« Lutter contre le réchauffement climatique, ce n’est pas transmettre aux générations futures la dette«
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les élus,
La présentation du budget primitif, son vote et les discussions qui en ressortent sont un moment de démocratie locale toujours éminemment particulier. Bien au-delà d’une simple addition de chiffres, ce budget primitif met en exergue vos prétentions, votre mode de gestion de l’action publique, vos priorités… Alors que nous sommes souvent confus, que nous peinons à déceler vos réelles prétentions noyées au milieu de campagnes de communications grossières et opportunistes dont vous êtes tant friands, les chiffres eux (a priori) ne mentent pas. Et à ce titre nous ne pouvons que nous réjouir d’en avoir appris beaucoup sur la teneur que vous comptez donner à l’action publique pour cette nouvelle année.
Ce budget primitif, a priori très attractif présente un budget global de 3 856,1 M€, une augmentation de 263 millions d’euros par rapport à l’année précédente, avec une hausse des recettes de fonctionnement de 4%, de 5,4% pour les recettes d’investissement sur le budget principal. Le budget est à l’équilibre, est ambitieux, très bien nous prenons note.
Or, il ne suffit pas de creuser très loin pour déceler les conséquences de votre gestion disons … Subjective … Des deniers publics ces dernières années. Non, tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes comme vous pourriez le laisser entendre. Car là où le bât blesse, c’est que nous explosons nos dépenses de fonctionnement. Là ou déjà elles avaient augmenté l’an dernier de 77 millions, malgré nos mises en garde, celles-ci augmentent encore de 110,5 millions. Quelle collectivité, dans les conditions actuelles économique des collectivités, peut se permettre de faire évoluer ses dépenses de fonctionnement de +5,5% ? Pour donner un élément de comparaison, entre les CA2015 et 2018 soit avant le COVID, les dépenses de fonctionnement n’avaient augmenté que de 17 millions.
Vous avez fait le choix d’être optimistes concernant les recettes de fonctionnement fiscales avec particulièrement les recettes liées à la fraction du produit national de TVA qui compensent la perte de la taxe d’habitation et la TFPB. Si l’année 2022 avait vu cette recette augmenter parce que le gouvernement avait injecté beaucoup d’argent pour soutenir et relancer l’économie nationale et donc un produit national de la TVA qui n’avait jamais été aussi élevé, on peut se poser la question si cela sera toujours le cas en 2023 et quelles seront les conséquences économiques de la situation économique internationale. La même crainte se pose pour la cotisation foncière des entreprises que vous prévoyez de manière optimiste à + 3,9%.
Quant aux autres recettes liées au dynamisme de la Métropole dont la taxe foncière sur propriétés bâties vu le rythme de constructions qui est désormais celui de la Métropole, votre prudence est peut-être pour le coup, insuffisante.
Par contre vous prévoyez des Droit de mutation à titre onéreux (DMTO) qui, de BP à BP passerait de 400 à 420 millions, +20 millions et 50% inférieur à l’année 2022, montrent que la dynamique immobilière est beaucoup moins au rendez-vous car jamais nous aurons construit aussi peu de logements dans la Métropole.
Pour ce qui est des promoteurs, et quel que soit le type de logements : accession à la propriété ou logement social, on est en baisse d’environ 35% par rapport à avant votre arrivée avec un double résultat : une augmentation des prix qui a continué même s’il semble que cela se stabilise pour l’instant et le report sur la 3e couronne de ceux qui veulent accéder à la propriété. Avec un effet qui va totalement à l’encontre de vos préoccupations affichées, puisque beaucoup de ceux qui habitent dans la 3e couronne sont obligés d’utiliser la voiture faute de transports en commun adaptés.
Et tout cela a aussi forcément des conséquences en charges financières. La situation est limpide, la problématique observable : pouvons-nous nous satisfaire de charges financières augmentant de 30 % (29,6%, soyons précis) par rapport à l’année précédente ?
La capacité de désendettement s’établirait en 2023 à 5 ans et 9 mois au 1er janvier 2023, ce qui est très supérieur aux années 2015 à 2020. Pour rappel, il était de 3 ans fin 2019. Et ce qui est très inquiétant pour l’avenir, surtout que cela confirme les prévisions à la fin du mandat d’une capacité désendettement entre 8 et 10 ans proche des niveaux extrêmement inquiétant pour l’avenir. Car à la fin de ce mandat, qui devait être le dernier mandat pour le climat, au vu de votre inefficacité à agir pour l’urgence climatique, le prochain mandat devra récupérer votre retard et il y aura donc besoin de beaucoup d’investissements. Tout ça, avec une capacité d’autofinancement qui a dégringolé.
Ce n’est pas faute de vous avoir prévenu sans cesse ces deux dernières années, les emprunts inconsidérés ont inévitablement des conséquences sur le long terme. Et à ce titre, les conséquences sont désormais quantifiables, nous interpellent et nous inquiètent. Vous disposez au moins d’un mérite, je le concède : vous nous avez prouvé que nous avions raison, maigre lot de consolation. En parlant de lot de consolation, la pilule serait sans doute mieux passée si nous avions pu observer, de façon concrète la viabilité des différents projets qui ont nécessité de tels investissements, un tel endettement. Il n’en est rien. Aucun projet réalisé ces dernières années ne justifie une telle hérésie financière, nous avons le sentiment que nos administrés partagent ce constat d’un interventionnisme public timide et incertain.
Alors certes oui les taux d’intérêts variables ont augmenté du fait de la crise mondiale, certes la conjoncture est éminemment particulière, mais les comptes n’y sont pas. Ce qui devait arriver arriva.
En parlant de conjoncture particulière, nous serons tous d’accord sur ce point : la hausse des coûts de l’énergie est palpable, nous oblige à plus de rationalité. La Métropole doit constituer un élément cadre de cette rationalité, il en va de la crédibilité de l’institution et de la votre. Nous observons à ce titre avec une attention particulière le montant des charges dites générales. L’augmentation est conséquente à hauteur de 11,1% sur le budget principal par rapport à l’année passée. Elle l’est également sur certains budgets annexes :
- La gestion des déchets : + 21,4%
- L’assainissement : + 25,3%
- Le réseau de chaleur : + 29,8%
- Etc..
Les exemples sont nombreux, les résultats unanimes. Si ces hausses sont impérieuses au vu du contexte international, leur taux important peut inquiéter sur la capacité d’adaptation de la Métropole à cette conjoncture économique complexe, nous interroge sur la prise de conscience du besoin d’une efficience accrue dans la gestion des dépenses de fonctionnement notamment. La situation est amenée à évoluer en fonction de la conjoncture mondiale, l’accompagnement de l’État tend à se développer, l’affaire est à suivre mais nous disposons de quelques craintes dans votre capacité à gérer cela de la manière la plus responsable possible. Il faut dire que ces craintes ont été développées par nombre de vos faits d’arme.
Enfin dernier point sur lequel nous vous avons tant averti ces dernières années : les dépenses de personnel. Les recrutements compulsifs, inconsidérés, parfois injustifiés, ont une conséquence observable sur le budget. Une hausse de 5,6% sur le budget principal, nous ne sommes pas surpris. Évidemment la hausse du point d’indice, les revalorisations du salaire minimum et toute autre mesures réglementaires ont une incidence qui ne vous est pas imputable. Néanmoins une large part de cette augmentation demeure causée par un renforcement des effectifs. Ces créations de nouveaux postes, ces contrats de projets auront-ils une incidence sur la qualité du service publique ? Ce renforcement des effectifs est-il toujours impérieux ? Nous l’espérons, à vrai dire c’est une absolue nécessitée au regard des montants engagés. Une fois de plus ces investissements seront scrutés avec attention, si nous espérons souvent nous tromper, l’avenir nous donne malheureusement à chaque fois raison au moment de dresser le bilan de vos différentes politiques…
Monsieur le Président, entre l’ambition démesurée et l’inconscience il n’y a qu’un pas, nos attentes sont colossales, notre appréhension totale.
Préparer l’avenir c’est lutter contre le réchauffement climatique, évidemment mais nous savons tous ici que cette lutte sera loin d’être achevée en 2026, donc si préparer l’avenir c’est lutter contre le réchauffement climatique c’est aussi ne pas transmettre aux générations futures la dette et garder pour les années à venir une capacité d’investissement dont nous aurons besoin pour être plus efficace dans cette lutte dès 2026. Il est donc irresponsable d’avoir ces cibles de ratio dont j’ai parlé plus haut pour la fin de mandat.
Intervention de Louis PELAEZ au conseil métropolitain des 23 et 24 janvier 2023.
Rapport n°2023/1505