« Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les élus,
Après nos débats d’orientation budgétaires de janvier, vous nous présentez aujourd’hui votre budget primitif 2023.
Vous lui prêtez une triple ambition :
- Faire face à la hausse des coûts de l’énergie
- Protéger et développer le service public
- Poursuivre le déploiement de vos projets
Comme souvent depuis le début de ce mandat, les objectifs affichés dans votre communication s’accompagnent de chiffres fracassants. Une fois n’est pas coutume donc, car pour cette édition 2023 du BP, vous annoncez un total d’environ 1 milliard d’euros, si on ne retire pas les dépenses réelles. Mais là aussi, comme souvent depuis votre arrivée, derrière cette première approche, se cachent en réalité des travers qu’on ne peut pas ignorer.
L’avantage des rapports financiers qui nous sont présentés, comme le budget primitif ou le compte administratif, c’est qu’ils nous permettent de dresser un état des lieux précis de votre gestion.
En l’occurrence, ce budget primitif 2023 montre que vous ne tirez aucune leçon de vos erreurs accumulées depuis le début du mandat…
; alors même que depuis 2020, nous n’avons cessé de vous alerter sur les risques du jeu dangereux auquel vous persistez à jouer avec les finances de la ville
; alors même que nous n’avons cessé de vous prévenir que le recours à l’impôt deviendrait inéluctable
; alors même que de récentes enquêtes apportent une nouvelle fois la preuve cinglante qu’une remise en question est nécessaire.
Prenons la section de fonctionnement et ses dépenses notamment. Elles sont supérieures de 63M € par rapport au budget 2022, avec en particulier des charges de personnel en hausse de 4,5%. Certes, il vous faut absorber l’accroissement du coût des fluides et la hausse du point d’indice tout en maintenant une qualité de service public.
Mais si l’on creuse un peu du côté de votre politique RH : vous prévoyez 75,1 créations nettes de postes pour 2023. Mais de quel type de postes parlons-nous ?
Mettons de côté ceux dévolus à la reprise des activités de Léo Lagrange.
De l’aveu même de M.BOSETTI en commission finances du 23 février dernier, ces créations seront principalement fléchées sur des profils que nous pourrions définir comme des « sachants » : accompagnateur de la formation à la transition écologique, juriste, chef de projet, chargé d’études, … Et pour couronner le tout, un « chef de projet politique de stationnement de surface » … Autant écrire noir sur blanc dans votre présentation du budget : « nous recrutons pour faire prévaloir un point de vue militant sur les problématiques de mobilités plutôt que des avis expertisés ». Ce n’est guère étonnant, nous avons compris depuis très longtemps que chez EELV, « la culture militante » est bien plus importante que l’expertise technique et scientifique.
Le plus dérangeant dans les orientations de votre politique RH que l’on décèle dans ce BP, c’est l’absence des agents de terrain.
Ces agents de terrain dont a tant besoin le secteur de la Petite enfance, notre police municipale et notre ville de façon générale. Et vous voulez faire croire aux Lyonnaises et aux Lyonnais que vous protégez et développez le service public ?
Continuons à examiner cette section de fonctionnement avec les charges à caractère général. On s’aperçoit que les dépenses cumulées en études et en prestations de service sont programmées à 28 M € pour 2023. C’est supérieur de près de 10 M € par rapport ce qui se faisait sous l’ancien mandat. Ce constat engendre une question :
Les augmentations d’impôts que vous allez nous demander de voter juste après ; cet effort supplémentaire que vous faites peser sur le portefeuille des Lyonnais, doit-il servir à financer le coût de l’énergie et la qualité du service public … ? Ou alors à payer des militants labellisés « chefs de projets » ainsi que vos prestations de services ? Il vous faudra être très convaincants dans vos explications.
Si l’on se penche maintenant sur la section d’investissement et en particulier les dépenses d’équipement, on voit là-aussi que les leçons ne sont pas tirées après trois années de mandat et que vous persistez à ignorer les alertes.
Dans votre rapport, mais cela a aussi été répété par Mme HENOCQUE en commission finances, vous assumez vouloir ne réaliser que 60% de vos investissements.
Vous appelez cela de la prudence.
Moi j’y vois surtout des promesses non tenues. Vous vous étiez engagés auprès des Lyonnais à investir comme aucun exécutif auparavant. N’ayons pas la mémoire courte.
Pourtant, votre taux de réalisation est de 15 à 30 points inférieur à ce qui se pratiquait sur les trois premières années du mandat précédent. Si l’on compare à d’autres villes de France, même constat : 17 points en dessous de ce qui se fait à Reims, 38 en dessous de ce que pratique la Ville de Paris, 14 points en dessous de ce que réalise la Ville de Marseille.
La montée en puissance que vous aviez promise ne se traduit donc pas dans les dépenses d’équipement prévues.
Mais même dans les projets envisagés, les priorités nous inquiètent. Nous saluons bien entendu les crédits fléchés en direction de l’éducation, de la culture ou encore des espaces publics, qui représentent respectivement 22, 13 et 24% des dépenses 2023 liées au plan d’équipement.
En revanche, nous regrettons que la solidarité, l’attractivité ou encore la sécurité constituent les grandes oubliées de ces priorités en matière d’investissement. Ensemble, ces trois domaines ne pèsent qu’à peine 10% dans les crédits d’équipement 2023.
Les problèmes de tranquillité publique dans notre commune sont-ils réglés ? Allez dire ça aux habitants de la Place Mazagran ou de Champvert.
Lyon reste-t-elle un territoire qui attire ? Au contraire, je le rappelais en propos liminaire : un solde de 40 fermetures de classes net est prévu pour la rentrée 2023 et notre commune a dangereusement dégringolé dans le dernier classement des villes où il fait bon vivre.
Quant aux solidarités, comment peuvent-elles ne représenter qu’à peine 5% des dépenses prévues pour 2023 par une majorité qui se dit « populaire et sociale » ? En l’état, vous ne vous donnez pas les marges de manoeuvre pour répondre aux enjeux sociaux de notre commune, à l’image de la lutte contre le non-recours. Mme RUNEL le disait elle-même avec beaucoup de justesse dans la presse : près d’un Lyonnais sur cinq ne solliciterait pas les aides auxquelles il a le droit.
En lisant ce budget primitif, nous avons donc dû mal à voir où se situe la grande métamorphose annoncée, la grande révolution qui devait transformer Lyon.
D’autant plus, que la majorité des projets mis en exergue et ventés dans ce rapport ne sont pas le fruit de votre action et vous le savez pertinemment : parmi les 17 principales opérations d’investissement que vous listez en page 52 de votre rapport, l’essentiel a été initié par vos prédécesseurs.
Mais nous n’avons aucune difficulté à vous léguer cet héritage et nous sommes même plutôt fiers que vous fassiez « votres » ces projets et actions.
En revanche, nous espérons que vous fassiez également « votre » une gestion prudente et responsable des finances communales, afin d’éviter d’avoir de nouveau recours à l’impôt pour palier à vos défaillances.
Je vous remercie. »
Intervention de Yann CUCHERAT au Conseil municipal du 9 mars 2023.
Rapport N°2023/2340