Intervention de Gérard Collomb

Monsieur le maire,

Nous partageons, évidemment, les objectifs de la mise en place de la ZFE en France afin de diminuer la pollution dans nos grandes agglomérations en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou les particules fines émises par les véhicules.

Des accomplissements d’ors et déjà à souligner

Pour ce qui concerne l’agglomération lyonnaise, nous travaillons depuis quelques années sur ce point. Entre 2015 et 2018, nous avons accompli des progrès sensibles. Par exemple, pour ce qui est du monoxyde et du dioxyde d’azote, 55% sont produits par les transports routiers. Le reste l’est par l’industrie ou d’autres facteurs. Alors que l’objectif du plan national de réduction des émissions polluantes à l’horizon 2020 est de moins 69%, nous avons déjà diminué 39%. Certes il nous reste du chemin à parcourir mais nous avons progressé.

Pour ce qui est des particules fines, elles ont été réduites de 40% pour les PM 10 avec un objectif par rapport au plan national atteint et de moins 41% pour les PM 5 alors que l’objectif est moins de 57%.

Des améliorations encore possibles

Mais vous avez raison, Monsieur le maire, il nous reste du chemin à parcourir. Quand vous dites que notre agglomération est l’une des plus polluées, vous avez sans doute raison. En tout cas, elle figure parmi celles connaissant le plus d’épisodes de pollution. Vous avez sans doute raison pour une raison simple d’ailleurs : Lyon est un carrefour national nord-sud est-ouest. Des circulations nationales et internationales passent dans notre agglomération, par le tunnel de Fourvière évidemment ou la rocade est, etc. Donc, un premier effort devrait être de pouvoir repousser au maximum les circulations de notre agglomération.

Des mesures au détriment des plus modestes

Aujourd’hui, vous nous proposez d’accélérer la cadence. D’abord, pour les voitures Crit’Air 5  qu’utilisent les plus modestes de nos concitoyens. Vous nous avez donné les chiffres et la Métropole aussi : 4875 appartiennent à des personnes ayant moins de 6300 € de revenu fiscal de référence par part. Autrement dit, avec le RSA pour une personne seule (565€ par mois),  une mère isolée avec 2 enfants (1209 €) ou un couple avec 2 enfants (1187€), il leur restera 1000 € à charge au 1er septembre malgré les aides de l’Etat et de la Métropole. Nous proposons donc que la Ville de Lyon intervienne en complément.

Sur la catégorie suivante, 7796 véhicules appartiennent à des personnes ayant un revenu de référence de moins de 13 489 €. Là encore, pour donner quelques références, pour une personne seule (1124€), pour une mère isolée (2180€ lorsqu’elle a 2 enfants), ou un couple avec des enfants (3372€), il leur restera 3000€ à charge au 1er septembre lorsqu’il s’agira de changer de véhicule en raison des mesures. Un montant exorbitant !

La troisième tranche concerne moins de voitures : 1554, entre 13489  et 16100 € de revenus fiscal de référence. Soit, pour un couple avec 2 enfants, 4025€ par mois. Cette dernière catégorie aura un reste à charge de 6000€ … Quant aux couples en dehors de ces catégories, aucune aide n’existe.

Un choc terrible se profile donc. D’autant plus que, tout le monde étant obligé de passer rapidement au Crit’Air 1, le prix des voitures concernées augmentera considérablement. Or, les aides prévues par la majorité municipale se fondent sur un prix d’achat d’environ 7000 €. Mais un simple coup d’œil sur des sites de vente d’occasion montre qu’à moins d’acquérir un véhicule très ancien – et de facto exclu de la règlementation qui entrera en vigueur -, cette somme ne correspond à rien.

Un calendrier drastique, bien trop serré et quasi-unique en France

D’ici 2026, sur les 673 021 véhicules immatriculés sur le territoire, 469 307devront avoir été changés. 2026, autrement dit demain !

D’autant plus qu’il s’agit d’une anticipation sur les délais prévus par la loi climat : l’interdiction des Crit’Airs 5 y est prévue pour janvier 2023, soit 4 mois de plus par rapport aux mesures de la majorité tablant sur septembre 2022. Par ailleurs, cette même loi établit que le délai maximum pour l’interdiction des Crit’Airs 4 puisse courir jusqu’en 2024 et en 2025 pour les Crit’Airs 3. Enfin, pour les Crit’Airs 2, elle prévoit simplement qu’ils ne puissent plus être vendus en 2030.

Parmi les villes dirigées par les Verts, Lyon apparaît ainsi comme la plus radicale. Les Strasbourgeois, par exemple, auront une année supplémentaire par rapport aux Lyonnais sur les Crit’Airs 3 et 4. Ils disposeront même de deux ans de plus pour les Crit’Airs 2, assortis d’une année pédagogique. Au cours de celle-ci, la verbalisation ne sera pas appliquée et les mesures seront expliquées au grand public.

La dépollution de notre ville mérite une méthode juste, pragmatique et attentive aux besoins de tous.

Il parait bien plus pertinent de suivre le calendrier national et que la Ville de Lyon complète les aides de la Métropole comme de l’Etat pour les foyers les plus modestes. En outre, une approche décentralisée est nécessaire. Les Maisons métropolitaines de la solidarité pourraient servir de pôle d’information dans cette perspective. Il serait également souhaitable de repousser l’interdiction des Crit’Airs 2 à 2028 voire 2030. En effet, les véhicules Crit’Airs 2 récents ont sensiblement le même niveau de pollution que les Crit’Airs 1. Ils représentent pourtant 40% des véhicules circulant.

Les mesures prises ne concernent pas uniquement les habitants au cœur de la ZFE mais aussi ceux des communes voisines. Notamment, les pendulaires qui viennent à Lyon pour travailler ou encore celles et ceux qui se rendent dans les commerces de centre-ville.

Ce constat s’aggrave avec la problématique du logement. Beaucoup de nos concitoyens vont désormais habiter en 3e couronne faute d’une offre immobilière adéquate. Ils s’exposent donc à une double peine : être loin de Lyon  sans disposer de transport en commun pour s’y rendre tout en étant maintenant obligé de changer de véhicule.

Pour écarter les circulations de l’agglomération, un plan d’ensemble – ce que la majorité n’a pas proposé jusqu’ici – est nécessaire. Par exemple, un ring entourant Lyon pourrait être envisagé, accompagné par des parkings relais d’où il serait possible de prendre des transports en commun. L’approche serait centrée sur une complémentarité des modes de circulation et non sur l’exclusion de l’un ou l’autre.

Un paradoxe caractérise aujourd’hui les mesures proposées. La voiture électrique est en plein développement et constitue un atout potentiel. Un investissement massif dans des plateformes pour les véhicules électriques – mais aussi à hydrogène (il n’en n’existe pour l’heure qu’une seule, à Gerland, sur le quai des énergies) ou GPL – apparaît même comme le seul moyen de réduire efficacement la pollution dans l’agglomération lyonnaise. La majorité municipale préfère malheureusement se focaliser sur des solutions comme le covoiturage ou l’autopartage, dont le succès depuis un an et demi est très limité, à l’exception éventuelle du quai Gailleton.

Nos concitoyens sont conscients des failles de la politique de la majorité sur ce dossier

Les limites de l’action municipale concernant la ZFE sont désormais bien connues, notamment grâce au panel de citoyens que la majorité a elle-même interrogés. Plusieurs points saillants sont ainsi ressortis :

  1. Absence de bornes de recharge
  2. Nécessité de multiplier les parkings-relais.
  3. Meilleure intégration des grands axes pour une part dédiée au trafic de transit

Sur la question des moyens de nos habitants et de la solvabilité des plus modestes, ce panel pointe aussi le problème des crédits sur des véhicules Crit’Air 2 à 4 confronté à l’imminence d’un changement de voiture. Autrement dit, comment acquérir une nouvelle voiture dans des délais aussi courts quand on a acheté la précédente à crédit ? Enfin, le sondage insiste sur la nécessité d’une étude précise du marché d’occasion et du coût de véhicules Crit’Air 0 pour se conformer aux normes de la nouvelle ZFE.

Voilà, Monsieur le Maire, les remarques que nous voulions vous faire.


Conseil de la Ville de Lyon du jeudi 10 février 2022.

Rapport 2022/1534  Première étape d’amplification de la zone à faible émissions (ZFE) sur le territoire de la Métropole de Lyon – Avis des communes concernées.

Intervention de Gérard Collomb.

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