Nous attendions avec intérêt le compte administratif 2021 parce que jusqu’à présent votre politique, c’était d’abord des mots. Au travers de ce CA, on peut voir la réalité de votre action. Et elle est loin de ce que vous annonciez.
Dans vos propos liminaires à la présentation du budget primitif 2021, vous nous annonciez vouloir rattraper ce que vous appeliez le déficit patrimonial de la Ville de Lyon relever les défis de la transition écologique et sociale, participer à la relance de l’activité économique.
Or le réalisé en 2021 est singulièrement éloigné des buts que vous affichiez.
Certes la présentation qu’en a faite Mme la première adjointe est habile. Elle nous dit : « Voilà, au budget primitif, nous annoncions une épargne brute à 73,2 M et l’épargne brute retraitée est en fait au compte administratif de 91,7 M, le besoin d’emprunts était estimé à 97 M, il n’aura été finalement que de 80 M, l’épargne brute a atteint 91,7M quand elle était prévue au budget primitif à 73,2M, plus importante donc qu’au CA 2020 où elle se montait 74,9 M. Au final l’encours de la dette se monte à 379,12M au 31 décembre 2021 contre 402,21M au 31 décembre 2020 avec une capacité de désendettement de 4,1 années.
Celles et ceux qui n’auraient pas examiné attentivement ce compte administratif pourraient se dire : « Formidable ! Décidément avec cette nouvelle majorité, non seulement il n’y a pas mieux en matière de transition écologique, de résorption de la dette patrimoniale mais elle nous montre aujourd’hui qu’en matière financière elle a aussi un véritable savoir-faire. »
Sauf que derrière ces beaux chiffres se cache une réalité bien moins brillante.
Non pas au niveau des recettes qui continuent à profiter de la dynamique qui était celle de la Ville de Lyon dans les mandats précédents.
Mais du côté des dépenses et je vais expliciter ces deux points.
Pour ce qui est des recettes, si je détaille chapitre par chapitre :
- Par rapport à une année 2020 totalement impactée par le Covid, les produits et services ne peuvent évidemment qu’être en augmentation et de fait ils s’élèvent à 62,4M moins que nous ne l’aviez prévu au budget primitif 2021 où vous aviez inscrit 68,7M mais évidemment en augmentation de plus 28,6% par rapport au CA 2020.
Un exemple seulement – je ne sais pas si c’est d’ailleurs pour vous un bon exemple : le stationnement qui était de 17,2M en 2020 revient à 20,1M en 2021.
- Deuxième élément de recettes, la fiscalité. Là, la bonne nouvelle c’est que la Ville de Lyon bénéficie à plein de la réforme fiscale intervenue au niveau de l’Etat. De plus, vous avez augmenté les taux d’imposition pour les résidences secondaires.
Au total, les recettes fiscales représentent donc 442,78M en 2021 contre 433,55 M en 2020, déduction du FPIC comprise.
Autre recette fiscale en augmentation, les DMTO qui témoignent de la dynamique immobilière existante à Lyon puisque depuis 2014 ils n’ont cessé d’augmenter pour passer de 27,2M cette année-là à 44,3M en 2021.
A votre place, je veillerais donc avec beaucoup d’attention à ce que cet élan perdure parce que, si demain le marché s’effondrait, ce pourrait être extrêmement douloureux pour les finances de notre ville. Mais j’en dirai quelques mots tout à l’heure.
- Pour ce qui est de notre troisième ressource, les dotations et participations, et d’abord celles de l’Etat, vous bénéficiez d’une quasi-stabilisation de la DGF : 68,55M en 2021, 69,36 M en 2020.
800 000 en moins par rapport au compte administratif de l’année dernière mais plus que prévu au budget primitif puisque nous avons gardé la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale soit 5,70M € alors que vous aviez prévu que nous la perdions et que nous ne puissions bénéficier que des mécanismes de sortie de cette DCUCS, soit 3,93M.
Les autres produits de gestion augmentant eux-aussi de 446 000 €.
Au total, 28,2M de plus par rapport à 2020 et même 31 M en recettes de gestion retraitées.
Que les recettes aient augmenté par rapport à 2020 n’est évidemment pas étonnant. Et leur croissance a contribué de ce point de vue au résultat que j’évoquais au début de mon intervention. Ce ne sont pas ces chiffres qui causent mon étonnement.
Non, ce qui, je dois dire, m’a stupéfié c’est l’évolution des dépenses tant en fonctionnement qu’en investissement.
En fonctionnement, si je regarde chapitre par chapitre, les charges à caractère général baissent de 1 M €, en fait 618 000 si on envisage les dépenses retraitées. Je n’ai rien à dire sur ce chapitre.
En effet, en 2020, la partie dédiée au Covid avait entraîné 10 M d’euros de dépenses supplémentaires mais en 2021 la reprise des activités, si elle a amené comme je l’ai souligné davantage de recettes, a aussi entraîné des dépenses en augmentation.
Celles-ci étant moins importantes que celles causées par le covid en 2020, il est donc normal que l’on ait une baisse sur ce chapitre.
De la même manière, les dépenses inscrites dans le chapitre « subventions et participations » augmentent de 2,45 M pour atteindre 73,25M. On pourrait se dire que c’est important. Mais lorsque l’on regarde dans le détail, on s’aperçoit que ces augmentations ne sont pas aussi substantielles qu’elles n’apparaissent en première vue. Elles avaient déjà augmenté de 1,8 M en 2019. Cette année-là, c’était avec la mise en place des temps de l’enfant +1,5 M €, pour atteindre 8,638 M € et encore +962 000 en 2020 pour le passage en année pleine de ce dispositif. Ce montant a atteint 9,7 M €, +86 000 € en 2021. C’est donc une augmentation minime. Où est la révolution annoncée ? Excusez-moi de vous dire que, pour cette ville à hauteur d’enfants dont vous n’avez cessé de nous parler, cela me semble un effort mineur et sous la toise l’enfant n’a guère grandi.
Même chose quand je regarde les évolutions des subventions aux MJC qui passent de 3,4 M à 3,46M, +600 000 €, les subventions aux centres sociaux où l’on passe de 5 M à 5,42 M. Et encore cette augmentation n’intervient que pour faire face à l’ouverture des équipements que nous avions nous réalisés. Là-encore on est donc loin de la révolution que vous nous promettiez. Pour ce qui est des Maisons de l’enfance, la subvention stagne même au même niveau que celle de 2020.
S’il n’y a pas donc d’évolutions majeures dans ces chapitres-là, celui sur lequel je voudrais attirer l’attention de tous nos collègues est celui de l’évolution de la masse salariale.
Ah que nous ne nous avait-on pas dit sur la gestion des ressources humaines ! On allait voir ce qu’on allait voir ! Vous nous annonciez assumer d’augmenter fortement les crédits consacrés aux dépenses de personnel. Et dans le rapport soumis au débat d’orientation budgétaire 2021, vous nous annonciez la création de 100 postes pour cette année-là.
Vous aviez donc prévu au budget primitif d’inscrire 347 M €. C’était considérable. En effet, la masse salariale se montait à 329,6M au CA 2019. Au budget primitif 2020, elle inscrite en augmentation à 334,5 M du fait de la mise en application du RIFSEP en année pleine. C’était un effort conséquent. Mais rien à comparer avec le budget primitif 2021 qui prévoyait lui une augmentation de la masse salariale de +13M €. Du jamais vu depuis que je siège dans ce conseil !
Or, au compte administratif, surprise, on n’est plus à 347M mais à 340,4M. Pourquoi ? Pas parce que vous auriez décidé d’être plus prudents comme nous vous l’avions suggéré mais du fait d’un double mouvement : un certain nombre de fonctionnaires quittent la Ville de Lyon et vous n’arrivez pas à recruter.
Selon les informations données par les responsables de la Direction Ressources Humaines lors de la Commission des finances, il y aurait aujourd’hui 100 postes vacants, – 100 alors que vous aviez prévu +100. On voit donc la chute abyssale entre l’effet d’annonce et la réalité de la gestion de la Ville.
Pour ne prendre qu’un exemple, assez sensible pour nos concitoyens, la police municipale, toujours d’après les informations données en Commission, aurait vu ses effectifs passer de 335 agents au moment où vous êtes arrivés aux responsabilités à 292 aujourd’hui.
Même le Directeur général adjoint, Monsieur Pernette-Tixier, n’a pas aujourd’hui été remplacé.
Je crains qu’il n’en n’aille de même pour beaucoup d’autres services parce que votre façon de concevoir la gestion municipale incite un certain nombre d’agents à quitter la Ville de Lyon et suscite peu d’appétences lorsqu’il s’agit de recruter.
C’est sans doute pour cela, et c’est le deuxième point qui marque ce compte administratif 2021, que vous n’arrivez pas à réaliser en matière d’investissement.
Monsieur le Maire, pour combler le fameux déficit patrimonial, écologique, de notre ville, vous nous annonciez 1,2 milliard en autorisation de programme sur votre mandat, 800 M de crédits de paiement, alors que nous avions dans le mandat précédent, réalisé 650 M, car la baisse des dotations voulue par l’Etat nous obligeait à être prudents donc, pour cette année 2021.
Vous entendiez donc frapper un grand coup avec un plan d’équipement prévu à 149 M. Mais au final on s’aperçoit dans ce compte administratif que vous n’avez investi que 92 M € et encore, pour la plupart, sur des projets que nous avions, nous, lancés. Parmi les principales dépenses que vous citez dans votre rapport, il y a en effet l’école Léon Jouhaux, le groupe scolaire Veyet, le groupe scolaire Cronstadt, Pup Gingko, académie OMS, réhabilitation du silo de la Part-Dieu, l’école de la Confluence.
On se demande quelles auraient été vos réalisations si nous n’avions pas été là !
L’écart entre la prévision et les équipements financés est donc considérable! Là-encore, c’est du jamais vu !
Et ne nous dites pas que c’est parce que c’est la première année de votre mandat, et qu’il en va toujours ainsi. Dans le tableau que vous nous présentez dans votre rapport montrant les dépenses d’équipement depuis 2008, on s’aperçoit, qu’en 2015, où nous effectuions le même travail de programmation que vous en 2021, nous étions, nous, à 103 M € de travaux réalisés.
Alors Monsieur le Maire, je ne veux accabler personne, et je prends en compte le fait que vos équipes sont nouvelles. Mais l’expérience de 2021 devrait vous amener à prendre conscience qu’il est toujours difficile d’inscrire des projets dans la réalité et donc vous amenez à être plus mesurés dans vos propos lorsque vous faîtes le bilan de ce que nous avons pu accomplir.
Car je pense que beaucoup de Lyonnais trouvent au contraire aujourd’hui que ce qui s’est fait au cours des trois mandats n’était pas si mal et que pendant cette période qui a pourtant vu à la fois le choc de 2008 après la crise des subprimes et la baisse des dotations de l’Etat, Lyon s’est totalement métamorphosée, devenant pour ses habitants, une ville où il fait bon vivre et pour les touristes , une ville attractive dans l’alliance qu’elle a su faire entre ancrage dans l’histoire et souci de la modernité.
Je souhaite pour notre ville, dans une période qui ne sera peut-être pas facile, que dans trois ans et demi, votre bilan soit à la hauteur de celui que nous avons laissé. Je le souhaite d’autant plus que nous sommes de nouveau dans une période de grande incertitude.
La guerre en Ukraine, le covid en Chine vont avoir des conséquences lourdes pour toute notre économie : augmentation du prix de l’énergie, pénurie de matières premières, de matériaux, de semi-conducteurs, indispensables pour nos industries, inflation comme nous ne l’avons pas connue depuis 40 ans, aux Etats-Unis mais aussi dans les pays de l’Union européenne, d’où la remontée des taux d’intérêt effectués déjà par la réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre, des politiques moins accommodantes de la part de la BCE avec peut-être une hausse des taux annoncés pour juillet.
Il est donc sans doute terminé le temps où les collectivités comme la nôtre pouvaient emprunter à des taux négatifs et où les achats immobiliers des particuliers pouvaient se faire à des taux très faibles.
Les premiers signes d’un retournement de l’immobilier se font aujourd’hui jour et pourraient affecter durablement les ressources de la Ville.
C’est donc dans des conditions entièrement nouvelles que vous allez avoir à piloter notre ville. Ce qui demande plus que jamais de savoir choisir les vraies priorités.
Intervention de Gérard Collomb au Conseil municipal de la Ville de Lyon du 19 mai 2022
Rapport 2022/1676 Vote du compte administratif 2021