Intervention de Christophe Geourjon
Monsieur le Président,
Pour le dire simplement, nous sommes déçus par la délibération qui nous est présentée.
Déçus que le cadre global de la ZFE n’ait pas été posé ; déçus de ne pas avoir de visibilité sur les différentes phases de déploiement ; déçus que le dispositif que vous nous proposez concernant cette première étape soit incomplet et insuffisant.
Pourtant certains ont su le faire ! Je pense à la Métropole de Strasbourg qui est codirigée par des écologistes depuis 2020, la concertation citoyenne a été conduite en mai et juin 2021, la délibération-cadre présentant l’ensemble des étapes (jusqu’en 2028), le périmètre incluant l’ensemble des 33 communes de la Métropole Strasbourgeoise, les dispositifs d’accompagnement, les aides financières ont été adoptés en octobre 2021. Au total la Métropole de Strasbourg, qui repésente1/3 de la population de notre Métropole, mobilise 50M€ d’aide sur ces dispositifs !
Avec votre méthode désastreuse, vous avez réussi à transformer un sujet qui fait consensus, la réduction de la pollution de l’air en sujet polémique.
Vous avez fait le choix de transformer l’outil ZFE en un marqueur politique et politicien. La qualité de l’air méritait mieux !
Pour nous l’objectif est la qualité de l’air et la lutte contre le réchauffement climatique, la ZFE n’est qu’un outil. Pour vous la ZFE est un totem. Vous en oubliez même de fixer des objectifs en termes de qualité de l’air ! Aucun objectif en termes de concentration en NOx ou particules fines… Nous vous demandons de faire un bilan annuel de la qualité de l’air en lien avec le déploiement de la ZFE. Pour nous ce devrait être un point important du rapport développement durable de notre collectivité !
Gouverner c’est anticiper et prévoir, mais à ce jour nous n’avons toujours pas de perspective précise globale concernant le déploiement des différentes phases de la ZFE.
Nous n’avons toujours pas de perspective précise globale concernant le déploiement des dispositifs liés à la ZFE ni sur les calendriers.
Vous annoncez pouvoir être en mesure de nous présenter votre calendrier et dispositif complet en septembre, pratiquement 3 années à peine avant l’interdiction effective des véhicules Crit’air 2 en 2026.
Nous redisons notre ferme opposition à ce calendrier 2026 pour la sortie du diesel dans notre métropole. C’est un non-sens écologique, entraînant une véritable obsolescence réglementaire des véhicules et un hord-up de plusieurs milliards d’euros sur le portefeuille des métropolitains.
Nous sommes nombreux ici à partager cette conception, y compris dans les bancs de votre majorité, notamment chez les maires qui connaissent la réalité des conditions de vie et des besoins de leur population.
Monsieur le Président, retenez bien cette maxime, car elle pourrait bien résumer à elle seule votre mandat : en politique, on n’a jamais raison seul contre tous.
Oui, nous sommes pour la fin des véhicules les plus polluants. Oui, à ce titre, les véhicules Crit’air 5 doivent être retirés de la circulation. Oui, ces véhicules doivent être mis au rebut. Tout le monde en convient, y compris les propres détenteurs de ces véhicules.
C’est d’ailleurs une obligation légale au 1er janvier 2023. Mais la loi nous laisse une large appréciation des modalités d’application de cette interdiction.
Et à ce titre, ce que vous nous proposez aujourd’hui, c’est une ZFE qui porte en elle le risque d’exclusion sociale. Une ZFE qui ne permet pas l’adhésion de la population.
Pourquoi ? Parce que l’accompagnement social, bien que concernant virtuellement 70 % des foyers métropolitains, demeure insuffisant. Cet accompagnement est par exemple beaucoup plus faible qu’à Strasbourg.
Vous partez du principe qu’il est possible de trouver un véhicule Crit’air 1 d’occasion à partir de 7 000 euros. En réunion publique, Monsieur le Vice-Président, vous avez même expliqué que vous aviez trouvé ce chiffre en faisant des recherches sur le Bon Coin.
Peut-être que demain, la Métropole calibrera ses dispositifs de soutien au sport en fonction des résultats des sites de paris sportifs.
Il aurait fallu calibrer les dispositifs sur une réelle étude du marché de l’occasion et anticiper les impacts de la mise en place de la ZFE sur ce marché. Car demain, la demande pour les véhicules Crit’air 1 d’occasion va augmenter sans garantie que l’offre suive, ce qui aura bien évidemment des impacts sur les prix. Offre limitée et dispositifs d’incitations financières de la part de l’État et de la Métropole, certains acteurs peu scrupuleux pourraient y voir un effet d’aubaine.
Quoi qu’il en soit, le coût d’un modèle familial Crit’air 1 d’occasion, bien plus représentatif des besoins qu’une citadine, s’approche des 10 000 €. Et là, malgré les aides cumulées, le reste à charge est énorme pour les foyers modestes.
Nous reconnaissons que le barème des aides de la Métropole est allé plus loin que celui de l’État. Mais le plafond retenu, allant légèrement au-dessus des revenus d’une personne seule au SMIC, exclut de fait les classes moyennes.
Nous ne pouvons que vous inviter à lire et à relire les deux derniers ouvrages de Jérôme FOURQUET « L’archipel français » et « la France devant nos yeux » qui reviennent sur le déclassement de ces classes moyennes qui sont en train de décrocher et de tendre petit à petit vers la précarité.
C’est là l’essence des gilets jaunes. Et tout le dilemme français : pas assez modeste pour être aidés financièrement, pas assez aisé pour ne pas avoir besoin de soutiens.
Injustice sociale toujours, car avec les dérogations à l’interdiction que vous proposez, seules ces mêmes classes moyennes seront pénalisées et n’auront plus le droit de circuler dans la ZFE au 1er septembre.
L’injustice touche aussi les 200 000 navetteurs, qui chaque jour, se rendent dans notre Métropole pour contribuer à sa richesse économique. Ils représentent près de 3 emplois sur 10, mais ne peuvent être accompagnés par les aides de la Métropole. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet des aides aux navetteurs lors de notre vœu en fin de Conseil.
Nos 2 amendements pour plus de justice sociale
En attendant de faire évoluer le cadre réglementaire pour les accompagner, nous pouvons agir tout de suite en adoptant notre amendement n° 1 qui vise à permettre aux personnes ne résidant sur le territoire de la Métropole, mais travaillant dans le périmètre de la ZFE, puissent bénéficier des mêmes conditions de dérogation de la part de la Métropole que les métropolitains. C’est une question de justice sociale.
Nous pensons également que la ZFE doit être inclusive et ne pas être discriminante de fait en invibilisant les besoins de mobilité liés à l’âge. Nous savons tous que garantir la mobilité des seniors est essentiel au maintien de leur qualité de vie. Or la garantie de cette mobilité passe bien le plus souvent par la possession d’un véhicule individuel.
Toutes les études démontrent les difficultés d’accès aux transports en commun des seniors, d’autant plus que ces derniers résidents le plus souvent dans des espaces peu dotés en transports collectifs. Ceci est confirmé par une récente étude du CEREMA.
Pour ces catégories de personnes, l’achat d’un véhicule Crit’Air 1 induit par la mise en place de la ZFE se traduit concrètement le plus souvent par des difficultés financières, d’accès à l’information et de possibilité de changer matériellement de véhicules.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de bien vouloir adopter notre amendement n° 2, qui introduit une dérogation permanente pour les personnes détenteurs d’un véhicule Crit’air 5 âgées de 75 ans et plus, résidant sur le territoire de la Métropole. Et cela sans critères de revenus.
En adoptant ces deux amendements, vous contribuerez à faire de cette ZFE un dispositif plus acceptable socialement, bien que toujours imparfait.
Si votre ZFE est toujours celle de l’injustice sociale, nous ne pouvons en plus que regretter que les dispositifs que vous nous proposez demeurent incomplets.
Concernant la dérogation dite « petits rouleurs » pour répondre aux usages occasionnels de la voiture, rien n’est prêt. Aucune date de mise en œuvre n’est prévue.
Vous comptez ouvrir une agence des mobilités pour permettre à chacun de s’informer et de bénéficier d’un accompagnement dans les démarches de demandes d’aides. Aucune date d’ouverture de cette agence n’est précisée dans la délibération, même si vous l’annoncez pour l’été. Mais cette agence des mobilités, suite au vote de notre délibération, elle devrait être opérationnelle dès demain 8h du matin !
Vous n’avez pas non plus anticipé sur les besoins de formation en lançant un grand plan pour les agents des TCL, des Maisons de la Métropole soient formées sur les enjeux de la ZFE. Là aussi les 1ère formations devraient commencer dès demain !
En somme, ce que vous nous proposez, c’est de voter un dispositif ZFE à trous. Et pour adapter l’adage bien plus connu, plus il y’a de trous, moins il y a de consentement à la ZFE.
Alors, si l’on veut regarder le verre à moitié plein, on peut se réjouir que vous ayez partiellement repris notre proposition d’instauration d’une ZFE pédagogique en instaurant un délai de 4 mois sans contrôle jusqu’au 1er janvier 2023.
C’est bien, vous avez réussi à évoluer. Soyez maintenant des Verts pleins et entiers dans leurs convictions, pour la prochaine étape proposez-nous une ZFE qui permettent d’atteindre un véritable consensus pour lutter contre la pollution de l’air.
Nous vous proposions une solution simple : une ZFE pédagogique s’appliquant à tous. Vous avez fait le choix de multiplier les règles et les dérogations enlevant toute lisibilité au dispositif et complexifiant sa mise en œuvre, tout en donnant une charge de travail supplémentaire aux agents chargés d’instruire ces demandes.
Vous avez fait le choix de nous rendre votre copie alors qu’elle n’est pas terminée et qu’elle est pleine de trous. Franchement, bon courage pour communiquer efficacement sur des dispositifs incomplets et amenés à évoluer.
Les exemples internationaux nous alertent pourtant sur l’impérieuse nécessité d’une communication claire, lisible et suffisamment en amont pour réussir la mise en œuvre d’une ZFE
Et bon courage à nos concitoyens pour qu’ils y comprennent quoi que ce soit. La plupart ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en répondant à la concertation publique sur la ZFE, mais pas sur la concertation réglementaire liée à la ZFE 5+.
Dans ces conditions, bien que partageant la finalité à atteindre, nous ne pouvons que nous abstenir sur cette délibération. Vous avez clairement raté cette première marche vers une mise en place réussie de la ZFE. Ressaisissez-vous rapidement, car plus les marches avanceront, plus dure sera la chute.
Je vous remercie.
Christophe Geourjon
AMENDEMENT N°1 : Accompagner tous les usagers dans la mise en place de la ZFE, un enjeu d’acceptabilité et de justice sociale
Exposé des motifs :
Envisagée depuis le plan Oxygène de la Métropole de Lyon en 2016 et mise en place en 2019 pour les professionnels, la Zone à Faibles Émissions (ZFE) est un outil utile pour lutter contre la pollution de l’air, facteur de maladies et de décès prématurés.
Les Grandes Lyonnaises et les Grands Lyonnais, ainsi que nombre d’habitants de la périphérie de la Métropole, seront impactés par la mise en œuvre de la ZFE qui va progressivement toucher les véhicules particuliers.
D’après une récente étude de l’INSEE, près de 3 emplois sur 10 dans notre Métropole sont occupés par des actifs venant de l’extérieur de la Métropole, ce qui représente chaque jour 200 000 navetteurs.
En l’état actuel de la réglementation, la collectivité ne peut accompagner que les particuliers résidant sur le territoire de la Métropole de Lyon. Les 200 000 navetteurs, participant à la richesse économique de notre territoire, sont donc exclus des aides proposées par la Métropole.
Cet état de fait est à même de constituer une situation d’inégalité inacceptable pour assurer la justice sociale nécessaire avec la mise en œuvre de la ZFE. Si elle ne peut attribuer des aides directes à ces navetteurs, la Métropole doit pouvoir, sur le reste du dispositif ZFE, leur appliquer les mêmes dispositions qu’aux personnes résidant sur le territoire de la Métropole.
À ce titre, les personnes ne résidant pas sur le territoire de la Métropole mais travaillant au sein du périmètre de la ZFE, doivent pouvoir bénéficier des mêmes conditions de dérogations que les Métropolitains.
Amendement : En page 4 et 5 de la délibération :
Modifie :
- Le paragraphe suivant :
« Pour réduire l’impact de la mesure sur les ménages modestes, la Métropole a également proposé d’octroyer des dérogations individuelles temporaires d’une durée de validité limitée au 31 décembre 2023 pour les véhicules Crit’Air 5 et non classés :
- acquis depuis plus de 12 mois au moment de la demande et immatriculés au nom de la personne résidant au sein du périmètre de la ZFEm, dont le RFRP est inférieur à 16 100 € (dernier avis d’imposition disponible),
- acquis depuis plus de 12 mois au moment de la demande et immatriculés au nom de la personne
résidant sur le territoire de la Métropole,exerçant une activité professionnelle au sein du périmètre de la ZFE et dont le RFRP est inférieur à 16 100 € (dernier avis d’imposition disponible). »
AMENDEMENT N°2 : Pour une ZFE inclusive, prenons en compte les besoins de nos seniors
Exposé des motifs :
Envisagée depuis le plan Oxygène de la Métropole de Lyon en 2016 et mise en place en 2019 pour les professionnels, la Zone à Faibles Émissions (ZFE) est un outil utile pour lutter contre la pollution de l’air, facteur de maladies et de décès prématurés.
Les Grandes Lyonnaises et les Grands Lyonnais, ainsi que nombre d’habitants de la périphérie de la Métropole, seront impactés par la mise en œuvre de la ZFE qui va progressivement toucher les véhicules particuliers.
Le dispositif tel que présenté ne prend pas en compte les enjeux d’inclusivité en fonction de l’âge. Or, les pratiques de mobilité sont intimement liées aux différentes classes d’âge et évoluent en fonction.
Garantir et favoriser la mobilité des seniors est essentiel à leur qualité de vie et implique donc de prendre en compte leurs besoins.
Une récente étude du CEREMA a permis de mettre en avant un sentiment d’éviction des centres-villes chez nos seniors, avec notamment des difficultés en termes d’accessibilité des transports en commun ou de stationnement sur les territoires urbains.
D’après l’INSEE, en 2022, les personnes de plus de 75 ans et plus représentent près de 8,5% de la population du département du Rhône. (164 144 sur un total de 1 912 073 habitants).
Sur le territoire de la Métropole, en 2013, les 75-84 ans représentaient près de 10% de la population de communes comme Caluire-et-Cuire, Neuville, Albigny-Sur-Saône, Écully, Sainte-Foy-Lès-Lyon, Charbonnières, Champagne-Au-Mont-D’or… Ces communes restent aujourd’hui, dans l’ensemble, peu dotées en transports en commun.
Le phénomène de vieillissement de la population française s’est d’ailleurs accentué depuis 2013. Dans ces territoires, l’accès à la mobilité des seniors est le plus souvent garanti par la possession d’un véhicule motorisé.
L’achat d’un nouveau véhicule pour répondre aux exigences de la ZFE est problématique au vu du coût de véhicules Crit’Air 1 et plus répondant aux besoins de cette population, et plus généralement des difficultés liées à l’accès à un nouveau véhicule pour les seniors.
La Métropole de Lyon est cheffe de file pour coordonner les actions sociales en faveur des seniors sur le territoire métropolitain. Il serait donc incompréhensible que le dispositif ZFE ne prenne pas en compte les besoins d’inclusivité liés à l’âge.
Amendement :
En page 4 de la délibération :
Ajoute :
Au paragraphe suivant :
« A ces exemptions nationales, la Métropole a proposé d’octroyer, sur demande, des dérogations permanentes pour les véhicules Crit’Air 5 et non classés :
- utilisés par les associations agréées de sécurité civile et par les associations reconnues d’intérêt général, dans le cadre de leurs missions,
- présentant un intérêt historique (véhicules dits de collection) au sens du paragraphe 6.3 de l’article R 311-1 du code de la route.
- appartenant aux personnes de 75 ans et plus, résidant sur le territoire de la Métropole.»
Rapport nº 2022-0989 – déplacements et voirie – Lyon – Villeurbanne – Caluire-et-Cuire – Bron – Vénissieux – Première étape du projet d’amplification de la zone à faibles émissions (ZFE) de la Métropole de Lyon aux véhicules particuliers et 2 roues motorisés de Crit’Air 5 et non classés – Individualisation complémentaire d’autorisation de programme
Intervention de Christophe GEOURJON