Intervention de Gérard Collomb
Vous nous présentez ce soir le premier budget de la nouvelle majorité. Permettez-moi de vous dire que les chiffres que vous annoncez ont de quoi effrayer.
Quand les recettes évoluent à moins 0 ,3% et que les dépenses connaissent une évolution de plus 1,7%, il y a de quoi s’inquiéter. Alors bien sûr, il y a l’effet COVID que vous chiffrez à 7 millions d’euros. Si nous ne connaissons pas un nouveau confinement et si notre tissu économique continue à résister comme c’est le cas aujourd’hui, cette année 2021 n’aura rien à voir avec ce que nous avons connu en 2020. Où dépenses et moindre recette on fait supporter à la ville une charge de 45 millions d’euros.
Bien que le choc fût d’une autre nature, l’année 2021 n’a rien à voir non plus avec la situation que nous avons dû affronter au début du précédent mandat où la baisse des dotations décidées par le gouvernement a impacté de manière terrible les finances de la ville. J’ai indiqué les chiffres de cette baisse de dotation dans mon intervention sur la PPI, je veux simplement rappeler qu’en 4 ans ce fut une perte cumulée de 95, 5 millions d’euros.
Face à ces conditions drastiques, il faut bien nous adapter et nous avons donc dû mettre en plan marge de manœuvre. Avec une année 2016 particulièrement complexe où nous avons présenté pour la seule fois au cours de nos trois mandats un budget primitif où l’augmentation des dépenses (+0,6%) était plus importante que l’augmentation des recettes. Sans le plan marge de manœuvre les dépenses auraient même atteint + 2% quand les recettes auraient baissé à – 0,6%. Parce que cette année-là nous avions des dépenses exceptionnelles : l’euro 2016 mais aussi Biennales de la Danse et enfin grande exposition consacrée à Yoko Ono au Musée d’Art Contemporain. Si cette année fut difficile pour les finances publiques, elle fut une année de joie pour les lyonnais qui pouvaient tous trouver des événements susceptibles de correspondre à leur passion. Je pense que sur l’échelle du bonheur on atteint cette année-là un très haut niveau.
Cela nous amena-t-il à créer des postes en nombre pour assurer ces manifestations. Non ! La contrainte financière nous obligeait au contraire à en supprimer – 26 suppressions nettes de postes sur le budget principal, 31 si on inclut les Célestins.
Politique anti-sociale ? non, pendant le même temps comme je l’ai mentionné, la ville avait pris en charge une partie des mutuelles, du coût des tickets restaurants, fait l’avance des dépenses de subrogation de prévoyance permettant aux agents de conserver leur salaire en cas de maladie, bonifié les congés, subventionner les vacances collectives, augmenter le capital décès. On peut avoir une politique sociale forte tout en ayant le souci de gérer le plus rigoureusement possible les finances de notre collectivité.
Parce que nos services ont toujours des prévisions sages et ensuite une gestion dans l’année ajustée au plus près des besoins, au CA de cette année 2016 l’augmentation des recettes fut plus forte que nos dépenses, même si notre autofinancement brut varie de 97,592 millions à 83,603 millions.
Si je rappelle ces faits avant d’examiner le budget 2021 c’est pour rappeler que lorsque l’on nous dit que 615 millions d’investissements réalisés dans le mandat dernier c’est modeste, on oublie simplement de mentionner dans quelle condition de difficulté avec la baisse des dotations puis la contractualisation qui amenait à limiter les dépenses de fonctionnement induits par nos investissements.
Permettez-moi de vous dire que lors d’une reprise de la COVID et des conséquences qu’elle pourrait entraîner sur le plan sanitaire, économique et social, la première année du mandat que vous abordez se présente sous des auspices financièrement plus favorables que la première année de notre dernier mandat.
D’abord parce que – Et c’est au moins une qualité que vous nous reconnaissez – nous vous laissons une situation financière assez exceptionnelle avec, avant la crise de la COVID – un autofinancement brut au plus haut 109 millions d’euros au 31 décembre 2019, une dette atteignant son plancher 389 millions d’euros soit 3 ,6 annuités de remboursement de la dette quand celle-ci était à 421 millions d’euros en 2001 au moment où nous accédions à la mairie de Lyon.
Vous bénéficiez par ailleurs d’autres circonstances favorables.
C’est d’abord la réforme des finances locales où le gouvernement substitue à la taxe d’habitation, la taxe sur le foncier bâti attribuée jusque-là à la Métropole et une compensation qui permettra à la Ville d’avoir des ressources en progression de 7,4 millions d’euros.
C’est ensuite la hausse du FCTVA (+11 millions d’euros) dû à la fois au fait qu’il est calculé sur l’année 2019, année de fort investissement, mais aussi au travail effectué par nos services qui a permis d’inclure de nouvelles dépenses prises en compte.
De plus, contrairement à ce que nous avions connu, le FPIC n’augmente pas.
Enfin, si notre service des finances a prévu une dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale en baisse à 2,5 millions d’euros, je pense que nous serons à nouveau éligible ce qui nous amènerait à la somme perçue en 2020, 5,5 millions d’euros.
Les droits de mutation que vous estimez à 40 millions et qui avait été en pleine crise COVID de 43 millions en 2020 devrait atteindre encore ce niveau. Parce que je ne pense pas que votre politique de logements les ait encore impactés à la baisse.
L’augmentation des recettes « petite enfance » de la CAF doit encore vous aider.
Enfin je sais qu’en général entre le BP présenté et le CA réalisé, il y a une marge et donc que le CA de l’année 2021 ne devrait pas présenter l’effet ciseau affiché au BP. Alors, sans doute y aura-t-il une baisse des produits, des services et des domaines. Vous la prévoyez environ 5 millions d’euros. Elle portera sur les équipements sportifs, culturels fermés à cause du COVID sur les recettes de restauration du fait d’une baisse prévue (je ne sais pourquoi de nos restaurants scolaires).
Vous prévoyez une diminution des recettes de stationnement que vous estimez à 2,7 millions d’euros. Evidemment, si vous interdisez aux automobilistes de rentrer dans Lyon, cela aura un impact et peut-être plus fort que celui estimé dans votre rapport.
En fait même de BP à BP je pense que l’évolution des recettes restera positive.
C’est sur les dépenses que cela se gâte et d’abord sur les dépenses de fonctionnement.
On le voit sur les charges à caractère général. Même défalqué des frais occasionnés car la COVID elles devraient augmenter de 3,4 millions d’euros soit 3,1% alors qu’en 2020 elle n’avait augmenté que de 1,6% par rapport au BP 2019. Et on verra sans doute que c’est encore moins de CA à CA.
Bien sûr votre rapport donne des explications.
C’est la majoration sur les dépenses de fluides avec dites-vous un effet consommation. 700.000 euros sur l’électricité, le gaz, les systèmes d’informatique, la hausse des locations, les frais de fonctionnement de la fourrière animale.
Mais chaque année, il y a des raisons de voir ce chapitre croître. L’an dernier, c’étaient déjà les systèmes d’information et de transformation numérique + 745000 euros, l’augmentation des achats de repas + 610000 euros, l’installation de 6 sanitaires sur les Berges du Rhône, 140.000 euros, les dépenses d’entretien horticoles et de propreté des espaces naturels. Ce n’était pas dû aux installations des bacs de la rue Edouard Herriot mais à l’ouverture de nouveaux espaces verts d’une superficie de 6,7 hectares (parc Blandan phase 2, parc Zénith…). Les frais de fonctionnement de la fourrière animale augmentait déjà de + 80.000, les dépenses d’analyse de la qualité de l’air et des gaz des sols (et oui on les réalisait déjà) étaient à plus de 105.000 euros compensé par une subvention de 60.000 euros de l’ADEME obtenue dans le cadre du projet aide à l’action des collectivités territoriales en faveur de la qualité de l’air, l’organisation des 4 scrutins + 190.000 euros, les dépenses entraînée par l’’’exposition Picasso qu’hélas le grand public n’a jamais pu voir 427.000 euros mais à cette époque on comptait pour compenser ces hausses sur l’optimisation réalisée par nos services dans d’autres domaines. Moins 590.000 euros par exemple en 2020 pour les dépenses d’énergie. Eh oui, là aussi on s’en préoccupait déjà.
Il y a ces charges là, mais je dois dire que ce qui nous inquiète le plus c’est l’amorce d’une dérive de la masse salariale que je dois dire vous assumez et que vous nous aviez annoncé dès le débat d’orientation budgétaire.
Alors là on atteint les sommets + 154 postes, 100 créations et 54 transformations d’emploi non permanent en emploi permanent ceux-ci même alors qu’au BP 2020 nous avions déjà prévu – et c’était assez exceptionnel – la création de 57 postes pour les équipements nouveaux.
Et pour faire bonne mesure vous rajoutez encore 3 millions en matière de politique sociale alors qu’en 2019 Gérard Claisse avait fait comme je l’ai dit un effort important.
Et ceci avant même d’avoir négocier un contrat social avec les organisations syndicales.
Au total la masse salariale qui n’avait quasiment pas augmentée en 2020 va passer de 341,4 millions d’euros à 346,1 millions, 347 même si on inclut les mesures liées à la crise sanitaire.
Au regard de cet écart les augmentations de subventions (mise à part le nouveau centre social Mermoz qui ouvre et qui bénéficie d’une somme de 451.000 euros) compensée d’ailleurs en partie par une baisse au centre social des Etats-Unis de 90.000 euros semblent anecdotique : subvention pour le commerce et l’économie en hausse de 200.000 euros, + 23.000 à la MJC Duchère, encore est-ce pour des postes d’animateurs jusque là portés par le centre social de la Sauvegarde, 20.000 euros pour la MJC Montchat, + 20.000 euros pour la co-conception de la végétalisation des cours d’écoles dont on a tant entendu parlé, +29.800 euros pour des ateliers éducatifs à l’alimentation durable et locale.
Heureusement les frais financiers baissent eux, à la gestion passée de 1,5 millions d’euros après avoir déjà baissé de 20,3 % en 2019. Alors on nous dit : oui mais nous avons remboursé cette année un capital de la dette plus important 41,1 millions contre 36,1 en 2020. Sauf qu’en 2019 il était de 42,8 millions d’euros, en 2017 de 47,5 et qu’en 2019 nous avons remboursé par anticipation 10 emprunts à la caisse des dépôts et consignations pour 34539447 millions d’euros et que ce remboursement permettait à la ville d’économiser 2 millions de frais financier et que l’encours de la dette diminuait de 20,6 millions.
Dans votre budget, les dépenses d’investissements seront de 149 millions d’euros avec comme principale dépenses les groupes scolaires Duvivier-Crondast et PUP Ginko, vieille connaissance à 9,6 millions et 4,4 millions, l’hôpital Edouard Herriot 5 millions, le groupe Léon Jouhaux, le groupe Veyet, on en sera à la 3ème phase (2,4 millions d’euros).
Les dépenses en glissement représentent en effet 105 millions d’euros sur les 149 annoncés. L’épargne brute recule de 10,2 millions d’euros à 73, 2 millions, l’épargne net retraités est à 32 millions d’euros, quant à l’encours de la dette qui était à 389 millions au 31 décembre 2019, il sera de 456 millions.
Mais tout cela vous nous l’avait annoncé dès le débat d’orientation en prévoyant pour 2026 une épargne brute de 50 millions d’euros soit la moitié de celle réalisée au CA 2019 et un encours de dette de 640 millions d’euros soit une augmentation de 40%.
Je souhaite vous le dire en conclusion : ne continuez pas sur cette voie parce que vous vous exposez à 3 risques majeurs :
1 – l’augmentation de la dette entraînera une perte de confiance des prêteurs qui, du coup, augmenteront leur taux d’intérêt
2 – quand l’activité reprendra au niveau européen, la Banque européenne cessera de pratiquer ces politiques de taux négatifs dont elle use aujourd’hui pour relancer l’activité. Et donc vous aurez une hausse généralisée des taux d’intérêts.
3 – la dette publique qui s’élève à 120% du PIB devrait être remboursée et l’Etat risque de mettre à nouveau à contribution les collectivités locales.
Et dans tous ces cas, le scénario que vous envisagez pour votre mandat deviendra insoutenable.