« N’est pas humaniste qui le prétend et encore moins qui le proclame. L’humanisme, surtout à Lyon, ce n’est pas un terme que l’on galvaude. »
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs les élus,
Le 4 mars dernier, notre pays a vécu un moment d’avancée, de fierté et d’unité nationales comme il en existe peu. Nous avons connu un temps historique : la France a inscrit la liberté garantie aux femmes d’avoir recours à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) dans sa Constitution. Aucune nation dans le monde n’a jamais accordé un tel degré de protection à ce droit fondamental de la femme.
Beaucoup de médecins de notre ville ont pu témoigner et raconter comment des femmes ont mis leur vie en péril car elles n’avaient pas les moyens des plus fortunés pour aller à Genève ou à Londres.
Il y a les nombreux témoignages de médecins comme ceux de Michel DEBOUT, repris dans Tribune de Lyon, qui décrit cette femme fébrile, croisée dans son service de gynécologie obstétrique. Terrorisée d’être hors-la-loi, elle préfère ne rien dire face au corps médical qui tente de poser un diagnostic. Les blouses blanches ne comprendront qu’après son décès que la patiente avait fait appel à une « faiseuse d’anges » pour mettre fin à une grossesse non désirée et que l’intervention avait tourné au drame. Parler aurait pourtant permis une prise en charge efficace et de sauver une vie …
Fidèles à l’héritage laissé par les Lumières, nous envoyons ainsi un message d’espoir au monde entier, aux femmes partout à travers le globe : en France, rien, ni personne, ne peut désormais menacer cette liberté première de la femme, celle de disposer de son propre corps. Aucun patriarcat, aucun obscurantisme, aucune violence ne pourra désormais retirer cela .
A travers cette décision, il faut aussi remercier les bénévoles associatives, qui se sont battues pour en arriver là. Un combat qui continue car nous savons tous qu’il ne suffit pas d’une loi, aussi forte soit elle, pour faire avancer tous les droits.
C’est aussi de cette manière que nous rendrons hommage à des pionnières comme le furent Simone VEIL, Simone DE BEAUVOIR ou encore Gisèle HALIMI, ainsi que bien d’autres.
En votant cette inscription, notre représentation nationale s’est hissée à la hauteur des grandes figures qui l’ont précédée sur ce chemin du progrès humain. Je dois ici, au nom de notre groupe, exprimer une pensée émue en la mémoire de Robert BADINTER, décédé le 9 février dernier.
Juste parmi les Justes, Robert Badinter a assurément accompli ce que son talent – immense -, son élégance – absolue – et son humanisme profond rendaient possible. Son œuvre politique comme intellectuelle est magistrale : abolition de la peine de mort, la dépénalisation de l’homosexualité, la suppression des juridictions d’exception, la possibilité des recours individuels devant la Cour européenne des droits de l’homme ou encore la création d’un régime spécial d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation. Son parcours personnel l’amenait aussi à rejeter toute forme de discrimination et d’amalgame. Un combat essentiel pour notre ville. Un combat essentiel pour notre démocratie.
La démocratie exige en effet d’entretenir le débat public avec sérieux et un sens des responsabilités. Monsieur le Maire, je me tourne ici vers vous, car je regrette, qu’en pleine campagne des élections européennes, vous vous laissiez aller, sur une chaîne de grande écoute nationale, à dire des choses inexactes concernant l’Union européenne et les traités qu’elle signe notamment avec la Nouvelle-Zélande.
Une fake news vite repérée par la presse nationale et locale.
Laisser circuler ce qui, au minium, est une maladresse, au moment où nos agriculteurs, à travers toute la France, font entendre leurs difficultés, leurs angoisses et parfois leur souffrance, ce n’est pas, Monsieur le Maire, participer à l’entretien d’un débat public de qualité, avec sérieux et responsabilité.
Bertrand Tavernier avait raconté que son père décrivait Lyon comme une ville double, avec deux fleuves et deux collines. « À Lyon, deux mondes se télescopent ».
Et bien pour votre majorité, c’est un peu la même chose. Un jour vous soutenez le peuple ukrainien et le lendemain, un élu de votre majorité à la Métropole qui demande « qui va payer » en évoquant le soutien inconditionnel que nous devons à l’Ukraine.
Un jour, vous prétendez défendre le patrimoine de la ville, le lendemain vous comprenez qu’on veuille dégrader un œuvre d’art, patrimoine de notre ville, donnant ainsi du crédit aux marchands de peurs et ceux qui ont besoin d’une dépression collective pour prospérer.
Finalement ces deux exemples nous ramènent à une évidence : « n’est pas humaniste qui le prétend et encore moins qui le proclame ». L’Humanisme, surtout à Lyon, ce n’est pas un terme que l’on galvaude.
Et avec force, nous devons condamner ceux qui, jusque dans notre ville, défendent une autre forme d’obscurantisme et autre nostalgie. A ce titre la mesure prise par Madame la Préfète d’interdire le concert d’un rappeur à la halle Tony Garnier va dans le bon sens et nous la remercions pour sa vigilance.
Ainsi nous réaffirmons notre soutien à toutes les démarches qui visent à faire interdire les groupes de l’ultra-droite véhiculant la xénophobie, le racisme et l’antisémitisme dans notre ville.
Je vous remercie.
Introduction préalable de Charles-Franck LEVY au conseil municipal de la Ville de Lyon du 21 mars 2024.