« Cette révision pose problème autant sur le fond que sur la forme. Il faut nous préparer aux défis sociaux, climatiques et économiques. Sans cela, on prend le risque de créer un Schéma d’Incohérence et de Désorganisation Territoriales.«
Merci Monsieur le Président pour ce temps consacré au SCOT dans cet hémicycle.
Le SEPAL est compétent mais les impacts sur les territoires sont énormes et nous estimons qu’au-delà des représentants des groupes politiques au SEPAL, les élus territoriaux devraient être plus associés aux réflexions engagées.
Ce-ci dit, autant être clair d’emblée : cette révision est pour le moins accélérée, sans que, à notre sens, rien ne vienne le justifier. Et elle présente un risque majeur : celui d’aboutir à un Schéma d’Incohérence et de Désorganisation Territoriale.
Certes, le SEPAL est libre de réviser le schéma de cohérence quand bon lui semble. Toutefois, le document élaboré en 2010 était censé couvrir une période de 20 ans jusqu’en 2030.
L’ordonnance du 17 juin 2020 est même venue confirmer ce principe en intégrant dans la loi une durée de vie des SCOT d’environ 20 ans.
Ainsi, le successeur de notre schéma actuel aurait dû être projeté à l’horizon 2050. D’ailleurs, l’étude qui nous a été présentée fait bien référence à un SCOT 2050 et non pas un SCOT 2040. C’est surement une erreur. Or, nous débattons aujourd’hui d’un document à horizon 2040, si l’on ne s’est pas trompés. Force est donc de constater ici la stratégie très accélérée, voire précipitée, que vous avez mise en place Monsieur le Président.
Cette stratégie peut même être qualifiée de marche forcée et ce en contradiction avec les recommandations ministérielles.
En effet, dans le sillage de l’ordonnance du 17 juin 2020, la Fédération des SCOT et le Ministère de la Transition Ecologique avaient publié un calendrier de révision et d’élaboration des schémas de cohérence fortement conseillé. Si l’on s’y reporte, le SCOT actuel aurait pu être évalué en 2016, 2022 et 2028, tandis que la conception de son successeur aurait démarré en 2024 pour un vote en 2030.
Or, dans le calendrier que vous avez adopté, Monsieur le Président, la révision a été actée fin 2021 pour un vote fin 2025.
Vous avez ainsi bel et bien lancé une révision accélérée à marche forcée faisant l’impasse sur des phases de diagnostic, à notre sens, indispensables pour une révision.
Aux yeux de tous les groupes d’opposition qui vont intervenir après moi, mais également des élus de la Communauté de Communes des Pays de l’Ozon et de la Communauté de Communes de l’Est Lyonnais qui siègent au SEPAL, cette accélération est risquée sur les plans analytiques, techniques et politiques.
Sur le plan analytique d’abord, puisqu’en votant le nouveau SCOT fin 2025, vous vous privez volontairement d’une dernière évaluation du précédent schéma qui aurait pu avoir lieu en 2028. Cette dernière évaluation s’avère pourtant essentielle pour dresser un bilan complet du SCOT horizon 2030. Sans elle, l’analyse que vous avez dressée fin 2021 est tronquée.
Sur le plan technique ensuite, une révision à marche forcée implique aussi une charge de travail mal répartie aboutissant à des résultats plus que douteux. Cette dérive est déjà perceptible dans ce que vous nous présentez aujourd’hui. Si je devais prendre un exemple, ce serait celui de l’articulation, voire la cohérence obligatoire du SCOT, dans la chaîne de documents-cadres qui structurent les politiques de développement et notamment la Directive Territoriale d’Aménagement au plan national et le Schéma Régional d’Aménagement de Développement et d’Egalité des Territoires, qui a été adopté en 2019 et qui est à horizon 2050. Et dont vous ne parlez à aucun moment.
Enfin, votre révision accélérée du SCOT est discutable sur le plan politique. Avec un vote prévu fin 2025, le nouveau SCOT sera donc adopté en plein milieu de la campagne des élections municipales et métropolitaines. D’emblée, ce nouveau schéma présentera ainsi un important problème de légitimité.
Monsieur le Président, je veux aussi rappeler qu’aucune agglomération comparable à celle de Lyon ne révise son SCOT dans les mêmes conditions que nous. Aucune. Dès lors, nous devons insister : cette révision accélérée de notre schéma de cohérence territoriale traduit une volonté d’imposer votre vision, en faisant fi de tous les préalables nécessaires à la révision d’un document aussi stratégique.
Vous prenez le risque d’élaborer un Schéma dont l’agglomération lyonnaise pâtira pour de nombreuses années.
L’examen de ce Projet d’Aménagement Stratégique nous le prouve.
Il propose en effet trois grandes ambitions :
- Un premier axe autour d’une agglomération fertile, neutre en carbone et adaptée au changement climatique.
- Un second axe axé autour d’une agglomération accueillante.
- Un dernier axe autour d’une agglomération multi-polaire.
Si l’on devait s’en tenir aux titres, nous vous rejoindrions sur ces ambitions sans le moindre problème. Mais la lecture attentive de ce PAS nous montre qu’il souffre de trois grands paradoxes.
Le premier concerne l’adaptation de notre agglomération au changement climatique, adaptation que nous appelons tous de nos voeux soit dit en passant. Vous dites vouloir lutter contre l’étalement urbain tout en refusant toute concentration du bâti, des activités et des flux. Pourtant, de nombreux experts et élus locaux préconisent une densification maîtrisée. Comment lutter contre l’étalement urbain, comment maîtriser la densification sans concentration ?
Par ailleurs, pour que notre agglomération s’adapte au changement climatique, des investissements colossaux sont nécessaires dans la transition écologique, les mobilités ou encore le logement. Face à ce constat, vous pointez bien la contraction inéluctable des finances publiques, Monsieur le Président, mais vous expliquez dans le même temps refuser d’accompagner une dynamique économique qui produirait les richesses nécessaires.
Le second paradoxe concerne l’agglomération accueillante. Vous la décrivez comment étant ouverte sur l’aire métropolitaine et au-delà, mais vous souhaitez aussi limiter autant que possible l’arrivée de nouveaux habitants sur le territoire.
Ce PAS insiste aussi sur le caractère inclusif de notre agglomération, mais entend dans le même temps faire du vélo et de la marche à pied un paradigme absolu. Ce qui exclut d’emblée certaines catégories de population, comme les personnes âgées, en situation de handicap ou de mauvaise condition physique. Ce qui conduit également au risque d’enclaver certains territoires mal desservis par les transports en commun.
Le troisième et dernier paradoxe est relatif à l’agglomération multi-polaire. Cette ambition n’est pas nouvelle. Vous l’empruntez en effet au SCOT à horizon 2030 qui, dès son adoption en 2010, souhaitait en finir avec le clivage centre/périphérie. Sauf que le SCOT à horizon 2030 s’en donnait les moyens, en se déclinant territoire par territoire, avec des adaptations à chacun d’entre eux, dans des rubriques dédiées.
Dans ce Projet d’Aménagement Stratégique, ces rubriques ont disparu, les spécificités territoriales sont invisibles voire oubliées. Alors de quelle agglomération multi-polaire parle-t-on exactement ?
Monsieur le Président, en l’état, votre révision du SCOT pose problème autant sur le fond que sur la forme. Dans ces conditions, nous ne pouvons qu’insister : prenez le temps nécessaire pour préparer notre agglomération aux défis sociaux, climatiques et économiques à relever, sinon vous prenez le risque de créer un Schéma d’Incohérence et de Désorganisation Territoriales.
Je vous remercie.
Intervention prononcée par Nicole SIBEUD en commission générale de la Métropole de Lyon le 27 novembre 2023.