« Nous ne retrouvons pas de données sur les jeunes sortis du dispositif, cela en limite alors considérablement sons sens et son efficience. Il ne serait pas acceptable que ces jeunes, tout d’abord pris en charge par la Métropole, retombent dans l’abandon et la pauvreté. »
Je tiens tout de suite à préciser et sans ambiguïté que le sens de mon propos n’est pas ici de remettre en cause les subventions présentées ce jour.
Nous partageons la nécessité de rompre avec l’exclusion de ces jeunes en très grande précarité, et du besoin de les accompagner et d’apporter des réponses aux nombreuses problématiques qu’ils rencontrent comme l’insertion professionnelle, le logement, les études, l’accès aux soins, à la culture, aux loisirs, à se nourrir… et je ne saurais être assez exhaustive pour énumérer les nombreux enjeux rencontrés.
La jeunesse est notre avenir et nous devons également lui permettre d’en avoir un ! Je profite de cette intervention pour remercier profondément les structures et les acteurs engagés sur le terrain, qui réalisent un travail remarquable au quotidien. Néanmoins, et nous l’avons déjà fait dans cette instance, nous continuons à vous alerter sur quelques points que nous jugeons incohérents dans l’assistance portée à notre jeunesse.
En France, les indicateurs qui permettent de calculer l’étendue de la pauvreté sont divers. Celui de l’INSEE est souvent repris, il établit à 10 millions le nombre de personnes en situation de pauvreté dans notre pays, soit environ 14 % de la population nationale. À l’échelle de notre Métropole, c’est 16,2 % de la population. Plus clairement, selon l’INSEE et sa dernière grande étude en 2019, 1 habitant sur 6 de la Métropole lyonnaise est pauvre, dont 75 500 mineurs. Ces chiffres ne tiennent pas compte de la crise sanitaire qui nous a frappés en 2020 et qui a contribué à l’aggravation de ces données.
Si nous nous concentrons à nouveau sur la population qui nous intéresse, à savoir les jeunes, nous constatons qu’ils sont les premiers touchés par le fléau de la pauvreté, avec un taux de 22,6 % pour les moins de 30 ans vivant sous le seuil de pauvreté, et cette tendance à la hausse semble persister. Parmi les 215 000 jeunes qui habitent la Métropole au moment de la mise en place du RSJ, 48 000 n’étaient ni en études, ni en emploi, ni en formation, soit plus de 20 % des jeunes éloignés de toute activité qui devrait pourtant représenter l’essence même de leur future vie de citoyen. 1979 jeunes ont eu recours au RSJ depuis sa création en juin 2021. En 2023, 80 nouveaux bénéficiaires par mois étaient accueillis par le dispositif, avec une population masculine surreprésentée par rapport aux femmes.
Toujours d’après les chiffres métropolitains de 2023, 600 jeunes en moyenne ont reçu chaque mois le RSJ. On ne peut que faire collectivement le constat que ces chiffres ne suffisent pas à se satisfaire d’une situation de plus en plus préoccupante pour la jeunesse de notre territoire. Avec pour objectif commun et prioritaire : éviter la reproduction sociale de cette pauvreté et permettre aux gens d’en sortir, en apportant à notre niveau, mais de manière déterminée, notre contribution. Le RSJ en est une, il joue son rôle de filet de sécurité pour certains, mais cela est-il vraiment suffisant ?
Laissez-nous en douter.
La situation locale est alarmante et nous nous demandons si les enjeux définis dans ce plan suffiront à résister à cette triste réalité.
Le rapport de compte rendu d’activité de 2023 reste imprécis et manque d’un cadre rigoureux. Il est difficile de développer des politiques efficaces ou de prendre des mesures correctives nécessaires en l’absence d’un diagnostic précis, compromettant ainsi l’établissement de bases solides.
Vous présentez de nombreux chiffres, des pourcentages mais peu de détails. Par exemple, dans la situation « du point de vue logement » : 9 % sont hébergés en foyer, 16 % sont hébergés de manière transitoire chez un tiers (ami, parrain, famille…) et 64 % sont hébergés. Hébergés par qui ? On a déjà les amis, la famille, les parrains, les foyers dans les pourcentages cités avant… Pour les 64 %, on ne sait pas. Dans la partie utilisation du RSJ, 17,5 % l’utilisent dans une démarche de soin… Quel type de démarche, quel type de soins ? Cela reste imprécis et ne renforce pas votre crédibilité.
Monsieur le Président, le bilan 2023 laisse apparaître que le RSJ est largement utilisé pour couvrir des frais indispensables comme se nourrir, se soigner… C’est d’ailleurs mis en avant dans l’enquête sur le RSJ de la Fondation Jean Jaurès que vous avez sans nul doute lue. Ce n’est pas une critique car il apparaît bien légitime que ces jeunes très éloignés de l’emploi puissent satisfaire leurs besoins vitaux.
Mais ne faudrait-il pas l’assumer pleinement dans votre étude ? Cela interroge d’ailleurs sur le fait qu’il n’y ait toujours aucune référence au CEJ dans votre plan, ce qui est regrettable, car on voit ici la complémentarité des deux dispositifs. Nous ne retrouvons pas non plus de données sur les jeunes sortis du dispositif, cela en limite alors considérablement son sens et son efficience. Il ne serait pas acceptable que ces jeunes, tout d’abord pris en charge par la Métropole, retombent dans l’abandon et la pauvreté.
Aussi, avez-vous des éléments, des chiffres à nous communiquer ? Ou, au minimum, cherchez-vous à développer une méthodologie pour pallier à ce manquement ? Car, mise à part faire le triste constat en Commission thématique, nous ne percevons aucune action ou perspective engagée à ce sujet.
Enfin, depuis la mise en place, on ne cesse de nous rabâcher certains enjeux depuis la mise en place du RSJ : améliorer les repérages, capter les publics les plus isolés et les plus éloignés des institutions… et j’en passe.
Ma question est de savoir si, oui ou non, un jour, allez-vous sérieusement vous emparer de ce sujet au lieu d’en faire d’éternels objectifs dans vos plans d’action.
Vous nous annoncez des travaux et des démarches complémentaires à la notion d’« aller vers », notamment en collaboration avec les organismes d’accès au logement.
C’est une très bonne chose, nous souhaiterions seulement y être associés et pouvoir suivre l’évolution de ces mesures de manière transparente et régulière. Nous voterons en faveur de ce rapport. Je vous remercie.
Délibération N°2024-2213- Intervention de Delphine Borbon en Conseil du 11 mars 2024.