Intervention de Gérard Collomb
Monsieur le Président,
Nous voulons d’abord vous dire, monsieur le Président, combien nous avons été surpris par le caractère flou du rapport que vous nous présentez. Vous en êtes maintenant à bientôt deux ans d’exercice de votre mandat. Et que ce soit sur ce projet Presqu’île apaisée ou sur le projet Rives Droite, on ne sait pas ce que vous voulez réaliser vraiment.
Or le passé a de quoi mettre en garde pour l’avenir. Un certain nombre ici se souviennent sans doute en effet du magnifique projet de Tramway reliant Bellecour à la Part Dieu que vous aviez présenté en février 2020 pendant la campagne électorale. Il a évidemment fait un flop parce qu’irréalisable. Alors vous comprendrez qu’aujourd’hui nous attentons de vous, que vous puissiez nous donner et ainsi donner aux lyonnais quelques précisions sur un projet que cette délibération n’explicite guère.
Car le futur de la Presqu’île est essentiel.
Il l’est évidemment pour toutes celles et tous ceux qui y vivent et y travaillent, mais il l’est aussi pour les autres arrondissements. Parce que vos décisions dans la Presqu’île ne seront pas sans répercussions pour eux comme d’ailleurs pour l’ensemble des liaisons Nord-Sud, Est-Ouest de notre agglomération. Il l’est enfin parce que – si la Presqu’île est après la Part-Dieu le second pôle commercial de la Métropole, elle est aussi l’âme de notre ville, le lieu qui a permis, avec le Vieux Lyon que Lyon soit classé patrimoine mondial de l’UNESCO.
C’est parce que nous la considérions comme telle qu’au cours de ces 3 mandats nous lui avons consacré toute notre attention et, nous ne vous pas attendu, pour en faire un quartier à vivre. La liste des réalisations intervenues est en effet impressionnante.
D’abord en coopération avec le privé, la réhabilitation de tous les immeubles du nord de la rue de la République, avec la volonté de rendre ce secteur plus attractif. Aujourd’hui le résultat est là.
Nous avons ensuite souhaité redonner un nouveau souffle à toute la partie Est. Ce fut bien entendu le projet majeur de rénovation de l’Hôtel Dieu, dont on voit bien, que, par sa réhabilitation, il est aujourd’hui un des éléments essentiels de notre patrimoine, apprécié tant par les habitants de notre agglomération, que par les touristes. Son aménagement a apporté un dynamisme nouveau à tout le quartier place de la République-Bellecordière. Il n’est que de voir les terrasses l’été.
Toujours coté est, nous avons requalifié la rue Grôlé avec ses commerces nouveaux, avec ses espaces végétalisés, commencé la réhabilitation de Saint-Bonnaventure.
Côté Ouest, c’est le Parking du quai Saint-Antoine qui a été réalisé, un parking qui n’est plus soumis désormais aux crues de la Saône et permet donc aux habitants et aux visiteurs de trouver un stationnement pour les voitures ou leurs autres moyens de déplacement, parce que monsieur le Président, si nous voulons une Presqu’île apaisée, nous ne voulons pas une Presqu’île désertée.
Et quand je vois la fermeture récente d’un certain nombre de commerces, vous comprendrez que cette inquiétude puisse avoir quelque légitimité.
Mes chers collègues vous voyez par ailleurs qu’on peut avoir le souci de prendre en compte les mobilités et en même temps de penser la nature dans la ville puisque la démolition de l’ancien parking, véritable verrue au cœur de Lyon, pourra laisser place, j’espère que vous n’allez pas trop en changer la nature, au beau projet des Terrasses de la Presqu’île. Ce sont deux hectares d’espaces publics qui auront ainsi été réaménagés avec un grand jardin fluvial arboré, de près 10 000 m2 permettant aux promeneurs des Rives de Saône d’être au plus près de l’eau.
Lorsque nous, nous entendions créer des espaces arborés, ce ne sont pas simplement quelques arbres que nous plantions.
Dans la mise en valeur de la Presqu’île, cela a été aussi la rénovation de la place et de la fontaine des Jacobins. Et s’il n’y a pas plus d’arbres sur cette place, c’est tout simplement parce que le sous-sol ne permettait pas d’en planter davantage.
Cela a été la requalification de la place Bellecour avec le remplacement des arbres, avec l’aménagement de la partie nord pour les familles, pour les enfants. Une place à hauteur d’enfant parce que là encore, nous ne vous avons pas attendu, pour penser à eux.
Et puis il y a eu, dans la dernière phase de la mandature, le projet Cœur Presqu’île avec la requalification de la place et de la rue de la République, de la rue Victor Hugo, avec la place Louis Pradel et le projet dessiné par Jacqueline OSTY, un espace végétalisé avec une grande pelouse, la plantation d’une soixantaine d’arbres et l’installation d’une fontaine au pied de la Mairie annexe.
Ce projet qui aurait pu être un bel espace de verdure en bas d’une Croix-Rousse à la densité si forte, vous l’avez supprimé d’un trait de plume. Il est vrai qu’il s’élevait à 17 millions d’euros, quand en commission, Madame Vessiller nous a indiqué que pour l’ensemble du Projet Apaisement Presqu’île, qui rappelons-le va de la Croix-Rousse à la place Carnot, la Métropole ne compte mettre que 10 millions d’euros.
Alors évidement cela explique que les changements que vous entendez opérer vont d’abord se concentrer parce que vous n’êtes jamais en retard d’une expression à la mode, sur des Quicks Wins, « des succès rapides », à petits financements et dites-vous à grand effet.
J’ai bien peur en fait que ces « succès rapides » soient surtout s’il s’agit de végétalisation des effets éphémères, parce que trop dispersés et nécessitant beaucoup d’entretiens, ils seront dans quelques années des espaces à l’abandon.
Il convient de penser l’état des lieux le jour de l’inauguration, mais il faut toujours avoir le souci de l’entretien dans la durée. Et ce qu’on nous a dit en commission ne nous a pas rassurés.
À un élu qui demandait en effet, si pour l’entretien de la rue de la République et de la rue Victor Hugo, aujourd’hui maculées de taches, on avait bien acheté les machines nécessaires pour nettoyer ces artères, la technicienne chargée du dossier a répondu : « oui nous avons acheté les machines, mais il faudrait les passer toutes les semaines, et nous n’avons pas les moyens. »
Alors si on ne peut pas entretenir des espaces majeurs, attention aux plantations éparses que personne n’entretiendra dans la ville. Depuis votre arrivée, les Lyonnais en ont beaucoup d’exemples dans les différents quartiers.
Pour la végétalisation de la Presqu’île, nous préférons l’aménagement de grands espaces qui perdurent, plutôt que de saupoudrer des moyens dans la création de petits îlots qui deviendront très vite des nids à chewing-gum, et autres bouteilles jetées, quand ils ne serviront pas à cacher des substances plus toxiques.
Mais bon, va pour les Quick Wins. Et puisqu’ils sont chers à votre cœur, nous pouvons vous en indiquez quelques-uns qui auraient à coup sûr un effet majeur.
Vous pourriez par exemple mettre des bornes mobiles rue Victor Hugo et sur certaines autres voies du centre pour éviter les rodéos, vous pourriez enlever les tentes qui sont installées devant le Printemps. À coup sûr ce serait un vrai Quick Win pour contribuer à une Presqu’île apaisée, par les habitants comme par les touristes.
Pour réduire la pollution de notre ville un autre Quick Win serait de pouvoir étendre le réseau de plateformes de recharge pour véhicules électriques. Mais cela heurte sans doute chez vous un certain nombre d’élus hostiles au nucléaire.
Aujourd’hui le COVID fait que nous avons moins de touristes venus d’autres continents. Mais j’imagine, s’ils étaient là, l’hallucination devant ces tentes de nos amis japonais. Ils se diraient : « c’est devenu cela la nouvelle hospitalité à Lyon ? ».
Il y a les Quick Wins, mais il peut y avoir aussi ce qui pourrait se cacher derrière le caractère vague de ce rapport.
Au moins à la Part Dieu vous aviez annoncé la couleur, plus de tours, une forêt urbaine. Sur le projet Rives droite du Rhône, nous avons bien compris que vous souhaitez réduire drastiquement le nombre de voies. On peut le comprendre, mais il faudra nous dire par où passent les 80 000 voitures qui sont présentes.
Car, Monsieur le Président, on ne saurait traiter les problèmes de mobilité dans la Presqu’Île sans une vision d’ensemble
La nôtre était claire, il s’agissait d’écarter au maximum les circulations de notre agglomération et donc de son cœur.
Il s’agissait aussi de placer le plus en amont possible des parcs relais permettant à ceux qui veulent y venir de laisser leur véhicule en amont pour prendre les transports en commun.
Vous avez voulu rompre avec cette politique. Aujourd’hui, on en voit le résultat – je reprends les chiffres du Plan de Protection de l’Atmosphère : 20 mins de bouchons à toutes les entrées de l’agglomération, à l’entrée Nord du Tunnel de Fourvière, le long de la Confluence et des bouchons importants sur l’axe Nord-Sud. Le problème, si vous en réduisez le nombre de voiries sans prendre d’autres mesures, vous accroitrez encore ce phénomène.
Les liaisons Nord-Sud deviendront encore plus difficiles car les usagers chercheront des itinéraires de substitution. Pour aller par exemple de Pierre-Bénite à Caluire, ils passeront par le tunnel de Fourvière, traverseront le 9e arrondissement pour pouvoir emprunter le nouveau pont Schuman. Ce-ci c’est pour les liaisons Nord-Sud mais ce qui transparait au travers de votre projet de délibération, c’est que vous entendez aussi réduire les possibilités de liaisons Ouest-Est.
J’avais trouvé un peu bizarre un des items de la délibération qui, parmi les objectifs, fixait je cite le fait de « favoriser l’usage des transports en commun et de relier la Presqu’île d’ouest en est. »
J’interrogeais donc sur la signification de cette phrase. La technicienne prudente me dit qu’il s’agissait d’une référence au projet des Terrasses de la Presqu’île, situé à l’Ouest.
Mais Madame Vessiller, nous indiqua, avec son allant habituel, que vous songiez peut-être à faire passer un tramway rue Grenette. Vieux projet auquel je m’étais opposé, parce que si l’on excepte le tunnel de la Croix-Rousse au nord, le tunnel de Fourvière, Choulans et ses trémies au sud, il n’existe que deux liaisons pour passer d’ouest en est dans la Presqu’île : place Bellecour, mais cette liaison sera impactée par le projet Rive droite et rue Grenette.
Or avec un tramway, non seulement cette rue ne pourra plus permettre le passage d’ouest en est, mais le projet interdirait aussi tous les stationnements pour les livraisons aux commerces dans un secteur où ils sont particulièrement denses. Par ailleurs, alors que vous êtes en train de faire la ZFE et donc que dans quelques années les voitures seront électriques, donc silencieuses, vous allez mettre, dans une rue encaissée, un tramway qui, on le sait tous, a le désavantage dans de telles conditions de produire de fortes nuisances sonores.
Je crains donc qu’après vos réaménagements, on ne puisse plus passer ni du nord au Sud ni d’ouest en est.
À tout cela vous rajoutez pourtant la création de zones à trafic limités, qui devront nécessairement, pour être respectés comporter de la vidéo verbalisation. Pour ce qui me concerne, cela ne me choque pas, mais cela pourrait heurter quelques membres de votre majorité, ceux du 9e arrondissement par exemple, qui ont voté contre la vidéo verbalisation parce qu’elle constituait une atteinte à la liberté au même titre que la vidéo protection. À moins que pour la répression des voitures une majorité d’entre vous soit moins sourcilleuse que pour la répression de la délinquance.
Monsieur le Président, vous comprendrez pour toutes les raisons que je viens d’indiquer les Lyonnais au travers vos propos aient besoin de vos explications pour savoir ce qu’est exactement votre projet.
Pour notre part et parce que nous avions nous une autre méthode, celle de proposer aux Lyonnais des projets qu’ils pouvaient appréhender dans leur globalité, nous voterons contre cette délibération.
Je vous remercie,
Gérard Collomb
Conseil Métropolitain des 14 et 15 mars 2022
Rapport nº2022-1054 – urbanisme, habitat, logement et politique de la ville – Lyon 2ème – Lyon 1er – Apaisement Presqu’île – Ouverture de la concertation – Individualisation complémentaire d’autorisation de programme pour études et expérimentations
Intervention de Gérard COLLOMB