Que d’incohérences ! Que de renoncements touchant d’aussi prêt à vos options fondamentales et qui ne peuvent que rendre suspectes vos professions de foi écologiques ou, à tout le moins, nous faire douter de votre capacité à assumer la charge de leur mise en œuvre.
Yann Cucherat
Intervention de Delphine Borbon
Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus,
Je dois vous l’avouer, c’est peu cher payer notre ferveur de prosélytes de l’éco-modernisme, que cet inventaire écolo de cours d’école, répétitif et sentencieux comme d’un Prévert soudain rendu accro à l’eau bénite.
Notre gourmandise, attisée par notre impatience, de déguster enfin ce menu programmatique si longuement et mystérieusement mitonné, nous faisait espérer une orgie de mesures d’urgence – l’urgence n’est-elle pas l’idée directrice de ce « dernier mandat pour le climat » ? Nous nous attendions à un plateau richement pourvu d’alléchantes mesures pragmatiques immédiatement applicables, au symbolisme fort et néanmoins de bon sens, de mesures conservatoires et néanmoins innovantes, de décisions prudentes, correctrices et néanmoins profitables à une croissance moins préjudiciable à la santé du monde.
Las ! Vous nous servez un bouillon branlant de mesurettes frisant parfois le ridicule eu égard aux défis du temps, suivi d’un salmigondis de nobles sentiments, d’affectations un rien excessives visant à convaincre de la pureté et de la sincérité de vos vues, mais qui tracent en creux, pour qui sait les lire, la figure de ce que Bonaparte et Michelet détestaient par-dessus tout en politique : l’idéologue-prêtre. Car je ne retiendrai que cela de votre lecture : sous le masque d’une bienveillance élargie à la totalité des êtres et des choses de ce Bas-Monde s’active le jusqu’au-boutiste littéralement habité par le nouvel évangile de l’ÉCOLOGISME, ce renoncement nourri de ressentiment et de haine de soi, de fausse science et de la passion de défaire les principaux acquis de la modernité.
Le plan de mandat est le marqueur de l’action d’une nouvelle majorité qui définit une stratégie, précise des choix tactiques, ouvre des voies.
À nos interpellations en conseil d’arrondissement ou au conseil municipal sur vos actions, vos orientations, vos investissements, vous répondiez par des exhortations à la patience ; votre plan de mandat, d’une ambition inégalée et en tout point innovant, allait nous être bientôt révélé. Il faut reconnaître que ce document est bien mis en forme et que l’histoire qui nous y est contée est une belle histoire pour enfants qui fera flores chez certaines classes d’âge friandes de bons points, de réprimandes, de leçons de morale, d’inclusif et de dégenré à toutes les sauces, avec une prédilection en tout pour le déconstruit. On y rencontre aussi parfois une touche de mépris – je cite Page 4 « il faut de tout pour faire un monde » – qui détonne dans ce bréviaire démago.
Ce tropisme déconstructiviste, inquiétant chez un édile, aggravé par une fascination béate pour une résilience urbaine largement fantasmée et invoquée à tout bout de champ, vous détourne des réalités locales et des tâches qui vous incombent, pour des déclarations d’intentions jamais assorties des actes qu’elles annoncent et des budgets qu’exigerait leur mise en œuvre.
Il est tout simplement impossible de distinguer dans ce plan la moindre ébauche d’une feuille de route, à l’exception évidemment du sempiternel « dernier mandat pour le climat » qui le transforme sans que vous y preniez garde, en une sorte de dernier vœu avant injection de la dose létale…
Alors, puisque nous sommes tous foutus si dans les cinq ans vous n’avez pas inversé la tendance, cessez de vous donner bonne conscience en verdissant, par-ci, par-là, des projets conçus et soutenus par d’autres et des réalisations déjà entamées par vos prédécesseurs. Cessez les déclarations, les déclamations et autres tergiversations et passez aux actes !
Par exemple, s’agissant des mobilités puisque page 9 vous valorisez votre tandem avec la métropole, soulignant que vos objectifs politiques sont partagés. Quid de votre promesse de campagne de décarboner la ville sans délai quand vous remettez en question le métro E si cher aux habitants de l’Ouest Lyonnais et surtout si indispensable pour décongestionner l’ensemble de la ville ? Je n’arrive toujours pas à croire que vous défendiez désormais avec vos collègues de la métropole un projet alternatif de téléphérique et remettiez au débat un projet qui a déjà eu sa consultation.
Pourquoi renoncer aux navettes fluviales dont l’intérêt urbanistique et écologique pour Lyon est incontestable et incontesté ? Encore une promesse de campagne oubliée…
Quelle est votre position sur l’évolution de M6 M7 ? Trouvez-vous normal qu’une autoroute continue à traverser notre ville… ? Que proposez vous comme projet structurant pour y remédier ?
Que d’incohérences ! que de renoncements touchant d’aussi prêt à vos options fondamentales et qui ne peuvent que rendre suspectes vos professions de foi écologiques ou, à tout le moins, nous faire douter de votre capacité à assumer la charge de leur mise en œuvre.
Je pourrais faire le même constat sur la quasi-totalité des chapitres.
- Lyon ville des enfants : mais les valeurs d’éducation populaires ne sont même pas citées…
- Une politique éducative uniquement basée sur la transition écologique selon vos vues mais muette sur les apprentissages fondamentaux, les passerelles avec le sport et la culture, la santé des enfants, la lutte contre le harcèlement scolaire, ou encore les atsem, personnels indispensables dans nos écoles.
- Un chiffre ambitieux de 830 berceaux est inscrit (mais 1/3 seulement de publics). J’espère que nous ne sommes pas dans l’effet d’annonce car nous sommes bien loin des chiffres discutés avec la CAF et délibérés en décembre dernier…
- Rien sur l’engagement, la valorisation, la protection des bénévoles. Seulement 10 lignes sur la vie associative et la jeunesse, forces vives de notre citée.
- Vous traitez avec une incroyable légèreté de la fracture numérique par la simple création d’une application.
- Que dire du développement économique complètement absent de vos perspectives ?
De votre dédain, ou ignorance coupable, du projet de fonds souverain Régional de 100 millions d’euros, pour protéger nos entreprises confrontées, du fait de la pandémie, à d’insurmontables difficultés économiques ?
Que répondrez-vous aux Lyonnais sur vos actions en faveur de l’emploi, préalable incontournable à l’épanouissement personnel et familial, quand ils subiront les conséquences de votre indifférence au développement de l’attractivité économique et culturelle de notre territoire, vous qui dissuadez les entreprises intéressées de s’installer chez nous ?
Je n’ai bien évidemment pas été surpris de lire page 72, que je cite : « la ville de Lyon bénéficie de fortes marges de manœuvres financières dues à un très faible endettement et aux avantages d’une notation AA+ » ; pas étonné de ce flatteur état des lieux, puisque je sais à qui en revient le mérite. En revanche je suis ulcéré de constater que vous en tirez prétexte pour un projet d’endettement vertigineux qui vous permettra d’atteindre les 1,2 milliards d’euros d’investissements et qui, à terme, laissera une dette qui ne restera pas sans effet, loin de là, sur les impôts des lyonnais !
Enfin, comment ne pas évoquer la grande oubliée de ce plan de mandat, la Sécurité ? Seulement 0,82% du budget d’investissement dédié à ce chapitre pourtant essentiel puisqu’il constitue, selon nous bien sûr, la première des libertés ! Pas pour vous apparemment puisque vous favorisez de vos largesses (50 millions d’euros, 5 fois le budget de la sécurité, excusez du peu), pour des projets participatifs aux contours très flous ! N’avons-nous pas là un cas de clientélisme caractérisé visant à corriger ce que révèlent les pétitions qui nous submergent de la part de riverains exaspérés des changements inopinés de sens ou de l’instauration d’une voie cyclable sur leur trajet quotidien vers leur lieu de travail ou les plus proches commerces de première nécessité ?
Je ne reviendrai pas sur les terribles affrontements et drames qui ont émaillé notre ville ces dernières semaines. La responsabilité de ces terribles évènements ne peut être que partagée. Nul ne saurait légitimement vous jeter la pierre ; mais pour l’avenir, l’indigence budgétaire de votre plan sur cette question n’incite guère à l’optimisme et je m’inquiète des désordres qu’il augure.
Monsieur le Maire je m’arrêterai là. L’écologie scientifique, la science économique et toute une tradition culturelle d’excellence locale, se liguent à travers moi contre l’inconséquence de votre projet pour notre ville.
Les manques y sont graves pour l’avenir des Lyonnais. La trajectoire que vous prenez est celle du cumul des dégâts et des dettes. Et nous ne pouvons que nous en désolidariser.