« Il apporte une preuve supplémentaire de ce que nous dénonçons depuis trois ans : l’acte n’accompagne pas les grandes déclarations«
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les élus,
Si un budget primitif montre les ambitions d’une majorité, un compte administratif, ou compte financier unique désormais, indique ce qu’elle fait concrètement.
D’année en année, vos ambitions financières, que vous présentez dans vos budgets primitifs, ne cessent de croitre. Le début de l’année 2023 nous l’a encore montré, avec un budget record d’un milliard d’euros. Pourtant, en parallèle, quand on examine ce que vous réalisez vraiment, à travers ce compte financier unique dont il est question aujourd’hui, la révolution attendue n’est pas au RDV. Je dirai même le contraire : les stagnations et les diminutions se multiplient. Si le compte administratif 2021 nous le suggérait déjà, ce compte financier 2022, très instructif, le confirme. Ce document apporte ainsi une preuve supplémentaire de ce que nous dénonçons depuis trois ans : l’acte n’accompagne pas les grandes déclarations.
Si le rapport du Maire ne cesse de comparer les données 2022 avec celles de 2021, vous me permettrez d’agrandir la focale en prenant comme référence l’année 2019, afin de mieux saisir la tendance des finances de notre commune.
Il s’avère en effet que les dépenses comme les recettes cumulées ont diminué respectivement de 5,75 et 10,7% entre les deux exercices. Immédiatement, il faut donc constater que les recettes de notre ville se sont contractées deux fois plus vite que ses dépenses, créant un risque non négligeable d’« effet ciseaux » inquiétant.
Vous pourriez être tentés de me rappeler que la section de fonctionnement du compte financier 2022 est plus importante qu’en 2019.
En effet : vous dépensez 8,5% de plus qu’en 2019, notamment 30 M € de plus dans les ressources humaines et 10,5 M € de plus en frais de prestation de services, de communication et d’études. Etudes dont nous n’avons jamais vu la couleur jusqu’ici malgré nos demandes répétées. Je crois nécessaire de préciser que cela représente, pour ce dernier poste de dépenses, un bon de +80% entre deux mandats.
Du côté des recettes de fonctionnement, elles ont augmenté elles aussi, mais seulement de 5,6%. Là-encore, il faut donc bien observer dans cette section de fonctionnement que l’évolution des dépenses est plus rapide que celle des recettes, renforçant notre inquiétude quant à un possible « effet ciseaux ». J’espère que vous pourrez nous éclairer sur ce point.
La section d’investissement offre un tableau moins reluisant encore. Entre 2019 et 2022, les dépenses réelles ont baissé de 58 M € tandis que les recettes réelles ont chuté de 100 M €.
Côté dépenses, je suis obligé de m’attarder sur les dépenses d’équipement entre 2019 et 2022 ; notamment celles qui bénéficient en premier lieu aux Lyonnais dans divers domaines : sport, culture, éducation, enfance, aménagement, sécurité, etc.
Une analyse de la répartition de ces dépenses par grandes politiques publiques montre que, dans deux-tiers des cas, ces dépenses sont moindres que celles de l’ancien mandat. Les investissements dans le développement économique, l’enfance et les espaces publics ont respectivement baissé de 53, 66 et 70%.
Je vais d’ailleurs faire un focus sur la petite enfance pour faire part de notre déception sur ce sujet. Il s’agissait d’un domaine phare dans vos engagements de campagne. Vous aviez, par exemple, promis d’ouvrir 500 berceaux supplémentaires. Alors, certes, vous devez faire face à une pénurie nationale de personnel. Mais je ne suis pas certain que cette majorité aide beaucoup les familles lyonnaises en sabrant 66% des investissements municipaux dans le secteur par rapport à 2019, en plus d’échouer à travailler avec la Région, qui est responsable des formations professionnelles dans ce domaine.
Je conclurai en pointant le fait que ce compte financier 2022 pose aussi la question de la sincérité des budgets primitifs proposés par cette majorité, autrement dit, les projections budgétaires qu’elle présente au début de chaque exercice annuel. Rappelons que la sincérité des documents comptables publics, dont font partie les budgets primitifs, est un principe constitutionnel, prévu par l’article 47, alinéa 2, de notre Constitution. Or, entre le compte financier 2022 et le BP 2022, des écarts, allant parfois jusqu’à 166 M €, peuvent être constatés, par exemple entre le total des dépenses en fonctionnement et en investissement prévues et le total des dépenses réalisées.
Il faut aussi se souvenir que le taux de réalisation des dépenses d’équipement en 2021 n’atteignait que 55% des objectifs que vous vous fixiez. Il s’établit laborieusement à une soixantaine de pour-cent pour 2022.
Avec de tels décalages et lorsqu’à peine plus de la moitié des « promesses » en matière d’investissement dans les équipements publics sont tenues, la question de la sincérité de vos programmations budgétaires se pose bel et bien.
Je vous remercie.
Intervention de Yann CUCHERAT au conseil municipal du 29 juin 2023 de la Ville de Lyon
Rapport n°D_23_0211