« Ne jamais céder aux sirènes de la fatalité résignée »
Monsieur le Maire,
Chères collègues,
Mesdames, messieurs,
Je tiens à prendre la parole sur cette délibération pour souligner son importance. Ce n’est un dispositif comme un autre, et une simple demande de subvention.
Pour quelle raison nous avons mis en place la cité educative dans le huitième arrondissement, tout simplement parce que depuis trente ans, quelque soit la couleur politique, les inégalités de destin ont progressé dans notre pays et aussi dans notre ville : selon l’endroit de naissance, la famille ou l’école fréquentée, les chances de réussite des enfants ne sont pas les mêmes. C’est pourquoi aux cotés de l’Etat, nous avons mis en œuvre des mesures pour renforcer l’accompagnement des enfants et des jeunes à chaque étape de leur parcours.
Si la cité éducative perdure, nous le devons aussi aux acteurs de terrains, et pour lesquels nous devons agir en toute humilité mais aussi avec un
grand respect pour leur action au quotidien : travailleurs sociaux, responsables associatifs, fonctionnaires, animateurs, conseils citoyens, gardiens d’immeubles, bénévoles, tous ceux qui font vivre le lien social sur le terrain
Car cette cité éducative nous l’avons imaginée comme un ensemble et de tous les acteurs et partenaires, au delà de ce que l’on appelle communément la communauté éducative.
Aussi parce que nous pensons qu’il y a une urgence pour l’école républicaine, avec un triptyque aux coté de la la devise républicaine que sont l’exigence, l’équité et la transmission.
Lorsque vous vous rendez, Monsieur le Maire, dans une école comme Alain Fournier, sans doute l’une des écoles de Lyon dont le revenu des parents est le plus faible de l’agglomération n’ayez pas peur de peur de parler de justice sociale et de mettre en œuvre les actions adéquats. Alors planter un arbre dans une école, c’est bien. Pour autant que nous ayons conscience de ce que nous voulons transmettre aux jeunes générations, quel savoir et savoir faire, quelle source de « socialisation » et d’émancipation ? C’est la question qui se pose à nous à travers la reconduction de la Cité éducative.
N’oublions jamais que notre objectif est d’apporter aux enfants la possibilité de s’exprimer clairement, lire, écrire, calculer, déduire, s’orienter et devenir ainsi un citoyen éclairé. En résumé des outils pour l’émancipation individuelle et à l’efficacité collective.
Le dispositif de Cité éducative le précise bien, il s’insère dans une politique globale de la ville où tout est lié : insécurité, chômage, pauvreté, drogue, relégation, repli communautaire, discriminations… Les habitants des quartiers demandent ce que veulent le reste des citoyens : les mêmes droits et les mêmes devoirs. Il faut être au rendez-vous de ce que chacun attend de la République.
Alors je me réjouis de cette reconduction, qui s’inscrit clairement dans le cadre de l’action menée durant le dernier mandat. Mais c’est aussi normal, il est des questions relatives à l’émancipation de la jeunesse, de la connaissance, et à la valorisation des formes d’intelligence qui doivent faire consensus. Je regrette ainsi que ce consensus ne se retrouve pas en conseil d’arrondissement, tant ces dotations budgétaires sont de bonnes nouvelles pour nos écoles.
La présentation de la Cité éducative faite en commission a rappelé les objectifs de ce dispositif : favoriser la mixité sociale, la continuité éducative et l’innovation pédagogique. Il ne me sera pas possible d évoquer le bilan tant on nous refuse encore l’accès aux évaluations et bilans.
Il ne faut néanmoins pas se voiler la face sur la signification de ces objectifs.
Ils ont été ainsi définis parce que le secteur de la Cité éducative affiche l’un des indices de position sociale parmi les plus bas de la Métropole voire de France : environ 73,2 sur une moyenne nationale de 102. Ce secteur fait donc partie de ce que l’association No Ghetto qualifie de « ghettos scolaires ».
De façon plus générale, l’Observatoire des Inégalités notait dans son rapport du 6 décembre 2022 que ce secteur est au croisement des quartiers les plus précaires de Lyon.
Pour autant faut-il se résigner ? Quelle vision ? Quelle avenir devons-nous proposer à notre jeunesse ? Est-ce que l’objectif est uniquement de s’inscrire dans une entreprise à but d’emploi ? Je ne le pense pas. Il nous faut rassembler toute les forces pour proposer un autre modèle et sortir de l’aberration que sont les « ghettos scolaires ».
Et c’est ici, je crois, que le tissu culturel et scientifique du 8e arrondissement, ses « forces vives », peut être sollicité.
Car le 8eme, ce n’est pas seulement sa Cité éducative, ses poches de précarité, son indice de position sociale bas, c’est aussi l’un des plus grands pôles universitaires et étudiants de la Région, avec également des centres de recherche et de très haut niveau. La force d’un cité éducative est justement de savoir mettre tous les partenaires autour de la table au service de notre jeunesse. Nous aimerions vous entendre aussi parler de cette forme d’excellence qui ne peut être réservée qu’à un petit nombre.
Et parce que nous savons que ces difficultés se trouvent aussi dans d’autres arrondissements, avez-vous sollicité son extension au 7e ou au 9e arrondissement ?
Tout un tissu scientifique et culturel donc qui, au travers de partenariats existants à renforcer ou de relations à créer, pourrait constituer un levier d’ « ouverture du champs des possibles », cette troisième mission de la Cité Educative.
Ces « forces vives » de notre ville au service de sa jeunesse sont ainsi autant de formidables outils et autant de raisons de ne jamais céder aux sirènes de la fatalité résignée en matière de politique éducative et sociale.
Je vous remercie.
Intervention de Charles-Franck LEVY au conseil municipal de la Ville de Lyon du 19 janvier 2023
Rapport n°2023/2245