Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les élus,
Chers collègues,
Si je prends la parole sur cette délibération, c’est pour évoquer au sein de cette Assemblée une crise du logement nationale, dont les retombées sont malheureusement bien connues de notre ville et plus généralement de toute l’agglomération lyonnaise.
Très récemment, la Fédération des Promoteurs Immobiliers de la Région lyonnaise offrait une analyse sans concession : les ventes de logements sont au plus bas tandis que les prix continuent de grimper, faisant entrer notre territoire dans une sorte de « stagflation » immobilière.
Un peu plus tôt, le 4 avril dernier, dans son rapport régional concernant l’Auvergne-Rhône-Alpes, la Fondation Abbé Pierre a dressé un constat aussi sévère que limpide concernant l’accès au logement au sein de notre Métropole : elle y est en effet qualifiée de « territoire d’exclusion ».
Aussi, je souhaite, au nom de notre groupe, que cette majorité municipale et métropolitaine prenne sa part de responsabilités dans la crise du logement que connaissent notre ville et notre métropole.
Votre exécutif doit en effet assumer qu’il ne remplit pas les objectifs qu’il s’est lui-même fixé en début de mandat ni ceux de son Contrat de relance du logement signé avec l’Etat.
Dans ce document, en mars 2022, votre majorité promettait 2922 logements par an dont 1559 logements sociaux.
En octobre dernier, nous vous avions demandé un bilan de la production sur le territoire municipal: en moyenne, 2487 logements ont été produits annuellement en 2021 et 2022.
Si l’on se fie par ailleurs aux informations recueillies par le journal Le Monde et présentées dans un article à la même période, 1432 logements sociaux ont été produits à Lyon en 2021.
Faute d’avoir le détail entre parc privé et parc social dans les données que vous nous avez transmises, nous ne pouvons savoir si les objectifs en matière de logements sociaux sont remplis pour 2022.
Pour cela, je m’en remettrais à la réponse que vous aviez bien voulu donner à nos questions sur ce sujet en commission urbanisme. Mme l’Adjointe avait en effet admis que la production sociale n’était pas tout à fait à la hauteur de vos ambitions politiques.
Ainsi, comme souvent avec cet exécutif, les promesses ne sont pas tenues.
Mais vous me répondrez, comme souvent également, que ce n’est pas de votre faute. En l’occurence, si les équipes municipales et métropolitaines n’ont pas pu obtenir les résultats escomptés, c’est parce qu’ils ne peuvent lutter contre une crise nationale ni contre la conjoncture économique.
On passera sur le fait qu’être en responsabilité signifie être en mesure de répondre des situations et parfois de pouvoir les anticiper.
Mais passons. Car, en effet, on ne peut pas vous imputer la responsabilité d’une crise nationale.
On ne peut pas non plus vous imputer celle de la remontée des taux d’intérêt suite aux décisions de la Banque Centrale Européenne (BCE), rendant les emprunts nécessaires à l’acquisition beaucoup plus difficiles.
On ne vous doit pas davantage le renchérissement du coût des matériaux depuis la fin de la pandémie. Renchérissement que la guerre en Ukraine a d’ailleurs considérablement renforcé. Ce faisant, les coûts de construction ont, eux aussi, explosé. Ces difficultés sont venues s’ajouter à la rareté du foncier.
Certes.
Mais qu’en est-il de vos choix politiques contre-productifs dans ce domaine ? Ceux-là, personne ne vous les a imposés. Ni la conjoncture, ni le gouvernement ni la BCE.
- Qu’en est-il en effet du nombre de permis de construire que votre exécutif décide ou non de signer ? Rappelons que, selon la récente analyse de la FPI, les professionnels de la construction pointent les difficultés pour obtenir un permis de construire comme l’une des principales causes de la crise actuelle.
- Qu’en est-il également du nombre de logements que vous intégrez dans vos opérations ?
- De l’encadrement des loyers dont les effets délétères sur l’accès au parc locatif privé ont été documentés par l’Union des Syndicats de l’Immobilier ?
- Qu’en est-il enfin de la hausse de la taxe foncière ?
Ces choix sont bien les vôtres et leurs conséquences sur la crise du logement à Lyon sont de votre fait. C’est pourquoi j’appelle cette majorité, au nom de notre groupe, à assumer sa part de responsabilité dans les difficultés qu’ont nos concitoyens à se loger dans notre ville et son agglomération.
Je suis convaincue que cette remise en question s’impose parce que la méthode de votre politique de logement ne fonctionne pas.
Toutefois, face à l’urgence en matière de logement, nous reconnaissons que des efforts quantitatifs sont à fournir. Pour y arriver, cessez vos hostilités avec les acteurs privés, que ce soit les bailleurs particuliers, les agences de location ou les promoteurs immobiliers. Nous vous enjoignons à travailler plutôt de concert avec eux.
Par exemple, vous pourriez revenir sur l’encadrement des loyers. En échange, ouvrez des discussions avec les agences de location pour qu’elles appliquent des loyers modérés à un certain pourcentage de leur parc. Idem pour les bailleurs particuliers. Des avantages fiscaux sont possibles lorsque des prix maîtrisés sont pratiqués.
Vous pourriez également profiter de ces collaborations pour monter significativement en puissance sur des actions que vous avez déjà identifiées, parfois même commencé à initier :
- L’inventaire des logements vacants et leur réintroduction dans les parcs privés et sociaux.
- La surélévation des bâtiments existants.
- La mise aux normes, en particulier énergétiques, du bâti.
Pour conclure, Monsieur le Maire, Mesdames, Messieurs membres de cette majorité, je vous dirai ce-ci : assumez votre part de responsabilité dans la crise du logement sévissant dans notre ville et notre agglomération. Actez que vos choix politiques ne fonctionnent pas comme vous l’espériez. Collaborez avec les acteurs du territoire pour relever les défis plutôt que de vous opposer à eux.
Je crois que nos concitoyens ont tout à y gagner.
Je vous remercie.
Intervention de Delphine BORBON au conseil municipal de la Ville de Lyon du 11 mai 2023
Rapport n°D_23_0129