« Si cette majorité nous a beaucoup reproché l’existence d’une dette patrimoniale, cela ne l’empêche pas de constituer un patrimoine de dettes financières que les générations futures auront à assumer.« 

Monsieur le Maire,

Mesdames, Messieurs,

Ce débat et le rapport d’orientations budgétaires (ROB) 2024 qui le nourrit arrivent dans une période charnière. Le mi-mandat étant passé, votre exécutif, Monsieur le Maire, est désormais pleinement responsable des évolutions financières de notre ville. 

Les temps de l’installation aux manettes, de la COVID et de la programmation des projets sont en effet définitivement derrière nous. Dès lors, ils ne peuvent plus constituer une quelconque justification à d’éventuels manquements.

Nous attendions donc ce ROB 2024 avec impatience et un constat s’est immédiatement imposé en le lisant : si cette majorité nous a beaucoup reproché l’existence d’une dette patrimoniale, cela ne l’empêche pas de constituer un patrimoine de dettes financières que les générations futures auront à assumer.

La contraction de notre autofinancement et des dépenses d’équipement en augmentation vous obligent à recourir davantage à l’emprunt. Après avoir augmenté les impôts, Monsieur le Maire, vous réendettez la ville. Autrement dit, les prédictions que notre groupe vous faisait, par l’intermédiaire de Gérard COLLOMB, lors de nos débats budgétaires de 2021, se sont réalisées.

Il vous avait prévenus qu’en cas de retournement conjoncturel, votre gestion serait difficile à tenir et qu’elle aboutirait au réendettement ainsi qu’à la hausse des taxes. Vous nous avez ignorés et avez lâché la bride des dépenses de fonctionnement, en estimant que nos recettes suivraient, puisque la conjoncture était encore favorable à ce moment-là.

Sauf que depuis, comme le décrit le ROB entre les pages 3 à 13, la crise immobilière plombe nos recettes ; l’inflation se stabilise tout juste après avoir atteint des sommets ; les taux d’intérêt restent dissuasifs et la remontée des dotations d’Etat, avec + 320 M €, est bien timide après leur affaissement continu depuis 2014. 

Depuis le début du mandat, nous n’avons cessé de vous mettre en garde. En juin dernier, au moment de nos débats concernant le Compte Financier Unique (CFU) 2022, Mme HENOCQUE, nous avions insisté sur la menace probable d’un effet ciseaux où la dynamique de nos dépenses était supérieure à celle de nos recettes. Une fois n’est pas coutume, vous ne nous n’avez pas entendus.

Aujourd’hui pourtant, le ROB 2024, en page 14, indique, noir sur blanc, qu’un effet ciseaux menace nos finances et que les récentes augmentations d’impôt cherchent à le contre-carrer. En effet, si on compare vos projections pour 2024 et l’année 2019, on s’aperçoit en effet que les dépenses de fonctionnement augmentent de 8,47% sur la période et en prenant en compte l’inflation ; tandis que les recettes de la section diminuent de 0,6% dans le même temps. 

Notamment parce que vos augmentations d’impôt risquent de ne plus être bénéfiques dès 2024, avec un produit en diminution de 0,5% par rapport à 2023, tandis que les prélèvements sur les transactions immobilières devraient perdre 21 M € en comparant avec l’exercice 2019. 

L’évolution de l’épargne brute, soit le rapport entre dépenses et recettes de fonctionnement, témoigne elle-aussi de cet effet ciseaux qui menace : elle devrait diminuer de 51,2 M € entre 2019 et 2024, dont – 35 M € rien qu’entre 2023 et 2024. Une telle dégradation de l’épargne brute affecte notre autofinancement et affaiblit du même coup les capacités d’agir de notre ville. 

En regard de la section de fonctionnement, les dépenses d’équipement sont au beau fixe. 215 M € de crédits de paiement sont prévus en 2024, soit + 75% par rapport aux dépenses qui devraient être effectivement réalisées en 2023. Ce qui vous permet de maintenir à un bon niveau l’exécution de la PPI à l’échelle du mandat, avec un taux de réalisation à mi-parcours autour de 53%. Pour autant, il ne faut pas oublier, dans cette bonne réalisation, que 654 M € ont été fléchés et instruits par l’ancien exécutif. 

Bilan des opérations : notre auto-financement se contracte, l’investissement accélère. En conséquence, vous êtes obligés d’emprunter davantage. Ce faisant, vous constituez un patrimoine de dettes que les générations futures auront à assumer. L’encours de dettes devrait ainsi grimper de 54 M € entre 2023 et 2024 tandis que les intérêts de la dette pourraient exploser de 76% entre 2022 et 2024. 

Dans ces conditions, nous nous étonnons guère des perspectives peu reluisantes affichées à horizon 2026 et que vous décrivez en page 29 du ROB. Par rapport à 2019, l’encours de dettes est augmenté de 110,3 M € pour être porté à 500 M € ; l’épargne brute est rabotée de 40% et notre capacité de désendettement est divisée par deux pour s’établir à 7,2 ans. 

Certes, les agences de notation sont élogieuses … Mais vous courrez en fait assez peu de risque en ce qui concerne notre notation. L’examen des agences se fonde en effet pour l’essentiel sur les garanties apportées par l’Etat et l’appréciation de ses propres finances sur les marchés. Du côté de votre gestion concrète des budgets de la Ville, on vient de le constater, le tableau est bien moins reluisant.

Je vous remercie. 

Intervention de Charles-Franck LEVY au conseil municipal du 25 janvier 2024.

Rapport n°D_24_0106

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