Intervention de Gérard Collomb
Monsieur le Président,
Le budget primitif (BP) 2022 que vous nous présentez est à double face. Celles et ceux qui se contenteraient de jeter un coup d’œil rapide pourraient se dire que tout est bien dans le meilleur des mondes.
Les recettes sont en effet en augmentation de +77 millions de budget primitif à budget primitif, alors qu’à l’époque de la baisse des dotations, nos recettes n’avaient augmenté que de 17 millions entre 2015 et 2018.
L’autofinancement est stabilisé, il était prévu à 334 millions en 2021, vous nous l’annoncez à 339,9 millions au BP22, mais on sait que les services de la Métropole sont toujours prudents sur les recettes comme sur les dépenses et qu’il pourrait se situer à 470 millions.
L’encours de dette diminue même. Il était de 2087,4 au 1er janvier 2021, il ne se montrait plus qu’à 1893,5 millions au 1er janvier 2022. Certes je pourrais comparer au Compte administratif (CA) 2019 où, avant le COVID, il n’atteignait que 1780,4 et donc depuis cette date-là notre dette a augmenté. Mais entre 2021 et 2022, le mouvement est le bon.
Donc en apparence beau budget. Mais budget trompeur.
Si on se laissait aller à entonner « tout va très bien madame la marquise » et qu’on induise à partir de ces données le fait qu’on pourra à l’avenir continuer à dépenser comme vous le faites depuis 2 ans, je devrais même dire comme la Métropole le fait depuis 4 ans, alors on ferait fausse route.
Car là où le bât blesse, c’est que nous explosons nos dépenses de fonctionnement. Entre le BP 2021 et le BP 2022, elles augmentent de 77 millions, alors que, toujours pour donner un élément de comparaison, entre les CA2015 et 2018, elles n’avaient augmenté que de 17 millions.
Alors on nous dira « c’est à la hauteur des politiques que nous voulons mener ».
Sauf que, chers collègues, c’est d’abord le fonctionnement de notre institution qui voit s’envoler les dépenses. Les dépenses pour le fonctionnent de l’institution étaient de 531,4 au CA2020, elles étaient déjà inscrites à 548,9 millions au BP2021 et prévues à 572,3 millions au BP2022. Toujours pour donner la même référence, entre 2015 et 2018, elle avait augmenté que de 6,7 millions passant de 443,3 à 450.
À l’intérieur de cette enveloppe, la masse salariale était, elle, passée de 408 millions en 2015 à 424,6 millions en 2018, je parle tous budgets, soit +16,6 millions.
Elle a connu une première évolution importante en 2019, puisqu’au CA de cette année elle atteignait 440,9, puis en 2020 où elle se montait à 449,4, mais nous avions l’effet COVID. Vous l’avez inscrite à 481 millions pour l’année 2022. Soit une augmentation de 50,9 millions en 2 ans par rapport au CA2020. Je pense qu’on n’en sera pas tout à fait là parce que vous rencontrez des difficultés à recruter, mais quand même cela montre une tendance.
Alors ce qui vous permet de présenter, tout de même, comme je l’indiquais au début de mon intervention, des comptes qui se tiennent, tant pour l’autofinancement brut que pour l’encours de la dette, c’est l’augmentation des recettes fiscales.
Mais cette augmentation est pour une large part de circonstances.
En effet, ce qui amène cette hausse de nos recettes, c’est d’abord la réforme de la taxe d’habitation (TH) et de la taxe foncière sur les produits bâtis (TFPB) pour la part départementale de la Métropole.
On sait que la TH et la TFPB ont été attribuées aux communes. Pour compenser cette perte, la Métropole de Lyon bénéficie d’une fraction du produit national de TVA calculé sur l’année 2019.
Cela tombe bien puisque c’était l’année où les recettes de la Métropole étaient au plus haut et que, deuxième circonstance heureuse, dans le même temps le gouvernement a injecté beaucoup d’argent pour soutenir et relancer l’économie nationale avec du coup un produit national de la TVA qui n’a jamais été aussi élevé.
De ce fait, nos recettes passent de 424 millions prévus au BP 2021 à 442,3 millions soit une augmentation de 17,6 millions +4,1%. Avec un bémol toutefois, c’est que désormais ce montant évoluera en suivant le rythme du produit de la TVA nationale et non plus en fonction de la dynamique de la Métropole.
Il est vrai qu’en fonction du rythme de constructions qui est désormais celui de la Métropole, cela vaut peut-être mieux.
Deuxième effet heureux, l’État a décidé, pour booster les entreprises de réduire les impôts de production et en particulier la CFE (Contribution foncière des entreprises).
Pour éviter une perte de recettes pour les collectivités territoriales, le gouvernement a décidé d’établir une compensation en Loi de finance et comme nous sommes dans une année électorale, la compensation est généreuse. Ce qui fait que pour la CFE, si les recettes provenant des entreprises vont baisser pour passer de 247,4 millions à 222 millions, la compensation prévue est de 44,2 millions soit un total de recettes de 266 millions. Soit par rapport au BP2021 où était inscrite une recette de 6 millions, un montant supplémentaire de
+13,2 millions.
Mais cette compensation dépend des futures Lois finances et je ne suis pas sûr, quel que soit le résultat des présidentielles, que cette compensation ne connaisse pas le même sort que celles intervenues par le passé, c’est-à-dire une baisse constante. Nous sommes donc là aussi dans une recette conjoncturelle.
Sur la Taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) et l’Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), rien de spécial à signaler.
La Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), elle, augmente de 4,8 millions d’euros, de 300 à 304,8, preuve de la bonne santé de nos entreprises malgré la crise.
Vous prévoyez des Droit de mutation à titre onéreux (DMTO) qui, de BP à BP passerait de 360 à 400 millions, +40 millions, et ce sera sans doute plus, ce qui montre que la dynamique immobilière n’est pas qu’une mauvaise nouvelle pour notre collectivité locale.
Si je récapitule ces chiffres :
+17,6 millions sur la TH-TFPB
+13,2 millions sur la CFE
+4 millions sur les DMTO
+4,8 millions sur la CVAE
C’est évidement Noël, mais comme vous savez Noël ce n’est pas tous les jours et je crains que dans les temps qui viennent, avec la nécessité d’apurer la dette nationale, avec la remontée possible des taux d’intérêt, la préparation des budgets ne soit pas toujours aussi facile.
Alors si j’étais à votre place, je ferais très attention aux dépenses de structure de notre collectivité.
Pour ce qui est des politiques menées par la Métropole, je n’arrive pas en matière de logement et d’habitat à avoir le montant des sommes engagées pour construire de nouveaux logements. Elles sont, je pense, en augmentation, notamment avec votre politique de BRS, mais comme j’ai eu l’occasion de le dire déjà, les résultats sont loin d’être probants, puisqu’en 2021 jamais nous aurons construit aussi peu de logements dans la Métropole.
Pour ce qui est des promoteurs, et quel que soit le type de logement : accession à la propriété ou logement social, on est à 4500 contre 7000 en 2017, avec un double résultat. Une augmentation des prix comme on n’en a jamais vue et le report sur la 3e couronne de ceux qui veulent accéder à la propriété, 2000 logements construits en 2021, contre 1000 en 2020. Avec un effet qui va totalement à l’encontre de vos préoccupations affichées, puisque beaucoup de ceux qui habitent dans la 3e couronne sont obligés d’utiliser la voiture faute de transports en commun adaptés.
Évidement sur ce point-là, vos politiques de mobilité actives – 6 millions d’euros pour les Voie lyonnaises – n’arrangent rien et, lorsqu’il n’y aura plus de télétravail, la Métropole va s’auto-bloquer. Mais nous aurons sans doute l’occasion d’en parler dans l’avenir.
Pour ce qui est des autres politiques, je voudrais dire quelques mots sur 3 éléments :
D’abord sur la diminution du nombre de personnes bénéficiant du RSA. Qui passent comme indiqué dans le rapport de 44330 en septembre 2020 à 42214 en septembre 2021.
Ce qui démontre, pour celles et ceux qui en auraient douté qu’il n’y a pas d’un côté l’économique et de l’autre le social, et que lorsque l’économie se porte bien, comme c’est le cas en ce moment, ce sont des femmes et des hommes qui sortent de la précarité et retrouvent un vrai emploi. C’est pour cela que nous avons toujours donné une vraie priorité au développement économique de cette agglomération, parce qu’il est porteur d’emploi.
Soutenir notre économie, nos entreprises, c’est donc permettre à beaucoup de nos concitoyens de pouvoir voir leur vie quotidienne s’améliorer. Cela doit permettre aussi à notre tissu économique de mieux prendre en compte les grands défis du 21e siècle et en particulier de muter pour participer à la lutte contre le changement climatique.
Le deuxième point sur lequel je voudrais attirer votre attention c’est la problématique des mineurs non accompagnés. Dans le CA2017, on signale qu’ils n’étaient que 613 en 2016, que parallèlement 685 jeunes majeurs étaient aussi pris en charge.
Dans ce BP, vous nous indiquez qu’après une parenthèse d’évolution due à la crise COVID et à la fermeture des frontières (487 MNA en 2019, 428 en 2020), leur nombre a atteint 1113 sur les 8 premiers mois de 2021.
Pourtant vous n’inscrivez au budget qu’une somme de 29 millions alors que vous aviez prévu un montant de 35,2 millions en 2021. On me dit que c’est parce que vous envisagez de transférer sur d’autres départements les MNA arrivant dans la Métropole de Lyon.
Alors votre discours sur Lyon Métropole Hospitalière ne serait-il que pure communication ?
Pour ce qui est des jeunes mineurs devenus adultes, le budget passe de 15,3 millions d’euros à 25,1 millions pour prendre en charge 1600 personnes.
Vous prévoyez enfin 1,3 millions d’euros pour les jeunes en appel de leur non-reconnaissance de minorité.
Au total nos budget dépasseront sans doute les 60 millions d’euros, soit juste peu moins que l’allocation personnes âgées en résidence ou l’allocation personnes âgées à domicile. Ce qui en terme budgétaire, mais aussi d’insertion sociale peut poser un certain nombre de problèmes. Surtout si comme aujourd’hui un certain nombre de ces jeunes sont logés à l’hôtel ou bien ont pris place dans des squats sans qu’aucune association ne soit missionnée pour les accompagner.
Dernier point enfin que je voudrais souligner, ce sont les limites de votre politique de la nature en ville. Lorsque je vois la modicité de l’évolution des montants engagés, je me dit qu’on est loin des réalisations du passé : berges du Rhône, rives de Saône, voie verte entre Eurexpo et le Grand Stade, aménagement du Grand Large, Grands parcs nature de Lyon,… et que là encore il y a plus de communication que de réalisations.
Voilà Monsieur le Président les quelques remarques que je souhaite faire sur le budget 2022 et plus largement sur l’évolution de vos politiques qui nous inquiètent beaucoup pour ce qui est de l’évolution de nos dépenses.
Il est encore temps, je crois, de redresser le cours des choses, d’en finir, avec une logorrhée que beaucoup de nos concitoyens ne comprennent pas et de se concentrer sur l’essentiel l’action pour donner à chacun des Grands Lyonnais un emploi et donc des moyens décents pour vivre, un logement et des espaces publics à la hauteur de ce qui a pu être réalisé par le passé.
Je vous remercie.
Gérard Collomb
Conseil de la Métropole de Lyon des 24 et 25 janvier 2022
Dossier N° 2022- 0927 – finances, institutions, ressources et organisation territoriale -Budget primitif 2022 -Tous budgets
Intervention de Gérard Collomb