Monsieur le Président,
Chers collègues,
Nous attendions avec impatience ce rapport d’orientations budgétaires. En effet, il a une portée toute particulière puisqu’il est présenté à mi-mandat, permettant ainsi de faire un point sur nos perspectives financières à la moitié du parcours.
Je serai clair d’emblée, Monsieur le Président : les perspectives financières en question, décrites dans ce rapport, sont loin d’être réjouissantes. Nous savons que certains cherchent à enterrer la Métropole par la voie parlementaire. Je crains que l’exécutif métropolitain ne s’aventure à le faire par la voie budgétaire. Trop de points dans ce rapport portent à croire que vous prenez le risque d’hypothéquer l’avenir financier de notre métropole.
Certains nous opposeront certainement que cette critique va à l’encontre des récentes analyses des agences de notation. Certes … Cependant ces analyses se fondent en grande partie sur les garanties apportées par l’Etat et l’appréciation des finances étatiques sur les marchés. Nous courons donc peu de risques du côté de la notation de notre collectivité, ce qui semble être beaucoup moins le cas du côté de la gestion concrète de nos finances, comme le suggère ce rapport d’orientations.
Ce document, en effet, illustre que cette majorité depuis 2020 prend le risque d’ajouter de la crise aux crises. Il rappelle que la reprise post-pandémie et la guerre en Ukraine ont engendré une surtension des chaînes d’approvisionnement en matières premières et en énergie, engendrant une poussée inflationniste – jusqu’à 6,2% en octobre 2022 selon la Banque de France – mais également un rehaussement des taux d’intérêts. La BCE a encore relevé ses taux d’un quart de point en septembre dernier. En bref, tout est devenu beaucoup plus cher, y compris l’argent que l’on emprunte, et ce constat est valable au premier chef pour notre collectivité.
En regard, le rapport d’orientations rappelle le caractère déterminant des recettes fiscales dans les ressources métropolitaines, et ce d’autant plus à l’heure où les subventions venant l’Etat ne sont pas au beau fixe, voire que les finances publiques se contractent.
Jusqu’ici, nous vous rejoignons. Mais lorsque le rapport indique, en page 14, que cette majorité métropolitaine compte en finir avec l’attractivité du territoire, là s’arrête notre accord. Dans une conjoncture économique dégradée, avec une contraction des finances publiques, mettre fin à l’accompagnement de l’attractivité du territoire et de son dynamisme, alors que de ceux-ci dépendent nos recettes fiscales, cela revient à ajouter de la crise aux crises, en plombant les ressources de notre collectivité.
L’immobilier constitue un exemple révélateur, Monsieur le Président. Depuis le début du mandat, vous avez donné des signaux très inquiétants dans ce domaine. Par exemple, en modifiant le projet de la Part-Dieu pour en retirer 12 000 m2 de logements. Par la suite, pour continuer sur un exemple lyonnais, ce sont ajoutés la réduction des signatures de permis de construire, l’encadrement des loyers et la hausse de la taxe foncière. Ces actions – dont votre majorité est entièrement responsable – se sont combinées avec l’augmentation des coûts de construction, un prix toujours élevé du foncier et des taux d’emprunt devenus dissuasifs.
Bilan des opérations : votre politique a pris le risque d’étouffer le dynamisme du secteur immobilier, déjà ébranlé par la dégradation de la conjoncture. En résulte une crise du logement dont nos concitoyens souffrent durement avec près de 80 000 demandeurs de logements sociaux sur le territoire en 2022. Mais ce sont aussi nos ressources métropolitaines – donc nos capacités à améliorer la vie des Grands Lyonnais – qui en font les frais. Le rapport l’indique en page 24 : les Droits de Mutation à Titre Onéreux, que notre Métropole perçoit sur les transactions immobilières, ont chuté de 24% entre 2022 et 2023, avec une perte de plus de 100 M € entre deux exercices. 100 M € c’est presque 10% du budget de la seule Ville de Lyon, c’est 10% du projet de Tramway Express de l’Ouest Lyonnais, c’est aussi l’emprunt nécessaire à nos bailleurs pour financer quasiment 3000 logements sociaux. Voilà concrètement la perte que cela représente.
On le voit donc bien Monsieur le Président : en n’accompagnant plus, voire en dégradant, le dynamisme de certaines activités dans notre Métropole, vous plombez par la même occasion nos ressources métropolitaines et les moyens d’action de notre collectivité.
Et pourtant, Monsieur le Président, si l’on se réfère au rapport d’orientations budgétaires, vous n’entendez rien changer du tout dans votre gestion de notre collectivité. Vous indiquez en effet en page 11 : « La Métropole porte une ambition. […] Elle n’entend nullement y renoncer, quelles que soient les contraintes. Ainsi, le budget 2024 de la Métropole de Lyon viendra confirmer, poursuivre et amplifier les engagements prioritaires de la collectivité, fixés par l’Exécutif. ». Autrement dit, tout invite à la prudence, mais qu’à cela ne tienne, on continue comme si de rien n’était. Entre ça et l’irresponsabilité, il n’y a qu’un pas.
La prise de risque, Monsieur le Président, est d’autant plus grande qu’un fort effet ciseaux est diagnostiqué en page 30 du rapport pour l’année 2024. Nos recettes de fonctionnement deviendront donc plus faibles que nos dépenses à très court terme.
Ainsi, la conjoncture aura finalement puni l’hubris que cette majorité affiche depuis 2020 en matière de gestion financière. Dès les discussions budgétaires 2021, Gérard COLLOMB vous avait pourtant prévenus que si vous conserviez votre rythme effréné de dépenses de fonctionnement, vous iriez droit dans le mur en cas de retournement conjoncturel.
Ce retournement ayant eu lieu, le contact avec le mur arrivera donc en 2024 avec l’effet ciseaux que vous évoquez aujourd’hui. Je vais maintenant illustrer mon propos de quelques chiffres pris dans nos comptes administratifs et notre dernier compte financier unique, le rapport d’orientations budgétaires étant malheureusement assez avare en informations précises.
Par la création de 483 postes, vous avez ainsi augmenté les charges de personnel de 23%, soit 90 M €, par rapport à l’ancien mandat, si on compare les comptes financiers 2019 et 2022. La prise en compte de l’inflation ne ramène cet écart qu’à 18,6% et 75 M €. Tout cela porte nos dépenses de fonctionnement à 2,37 MDS en 2022, soit 35% de plus qu’en 2019. Dans le même temps, nos recettes n’ont augmenté que de 22%. On voit donc ici émerger l’ « effet ciseaux » qui devrait se préciser l’année prochaine.
Si seulement les nouveaux postes permettaient de démultiplier nos investissements bénéficiant directement à nos administrés. Pourtant, il n’en est rien ! Force est ainsi de constater qu’aucune montée en puissance significative ne peut être observée, bien au contraire : les investissements réalisés en 2022 se sont élevés à 789 M €, soit une baisse de 35% par rapport à 2019, en tenant compte de l’inflation.
Non content de dépenser davantage en fonctionnement sans que cela ne se traduise dans notre service rendu à nos administrés, vous avez aussi débridé notre dette. Notre capacité de désendettement est ainsi passée de 3 ans et 3 mois en 2019, à 11 ans et 6 mois pour le budget principal au 1er janvier 2024.
Monsieur le Président, je conclurai ici : par une gestion visant à ajouter de la crise aux crises et à ignorer les appels à la prudence que votre opposition vous fait depuis 2020, vous prenez bel et bien le risque d’hypothéquer l’avenir financier de notre métropole.
Je vous remercie.
Intervention prononcée par Louis PELAEZ au conseil métropolitain des 11 et 12 décembre 2023.
Rapport n°2023-1997