Intervention de Yann Cucherat
Mr le Maire Mesdames et messieurs les élus,
Laissez-moi vous dire que nous sommes plutôt soulagés de voir le dossier de la ZFE s’inviter dans les débats de ce conseil municipal. Il aurait pu, de facto, recueillir un avis favorable de la ville de Lyon, sans avoir été soumis aux débats, puisque non inscrit à l’ordre du jour des séances programmées de notre assemblée, comme ce sera le cas pour le Plan de Protection de l’Atmosphère qui sera traité après la date limite de recevabilité lors du prochain conseil municipal.
C’est ce que soufflait en creux le groupe Ecologiste de notre ville via ses réseaux sociaux, considérant qu’il n’y avait pas d’obligation à le soumettre à notre assemblée ; l’avis d’une commune ne se prononçant pas étant considéré de fait comme favorable. Merci donc pour ce sursaut démocratique bienvenu qui nous permet de débattre ce jour sur un sujet aussi majeur pour tous les habitants de notre territoire.
Nous sommes POUR le projet de ZFE.
Tout d’abord parce que nous l’avons initié, mais surtout parce qu’il est de notre devoir d’agir en faveur de l’amélioration de la qualité de l’air. Une fois n’est pas coutume, bien que d’accord sur le fond, la forme que vous donnez à ces actions nous inquiète. Nous ne pouvons cautionner une action qui accentuera l’exclusion sociale d’une partie de la population et portera atteinte au dynamisme économique de notre territoire. L’interdiction des véhicules particuliers classés Crit’Air 5 ou non classés dès 2022 et la sortie du diesel à partir du 1er janvier 2026 avec accès limité aux véhicules classés Crit’Air 0 et 1 sont deux objectifs mal préparés qui auront des répercussions fortes sur la population.
Cette révision de la ZFE n’apparaissait nulle part dans le programme électoral de vos collègues de la Métropole et l’accélération de son calendrier va engendrer un impact direct sur le pouvoir d’achat des Lyonnais et tout particulièrement des foyers le plus modestes.
Nous savons que la circulation automobile est responsable d’environ un tiers de la pollution atmosphérique, et bien qu’en baisse depuis les années 2000 d’après les chiffres d’ATMO Rhône Alpes, la ZFE est certainement une réponse clé à ce problème, mais clairement pas la seule alternative. Beaucoup de choses ont déjà été faites pour améliorer la qualité de l’air, et ces actions ont montré leur efficacité grâce à une politique volontariste des collectivités, des industriels, de l’état et des comportements de nos concitoyens.
De son côté, le président de la Métropole qui à un électorat à satisfaire, se contente simplement d’interdire les Crit’Air 5, 4, 3 et 2 d’ici 2026 soit quelques mois avant les élections. La mise en place des exclusions ne devance finalement que de 4 à 6 mois les échéances fixées par la loi « Climat et résilience ». Et pourtant, ces quelques mois de préparation qu’il hôte aux Grands Lyonnais sont essentiels pour leur permettre de trouver des alternatives.
Le Président de la Métropole souhaite interdire dès septembre les Crit’Air 5. Une part finalement très faible du parc automobile puisqu’il s’agit de 5 % des véhicules. Et de fait, une part minime de la pollution atmosphérique. Mais pour ces foyers qui sont généralement les plus modestes, le coût économique et social sera exorbitant. Changer de véhicule dans des délais si courts sera insurmontable alors qu’ils sont dépendants de leur voiture, notamment pour aller travailler. Dans des proportions différentes, ce sera également le cas pour les véhicules Crit’Air 4 et 3.
Nous ne pouvons accepter que ce calendrier exclue une partie de la population du droit au déplacement.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que soit repoussée à janvier 2023, l’interdiction que vous prévoyez en septembre 2022 pour les véhicules Crit’Air 5, tel que le propose la loi Climat et Résilience.
Yann Cucherat
Nous craignons clairement que les mesures prises pour cette ZFE aboutissent à une fracture territoriale et engendrent des conséquences économiques catastrophiques.
Depuis toujours, Lyon se veut une terre d’accueil, d’échanges, ouverte sur le monde. Les gens aiment y venir, y consommer. Le dynamisme économique, culturel, sportif qu’on lui connait rayonne aujourd’hui sur toute la Métropole et les territoires limitrophes. La mise en place de cette ZFE ne peut donc être une action isolée. Le travail partenarial avec les collectivités locales voisines est la clé du succès de ce projet. Malheureusement la Métropole ne l’a pas pensé ainsi. Pour qu’une telle évolution puisse être supportable, il est notamment indispensable de mettre en place des mesures alternatives solides de mobilité (métro, RER à Lyonnaise). Ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui.
Si nous souhaitons comme vous améliorer la qualité de l’air et lutter contre le réchauffement climatique (nous l’avons démontré par les faits, nous avons agit et ne nous sommes pas contentés de simple déclaration), nous considérons qu’à vouloir aller trop vite vous prenez le risque d’un rejet massif de la population.
Amendement N°1
251 065 véhicules devront ainsi être changés d’ici 4 ans. Et c’est bien les Grands Lyonnais qui devront payer. Nous parlons ici de plusieurs milliards d’Euros, au détriment de leur pouvoir d’achat. Malgré une aide financière de la Métropole et de l’État, l’impact financier sera trop conséquent et brutal pour bon nombre de Lyonnais. C’est la raison pour laquelle nous vous présenterons, avant le passage au vote, un 1er amendementproposant que la ville de Lyon apporte sa contribution financière aux dispositifs d’accompagnement de l’État et de la Métropole, notamment pour les familles lyonnaises les plus modestes : « Un soutien financier complémentaire pour que la ZFE+ ne soit pas une OPA sur le pouvoir d’achat des plus précaires ».
Amendement n°2
Amendement n°2
Nous proposerons également un 2e amendement que nous vous détaillerons tout à l’heure, qui aura pour objectif de favoriser l’acceptabilité sociale et l’efficacité de ces mesures de restriction.
Pour notre groupe, il est effectivement indispensable de mettre en place, à chaque étape du renforcement de la ZFE, une phase d’accompagnement pédagogique d’une année, sur le modèle mis en place par vos camarades écologistes de Strasbourg. Nous trouvons très pertinent l’accompagnement renforcé qu’ils proposent à chaque nouvelle phase durant lesquelles le contrôle par les forces de l’ordre se fait sans sanction, mais avec une information personnalisée.
En accompagnant, nous permettrons à chacun d’entre nous de s’impliquer davantage, de changer ses habitudes, d’adapter ses pratiques de mobilités et surtout d’avoir le temps de réaliser les démarches de demandes d’aides pour le renouvellement du véhicule. Les citoyens y verront une action concrète, autre qu’un calendrier politique. Plutôt que de démultiplier les motifs de dérogation à l’interdiction, comme cela va être le cas, nous estimons que ce serait bien plus efficace et lisible pour tous.
Enfin, il semblerait judicieux de mieux communiquer à propos de cette ZFE. Un sondage d’Harris Interactive révélait il y a peu que 60 % des Français ignorent ce qu’est une ZFE. Comment prendre part à quelque chose dont on ignore l’existence ? Il nous semble important que nos concitoyens appréhendent bien que 75 % des véhicules circulants aujourd’hui ne pourront plus rouler en 2026, parce que ce n’est pas anecdotique. Nous souhaitons donc qu’une information personnelle à chaque grand Lyonnais soit réalisée. Nous sommes persuadés que très peu de personnes sont informées de l’impact que ces décisions auront dans leur quotidien. Les pages blanches des classeurs en mairie d’arrondissement ou les 4800 personnes seulement ayant participé à vos différentes réunions publiques à l’échelle de la Métropole en attestent.
Nous avions proposé avec nos collègues de la Métropole, et je pense tout particulièrement à Christophe Geourjon, un référendum local sur les conditions de mise en œuvre du renforcement de la ZFE. Malgré vos convictions fortes en matière de démocratie participative, cette proposition a été rejetée et nous le regrettons.
Amendement n°3
À défaut, nous vous proposerons un 3e amendement pour mieux accompagner et informer nos concitoyens : Décentraliser l’information, en particulier sur la phase 1 (Crit’Air 5), dans les maisons métropolitaines de la solidarité qui accueillent les personnes bénéficiant de l’aide sociale. C’est le lieu idéal pour les personnes aux situations les plus précaires. Elles y ont leurs habitudes et leurs repères pour leurs différentes démarches administratives.
Nous ne remettons donc pas en cause l’objectif de la ZFE que nous partageons. Nous alertons simplement sur les enjeux d’un calendrier trop serré et sur les mesures d’accompagnement insuffisantes qui sont proposées.
Le dispositif mal pensé que la métropole s’apprête à déployer va fracturer une fois de plus la population et risque de ne pas produire les effets escomptés. Il est encore temps de changer et nous espérons trouver votre soutien.
Je laisse la parole à Gérard Collomb afin qu’il prolonge l’argumentaire de notre groupe ayant vocation à vous convaincre, et si ce n’est le cas, à au moins bien informer les Lyonnais de ce qui les attend.