budget, puisque je m’adresse directement à vous Madame l’Adjointe, prenez en compte quelques-unes de nos remarques et ne vous laissez pas entrainer dans une voie où vous regretteriez de vous être engagée dans quelques années. 

En attendant que cela soit fait, vous comprendrez pourquoi nous ne voterons pas pour ce budget primitif 2022.


Conseil de la Ville de Lyon du 27 janvier 2022

Dossier 2022/1417 : Vote du Budget Primitif 2022 budget principal, budgets annexes du théâtre des Célestins, de l’Auditorium-Orchestre national 

Intervention de Gérard Collomb

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