Monsieur le Président,
Chers collègues,
Après avoir reporté au mois de décembre la discussion sur les orientations budgétaires 2025 de la Métropole, nous voilà enfin amenés à nous prononcer sur les perspectives financières que vous souhaitez donner à notre collectivité en cette période hautement inflammable.
Comme nous le savons tous, la chute du gouvernement Barnier et, avec lui, du projet de loi de finances 2025, a empêché la France d’adopter un budget opérationnel avant la fin de l’année dernière.
Nous étions d’autant plus inquiets que ce gouvernement, en quête d’économies budgétaires, prévoyait de demander aux collectivités un effort estimé à 5 milliards d’euros.
Fort heureusement, le 16 janvier, les sénateurs ont adopté les crédits alloués aux collectivités territoriales en faisant le choix de ramener l’effort global à 2,2 milliards d’euros.
Ce retour à la raison n’efface pas toutes les inquiétudes vis-à-vis des contraintes imposées à notre collectivité. Néanmoins, chers collègues, convenons ensemble que cette annonce s’avère tout de même être une légère éclaircie dans un ciel qui s’était fortement assombri.
Ainsi, si l’on se réfère au document d’orientations budgétaires que vous nous présentez aujourd’hui, le choix, par les sénateurs, de supprimer le fonds de précaution et l’abandon de la réduction du fonds de compensation de la TVA permettront d’épargner 57 millions d’euros de pertes initiales à la Métropole de Lyon.
Pour autant, cela ne change rien au fait que les évolutions budgétaires à prévoir doivent être pensées dans un cadre d’austérité financière globale. J’en veux pour exemple le maintien du gel en valeur du produit de TVA affecté aux collectivités locales, un manque à gagner de 16 millions d’euros pour notre collectivité.
Cela dit, en me penchant sur le plan d’orientation budgétaire que vous nous soumettez, il m’a paru que votre majorité désirait davantage tenir un débat d’observations budgétaires plutôt que d’engager une réelle discussion sur les orientations budgétaires.
Pas moins de 20 pages sur 39 sont dédiées à des commentaires de la vie politique française… mais pas que… De la chute de Bachar-El-Assad à l’arrivée de Trump au pouvoir en passant par le recul de l’influence française en Afrique…tout y passe.
Éléments certes fort intéressants, mais pourquoi consacrer la moitié du document à spéculer sur l’actualité politique plutôt que d’esquisser de réelles perspectives financières ?
Monsieur le Président, la vocation principale d’un DOB, au titre de l’article L3312-1 du Code général des collectivités territoriales, est de présenter les engagements pluriannuels envisagés, l’évolution des recettes et des dépenses ainsi que la structure et la gestion de la dette, non de s’épancher dans des états d’âme partisans.
Car le plus étonnant dans ce document est qu’il s’avère être une véritable diatribe à l’encontre de l’État et de la politique budgétaire menée sous les mandats d’Emmanuel Macron. Un long pamphlet politique, reprenant étonnamment les arguments du Nouveau Front populaire à l’Assemblée.
Par exemple p. 7, je cite : « En 2024, on ne peut que constater que la France est devenue “en même temps” [jeu de mots] championne d’Europe des déficits publics, d’une part, et de la distribution de dividendes, d’autre part ».
Ou encore p. 8, je cite encore : « l’État doit admettre que pour rétablir ses comptes, il doit mobiliser l’outil fiscal pour obtenir des entreprises les plus prospères, comme des ménages les plus aisés ». Pour résumer : taxer les ultrariches et les plus grandes entreprises.
Je laisserai à chacun le soin de conclure sur la pertinence ou non de ces propositions. Néanmoins, on peut légitimement s’interroger sur la place de ces propos dans un tel document.
Tout le monde s’accorde ici à reconnaitre la baisse continue des dotations de l’État ainsi qu’une perte d’autonomie sur nos recettes, tout cela combinées à une pression fiscale sur les collectivités se faisant de plus en plus pressante. Seulement Monsieur le Président, nous commençons à bien connaître votre stratégie qui consiste à jeter de la poudre aux yeux pour détourner les regards de votre propre gestion des finances de la Métropole depuis plus de quatre ans.
En réalité, les économies ont pourtant bien commencé avant la présentation des orientations budgétaires.
L’été dernier, vous avez multiplié les messages à destination des services, annonçant une série de coupes budgétaires à venir : le non-renouvellement de 200 CDD, le rétrécissement du périmètre d’intervention pour venir en aide aux mères isolées, la baisse d’un million de subventions de fonctionnement au musée des Confluences, ou encore le ralentissement des projets d’aménagements et bien d’autres…
Dans une dernière partie, où enfin vous vous décidez à aborder la situation financière de la Métropole, il vous semble impossible de concevoir que la situation actuelle puisse être en partie due à votre politique, comme si toute remise en question vous était trop douloureuse.
Et pourtant, les dépenses réelles de fonctionnement ont bondi de 20 % entre 2019 et 2023, passant de 2 367 millions à 2 806 millions tous budgets confondus. En une seule année, entre 2022 et 2023, une hausse de pas moins de 8,8 % des dépenses de fonctionnement.
Vous saviez pourtant que la perte de recettes des DMTO et de la crise progressive dans laquelle s’enfonçait la France devait vous amener à plus de prudence.
Vous avez affirmé, lors de vos vœux à la presse, « que depuis 2020, le nombre d’embauches a été relatif et raisonnable ». Cela est faux et vous le savez pertinemment.
Chiffres à l’appui, nous sommes passés de 8 840 agents en 2019 à 9 913 agents en 2023 avec une hausse constante en 4 ans.
Vous avez laissé déraper les dépenses de personnel, les portant à 537 millions quand elles étaient de 440,9 millions en 2019, soit une hausse de 22 %.
Enfin, vous qui critiquiez la frilosité du précédent exécutif au sujet des investissements sur l’aire métropolitaine, et qui annonciez les grandes révolutions à votre arrivée au pouvoir : si l’on se réfère aux montants réalisés relatifs à la PPI, on constate qu’en 2022, vous engagiez 560,7 millions et en 2023 571,5 millions, quand le précédent exécutif engageait 579 millions en 2018 et 661 millions en 2019. Ces chiffres se passent de commentaires !
Enfin mes chers collègues, j’aurais bien voulu que nous puissions discuter des éventuels ajustements auxquels nous allons devoir faire face dans le futur budget 2025 que nous voterons en mars, mais malheureusement, je n’ai pas vu beaucoup d’informations à ce sujet.
Où sont les véritables annonces budgétaires qui pourraient donner une idée précise de la trajectoire financière de la Métropole de Lyon pour l’année à venir ainsi qu’à plus long terme. Je vous pose la question !
Et pourtant, l’annonce du report des orientations budgétaires en décembre nous avait donné à penser que vous aviez besoin davantage de temps afin d’élaborer un budget 2025 sous forte contrainte. Hélas aujourd’hui, notre déception est donc d’autant plus grande.
Monsieur le Président, je peux tout à fait comprendre que les incertitudes sont encore grandes et que les ajustements de derniers moments seront nombreux. Néanmoins, je peine à croire que votre majorité n’ait pas déjà ciblé des secteurs qui se verront contraints budgétairement.
Nous allons donc devoir avancer à l’aveugle jusqu’au vote du budget en mars, où nous découvrirons les arbitrages déterminants qui seront effectués dans une période charnière.
Cette discussion met une fois de plus en lumière le manque de collégialité dont vous faites preuve à l’égard de la représentation métropolitaine, préférant avancer masqué et décider en vase clos de l’avenir de notre Métropole.
Je vous remercie.
Intervention d’Yves-Marie Uhlrich, Conseil de la métropole du 27 janvier 2025. Délibération n°2025-2663.