« Monsieur le Maire,

Chers collègues,

Vous nous demandez aujourd’hui de nous prononcer sur le plan d’actions « Lyon Ville Hospitalière » 2022-2026.

Les migrations ont toujours existé et ont jalonné l’histoire de note planète et de notre pays. Depuis le début du XX siècle, et même avant, la France a connu plusieurs vagues d’immigration, généralement au cours de phase d’expansion économiques et/ou de crises humanitaires ayant conduit à un afflux de réfugiés.

Lyon ne fait pas exception, bien au contraire .

Elle a été un berceau de l’humanisme, un foyer des révoltes sociales et une capitale de la résistance.

L’accueil des réfugiés de tout bord marque donc profondément l’histoire de notre ville et je le dis avec fierté. 

Ce sujet ne doit donc souffrir d’aucune posture car cela a des conséquences délétères au sein de nos sociétés.

Nous aurions pourtant à gagner à trouver un moyen de mener une politique apaisée et réfléchie sur le sujet.

Garantir un accueil digne des demandeurs d’asile ne signifie pas nier les impératifs de sécurité et d’ordre public dont une politique migratoire doit bien entendu tenir compte.

Cela ne signifie pas non plus de ne pas lutter contre les voies irrégulières et meurtrières d’immigration clandestine.

En revanche cela signifie de garantir et sauvegarder la dignité humaine mais aussi respecter le droit des exilés.

Votre plan vise à faire de Lyon une ville plus accueillante, plus solidaire et plus hospitalière. Vous allez faire plus et mieux, c’est ce que nous lisons entre les lignes, pourtant la réalité, en lisant le détail des actions est beaucoup plus nuancée.

Même si nous pouvons reconnaître un certain volontarisme derrière ce travail et une collaboration ambitieuse avec les associations de terrain ; les services sociaux, médicaux et éducatifs, il présente à nos yeux des défauts et oublis majeurs.

D’abord d’un point de vue global, il paraît nécessaire de rappeler que la Ville de Lyon n’a pas de compétences en matière d’accueil des exilés et des migrants. On pourrait croire que vous apportez des solutions mais plusieurs actions proposées ne sont pas de votre ressort. La Ville ne peut donc qu’être associée à des initiatives ou des actions planifiées par les acteurs dotés des dites compétences.

Acteurs d’ailleurs plutôt absents de ce plan :

Le Département du Rhône, la Métropole de Lyon, l’ARS, la Préfecture, l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration comme les services de Justice et de Police sont peu ou pas mentionnés.

Pourtant, même si l’expérience seule des cités ne peut pas guider un tel plan, ce dernier ne peut pas se passer de leur avis et connaissance pour être complet.

Toujours dans une perspective globale, vous dites vouloir développer une culture de «l’hospitalité inconditionnelle». Nous pouvons regretter une restriction du sens de l’hospitalité. En effet, la politique migratoire devrait s’inscrire dans une politique sociale plus large qui fait de la lutte contre la précarité la condition nécessaire d’une société apaisée.

Rentrons maintenant dans le détail des mesures envisagées.

Une cinquantaine d’actions sont présentées et un grand nombre d’entre elles sont déjà portées par des associations engagées et/ou par la Ville, parfois, trop rarement à notre sens, avec  la Métropole ou l’Etat.

Pour les autres, à leur lecture, certaines nous interrogent.

Voici quelques exemples.

L’action 31 consiste à « Amplifier la construction de logements sociaux ». Comment, concrètement,  la Ville de Lyon compte-t-elle y parvenir , nous sommes encore loin des objectifs que vous annoncez sur ce mandat.

Prenons ensuite l’action 49 qui vise, je cite à « Créer une carte citoyenne de résidence ». De deux choses l’une :

  • Soit vous comptez créer un document d’Etat civil ou d’état des personnes. Mais vous savez pertinemment que seul l’Etat peut produire ces documents.
  • Soit vous comptez créer une carte de visite estampillée « Ville de Lyon » à destination des personnes exilées mais dont l’effet sur leur situation sera nul.

Nous ne vous pensons pas que vous souhaitez vous affranchir de la loi, cette mesure n’est-elle donc rien d’autre qu’une opération de communication ?

Dernier exemple, je vais revenir plus haut, l’action 6 « Mettre en place un lieu d’accueil identifié pour les personnes primo-arrivantes ». Là encore, à travers l’Office Français de l’immigration et de l’intégration, l’Etat est le premier interlocuteur des primo-arrivants. C’est donc uniquement en partenariat avec lui qu’un lieu d’accueil pourrait voir le jour.

 Il est aussi dommage de constater que d’autres actions sont présentées séparément alors qu’elles pourraient être regroupées en une seule et même action, mais cela réduirait peut-être le plan.

Certaines en revanche ont retenus notre attention positivement notamment celles concernant la sensibilisation des agents et des habitants sur la situation des personnes migrantes.

Nous avons donc ici entre les mains un plan, certes de bonne intention, mais surtout pétri de belles incantations…

Oui, car au-delà de ses actions inapplicables, il souffre d’oubli, de manques :

  • Un calendrier imprécis
  • Pas de budget prévisionnel dédié
  • Pas de plan de charge

De plus, ce plan risque de devenir obsolète, puisque cette année, en 2023, une révision des documents cadres tel que le projet métropolitain des solidarités et la déclinaison régionale du schéma nationale d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés doit paraître. Les trois ne pourront pas s’articuler entre eux, la ville de Lyon fera donc cavalier solitaire sur un sujet où la coordination des acteurs est indispensable. Ce plan d’action vous l’aurez compris, nous laisse circonspects. 

Je voudrais aussi rappeler à cette majorité que nous aussi nous sommes humains, contrairement à ce que vous pouvez parfois laisser entendre. Les valeurs d’hospitalité doivent être défendues et portées en dehors de toute instrumentalisation à des seules fins de communication. »

Je vous remercie.

Intervention de Delphine BORBON au Conseil municipal du 9 mars 2023.

Rapport N° 2023/2425

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