Merci Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
Depuis le début du lancement du projet d’apaisement de la Presqu’île, notre groupe a toujours tenu à adopter une position constructive.
D’autant plus que nous partageons la volonté de tendre vers une requalification de la Presqu’île, contribuant à développer les mobilités douces, à réduire la circulation automobile et à participer au bien-être des Grands Lyonnais. En somme, vous aviez toutes les cartes en main pour mener à bien un projet qui a pour objectif de transformer la manière dont nous nous approprions notre espace urbain en agglomération.
Là où notre accord s’arrête, c’est dans la déclinaison des choix que vous avez faits pour ce projet. C’est aussi dans la manière dont vous vous entêtez à le conduire, loin de satisfaire la plupart et attisant les colères depuis maintenant plus de deux ans.
Par des choix assumés, qui, à notre sens, ne seront pas en mesure de répondre aux objectifs précédemment cités, nous pensons qu’il est nécessaire de retrouver de l’apaisement, sans jeu de mots, et de se remettre réellement à la table des discussions avec l’ensemble des parties prenantes.
Je m’explique :
Ce projet avait tout intérêt à s’inscrire dans la continuité des premières opérations de requalification qui avaient été entamées lors du précédent mandat : j’entends par là la rénovation de l’Hôtel-Dieu, la requalification de la rue Grolée avec ces nouveaux commerces ou encore la réhabilitation d’immeubles rue de la République.
Ces différents aménagements ont toujours eu pour motivation de maintenir la continuité des liaisons Nord-Sud et Ouest-Est par la Presqu’île, mais également de préserver le deuxième pôle commercial de la Ville, véritable poumon de notre Métropole. Plusieurs priorités que, pour l’instant, vous avez échoué à conforter de manière convaincante dans votre projet.
Par la volonté, tout à fait intéressante, d’élargir les voies piétonnes, ainsi que de favoriser les déplacements à vélo, il semble que vous ayez néanmoins oublié de prendre en considération d’autres aspects.
Tout d’abord par la nécessité de prendre, en parallèle, à la fois des mesures fortes de renforcement de notre offre de transport en commun mais aussi pour améliorer la continuité de ces derniers. La décision de faire converger les bus par Cordeliers via la rue Grenette, en supprimant leur desserte de l’Hôtel de Ville, pose divers problèmes et présente plusieurs incohérences. Cette décision forcera les usagers à marcher depuis l’Hôtel de Ville pour prendre un bus à Cordeliers. Cela est particulièrement problématique pour ceux qui souhaitent se rendre à la Croix-Rousse, compliquant et allongeant leur trajet.
Nous nous inquiétons aussi particulièrement pour les personnes à mobilité réduite et les personnes âgées. Alors oui, je sais qu’à l’Hôtel de Ville, les gens souhaitant monter jusqu’à la Croix-Rousse disposent du métro C. Seulement, il suffit d’emprunter la ligne C aux heures de pointe pour se rendre compte que cette ligne de métro, vieillissante et à bout de souffle, n’est plus en mesure de supporter le flux de voyageurs. La décision de reporter la ligne C13 à Cordeliers ne compensera pas le besoin, et j’ai bien peur qu’au contraire, elle n’aggrave le phénomène.
Les collectifs que nous avons rencontrés la semaine dernière sont également très inquiets des conflits d’usage que risque de provoquer le flux important de bus dans la rue Grenette. Ils nous ont notamment parlé des places de stationnement qui risquent d’être inaccessibles ou supprimées pour faire de la place aux bus, et aussi, des complications pour l’acheminement des livraisons pour les commerçants.
Un autre point qui risque d’avoir de lourdes conséquences concerne les nouveaux trajets présentés pour les lignes C3, C13 et C14, qui passeront par les rives de Saône, rallongeant considérablement les temps de trajet.
De plus, les bus devront partager la chaussée avec les voitures, ce qui interroge sur l’impact de la circulation, notamment quai Saint-Antoine.
Monsieur le Président, vous avez un mal fou à comprendre que des mesures fortes doivent être accompagnées d’une réflexion sur l’impact qu’elles ont sur le quotidien des habitants et des voyageurs. Pour le moment, le projet n’est pas en mesure d’apporter une réponse satisfaisante et précise sur les impacts qu’auront la mise en place des zones à trafic limité, ainsi que les modifications des plans de circulation.
La décision de mettre en place des plages horaires pour permettre, notamment aux riverains, de pouvoir chercher des places, qu’ils ne trouveront sûrement pas aux heures de pointe, laisse les habitants de la Presqu’île très inquiets. Avez-vous également pensé aux conséquences que ce dispositif peut avoir sur les activités des professionnels en étage ?
Oui, il faut écarter au maximum la circulation automobile du centre de la Presqu’île, mais il faut aussi proposer aux Grands Lyonnais de la périphérie des solutions de report modal, incarnées notamment par la présence de parkings relais.
Il faut aussi dire aux 10 000 véhicules qui empruntent la rue Grenette l’impact sur la circulation qu’aura le détournement sur le tunnel de la Croix-Rousse, le pont Morand mais aussi sur la rive gauche.
L’évaporation du trafic est un phénomène qui existe, mais elle est réelle quand elle est accompagnée d’un maillage et d’une offre de déplacements crédible au regard des conséquences que vont entraîner les nouveaux aménagements.
À ce sujet, les associations attendent toujours la transmission des études d’impact, qui seraient en cours selon votre majorité. Monsieur le Président, depuis le lancement du projet de la Presqu’île, vous envoyez, par votre manque de bonne volonté et votre entêtement, un message plus que négatif à nos concitoyens.
Les habitants de la périphérie doivent-ils comprendre qu’ils sont priés de rester chez eux et qu’ils ne sont pas les bienvenus ? Votre projet ne fait pas sens car il n’est pas pensé dans une logique de cohésion territoriale.
Enfin, rendez-vous compte que le projet d’apaisement de la Presqu’île est en train de devenir un symbole.
Un symbole de votre action publique opaque et éloignée des besoins de nos habitants.
Un symbole de la fracture que vous êtes en train de créer avec nos riverains, commerçants et le milieu associatif.
Un symbole aussi de votre incapacité à emporter avec vous et dans un projet l’ensemble des parties prenantes.
Et enfin et surtout, un symbole d’un dialogue rompu avec les Grands Lyonnais et d’une quelconque remise en question que nous désespérons de voir venir.
Je vous remercie.
Intervention de Nathalie Frier en Conseil de la Métropole du 24 juin 2024, N°2301.