Monsieur le Président,

Chers collègues,

Nous voilà déjà à mi-parcours de l’année 2025 et quasiment en fin de mandat, dans une séquence charnière pour notre Métropole.

Les débats s’accélèrent et s’intensifient, mais les attentes des habitants, elles, restent constantes : mieux vivre, se déplacer simplement et efficacement, se loger dignement, et pouvoir compter sur des institutions qui assument pleinement leur rôle.

Dans ce contexte, les responsabilités qui nous incombent sont immenses.

A un moment où, partout dans le monde, des forces politiques s’emploient à fragiliser les fondements démocratiques de nos sociétés, ici aussi, nous devons tenir bon. Et cela commence par l’exemplarité de nos institutions locales.

Or votre gouvernance, Monsieur le Président, semble chaque jour davantage s’éloigner de l’intérêt général, pour se replier sur une vision idéologique, souvent déconnectée, parfois brutale dans sa mise en œuvre.

Les débats sur les ZFE et leur suppression ont malheureusement démontré les limites de votre méthode.

Oui, la pollution tue chaque année entre 40 000 et 100 000 personnes en France.

Oui, nous devons œuvrer pour l’amélioration de la qualité de l’air de notre agglomération.

Oui, nous devons accompagner la transition vers des mobilités plus durables.

Mais pas à n’importe quel prix ! L’enjeu n’est pas de choisir entre climat et justice sociale, mais de réussir les deux. Et pour cela, il faut écouter, concerter, adapter et ne pas abandonner les professionnels, les familles modestes et les communes périphériques.

C’est pourtant ce qui s’est produit avec votre application de la ZFE, imposée de manière uniforme face à des réalités pourtant très diverses.

Nous vous avons suffisamment alertés depuis l’instauration des ZFE en 2021 : sans anticipation, sans accompagnement fort, sans progressivité, la ZFE serait rejetée.

C’est exactement ce qui s’est passé le 28 mai dernier, lorsque l’Assemblée nationale a voté la suppression du dispositif.

Et maintenant que le législateur a rebattu les cartes, vous parlez de vote « populiste ». Mais qui, au sein de votre majorité, a réellement combattu ce populisme ?

Les députés écologistes ? Absents lors du vote !

Les députés socialistes ? également absents !

On ne peut pas se plaindre d’avoir cédé au populisme quand celles et ceux de votre coalition ont déserté et choisi le confort de l’inaction !

En réalité, cet échec est aussi le vôtre, Monsieur le Président. Si le dispositif des ZFE a soulevé une telle grogne, c’est parce qu’il a été déployé trop fort, trop vite, particulièrement sur notre agglomération.

Un fiasco dû au manque de concertation, d’accompagnement et de mesures d’assouplissement, malgré nos propositions répétées.

Résultat : une fracture politique, sociale et territoriale que vous avez-vous-même provoqué.

Il faudra pourtant mobiliser les outils nécessaires pour tendre vers une Métropole plus apaisée et plus respirable.

Nous vous appelons à revoir la mise en œuvre, à co-construire dès aujourd’hui une transition plus juste, afin d’éviter de fracturer un peu plus notre Métropole.

Car votre politique dogmatique commence à se fracasser sur des réalités bien tangibles.

Outre les ZFE, le tribunal administratif vient d’annuler en première instance certaines dispositions du Règlement local de la publicité, notamment l’interdiction générale de la publicité numérique, jugée non justifiée localement : un échec politique cuisant.

Un climat de décrochage démocratique s’installe. Nos concitoyens ne comprennent plus vos choix. Et c’est sans doute là votre principal échec : gouverner contre, plutôt qu’avec.

Depuis 2020, vous avez dessiné les contours d’une Métropole plus verte, plus juste.

Sur le papier, qui pourrait être contre ?

Mais dans les faits, les promesses de transformation se heurtent à une réalité plus dure qu’un agenda politique : la réalité quotidienne.

Quai Romain-Rolland, vous êtes même désavoué par la maire écologiste du 5ᵉ arrondissement, qui a qualifié « d’un raté » la fermeture d’une partie du quai, qui obligent les usagers qui souhaitent accéder au parking Saint-Jean à faire une grande boucle.

Le même malaise s’installe avec l’entrée en vigueur il y a quelques jours de la Zone à trafic limité en Presqu’île.

Là encore, nous ne remettons pas en cause les objectifs d’apaisement du cœur de ville, de réduction du trafic de transit et d’amélioration de la qualité de vie. Mais la manière dont vous avez mené cette évolution s’apparente davantage à une expérimentation kafkaïenne qu’à une politique publique construite.

Vous imposez un dispositif complexe, sans réelle évaluation des impacts économiques, sociaux ou en matière de mobilité.

Et ce, au moment même où les commerçants se battent pour maintenir un chiffre d’affaires digne avec une clientèle de passage, au moment où les riverains jonglent entre travaux, chantiers et déviations.

Comment espérer l’adhésion à la transition, quand les soignants, les artisans, les livreurs, les commerçants sont empêchés d’exercer leur profession librement ? Selon le dernier baromètre My Presqu’île, 65 % des commerçants interrogés évoquent une baisse de chiffre d’affaires supérieure à 20 %.

L’absurdité atteint son comble avec la fermeture du passage de la rue Grenette, un axe stratégique pour la liaison Est-Ouest où près de 10 000 véhicules transitent chaque jour.

Vous y concentrez désormais toutes les lignes de bus, provoquant une rupture de charge à l’Hôtel de Ville pour de nombreux usagers.

Qu’en est-il des personnes âgées, des femmes enceintes, des personnes à mobilité réduite ?

C’est une décision qui pénalise ceux pour qui chaque correspondance compte.

Enfin, alors que vous soumettez à ce Conseil plusieurs plans structurants pour notre métropole : PCAET, SCOT, Plan de Mobilité…, autant de documents aux ambitions affichées à 10, 15, 20 ans, relevons le rejet massif exprimé par une large majorité de communes sur le Scot et le plan de mobilité lors de la dernière Conférence Métropolitaine des Maires.

Un signal clair d’un manque d’écoute envers les communes, pourtant relais des habitants.

Se pose aussi la question des financements : ces ambitions exprimées dans les plans stratégiques auront-elles les moyens d’être concrétisées ?

D’autant que les caisses de la Métropole ne sont pas extensibles, et que vous les avez déjà bien entamées.

Nous nous inquiétons notamment de la soutenabilité des investissements du SYTRAL, qui posera tôt ou tard la question du financement budgétaire, voire du modèle lui-même.

Car planifier sans financer, c’est promettre sans réaliser.

La Métropole elle-même approche dangereusement du plafond de verre, sans trajectoire claire de retour à l’équilibre. En cinq ans, vous avez dilapidé les marges de manœuvre. Les dépenses de fonctionnement ont augmenté chaque année.

Aujourd’hui, dans l’urgence, vous cherchez de nouveaux leviers financiers. Et vous recourez massivement à l’impôt : hausse de la taxe de séjour (à l’ordre du jour), de la Contribution foncière des Entreprises, des Droits de mutation, du versement mobilité…

Drôle d’ironie, d’ailleurs. Vous qui accusez l’État et les gouvernements successifs d’avoir fait de la France la championne d’Europe du prélèvement, voilà que Bruno Bernard décroche lui aussi sa médaille.

Aujourd’hui, il faut un cap clair et partagé. Un cap qui parle aux 58 communes et aux habitants.

Un cap réaliste et au plus proche des préoccupations des métropolitains.

Les habitants de la Métropole n’attendent pas de grandes déclarations mais des actes concrets qui améliore leur quotidien. Ils veulent des politiques pragmatiques, au service de la vie réelle, quels que soient leurs professions ou leurs modes de déplacement.

Je vous remercie.

Intervention préalable de Nicole Sibeud, Conseil de la Métropole du 23 juin 2025.

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