Intervention de Delphine Borbon
Monsieur le Président,
Vous nous demandez aujourd’hui d’approuver des subventions aux structures chargées d’instruire et de déployer votre Revenu Solidarité Jeunesse.
Nous le savons, la crise économique liée au COVID 19 a accentué la précarité pour tous. Elle a touché les jeunes dès les premiers jours, et notamment les plus précaires d’entre eux. Les contrats courts ont souvent été les premiers à être supprimés.
Les associations alertent sur le nombre croissant de jeunes qui bénéficient de leurs aides.
Fin 2021, le Président des Restos du cœur, Patrice DOURET, assure que sur les 1,2 million de personnes à avoir reçu une aide alimentaire, 50 % avaient moins de 25 ans.
Dans ce contexte, nous sommes tous bien conscients qu’il faut accompagner notre jeunesse, participer à son insertion. Nous avions d’ailleurs obtenu un groupe de travail sur le sujet l’an dernier. Un an après, même si les mesures débloquées ne sont pas totalement satisfaisantes, nous ne les oublions pas.
Votre solution, c’est le Revenu Solidarité Jeunesse qui se donne pour objectif d’accompagner les jeunes de 18 à 24 ans sans soutien d’un parent ni d’un tiers.
Il ne se veut pas en concurrence avec d’autres dispositifs, mais une réponse pour les laissés pour compte des solutions existantes.
Presque un an après son lancement, où en sommes-nous ?
La délibération nous présente des chiffres au 31 décembre 2021, mais je vais citer les chiffres que vous avez annoncés le 23 février en conférence de presse.
Nous nous demandons d’ailleurs pourquoi la délibération ne prend pas en compte ces chiffres plus récents ?
Vous indiquez qu’au 18 février, 717 jeunes avaient intégré le filet de sécurité, pour reprendre vos termes, du RSJ.
Nous nous réjouissons évidemment de chaque aide individuelle apportée et qui a permis, nous le souhaitons, un accompagnement vers une situation plus pérenne.
Mais nous sommes tout de même bien loin des objectifs annoncés : le RSJ devait alors accompagner 1500 jeunes en 2021 et 2000 en année complète.
Nous sommes donc à moins de la moitié de ce qui était prévu.
Objectif annoncé pour 2022 : 1584 jeunes. Avez-vous revu vos ambitions à la baisse ?
Les besoins semblent pourtant importants ! Rappelons-le, la Métropole de Lyon comptait en 2017, 168 300 jeunes âgés de 18 à 24 ans dont 1 sur 5 vivait en dessous du seuil de pauvreté soit environ 38 000 jeunes.
Ce premier résultat nous interroge. Alors que le RSJ est un marqueur politique de votre mandat qui fait l’objet d’un fort soutien politique, on peut légitimement s’interroger sur le calibrage du dispositif et sa cohérence avec les besoins réels de la population accompagnée.
Car malgré l’accent mis sur le dispositif, le bilan est bien plus faible que prévu.
Nous n’osons imaginer que vous ayez tenté de faire une « politique du chiffre » en incitant les structures partenaires à instruire des dossiers de demandes de RSJ. Le sujet n’est que trop important.
En revanche la politique du « aller vers les jeunes » semble plus complexe que ce qui a pu être imaginé. Ce sujet a toujours été au cœur des préoccupations des structures et nous savons les difficultés que cela représente.
Nous attendons impatiemment les résultats des études d’évaluation en cours du RSJ, prévus en avril et en septembre/octobre. Il apparaît ici que la précipitation avec laquelle le programme a été déployé ne permet pas complètement d’atteindre les objectifs souhaités.
Parmi les 717 jeunes qui ont intégré le RSJ, 231 en sont sortis dont 44 % pour emploi et formation et 15 % pour l’ouverture de nouveaux droits dont la garantie jeune.
Ces informations sont livrées par le communiqué de presse, mais rien dans la délibération sur l’impact du dispositif en termes d’insertion chez les jeunes. On note toutefois qu’une évaluation amène des modifications notamment concernant l’attribution et le versement de l’allocation.
Je cite : « Le niveau de précarité de la famille a été revu permettant de proposer le RSJ à des jeunes rattachés à leurs parents ». Cela laisse à penser que les critères du RSJ s’assouplissent et permettraient de financer et d’accompagner des projets comme par exemple le permis de conduire.
Pourquoi pas ? Mais ce n’est pas la vocation initialement présentée. Quels critères seront considérés pour évaluer les ressources familiales en plus des critères de la CAF ?
Depuis le 1er mars, le gouvernement a lancé le contrat d’engagement jeune pour tous les jeunes de moins de 26 ans. C’est un dispositif plus riche et plus complet que l’ancienne garantie jeune et qui propose un programme d’accompagnement intensif avec un référent unique pour une durée de 12 à 18 mois.
L’enjeu est également d’aborder autour de ce programme les questions de logements, de mobilité ou encore de garde d’enfant au sein des territoires. Ces sujets font aussi pleinement écho aux thématiques portées par le RSJ, même si ce dernier n’atteint pas encore toutes ses promesses, notamment en termes de maintien dans le logement.
Les différences, notamment en termes de publics cibles, entre le Contrat Engagement Jeune et le RSJ n’apparaissent pas encore si évidentes. C’est d’ailleurs, je crois, l’objet d’une réflexion interne à la Métropole.
Et c’est un peu, au fond, le cœur du message que nous avions voulu faire passer l’an dernier : vous nous aviez promis un RSA jeunes et nous avons eu une garantie jeune améliorée.
Un dispositif très proche des pistes de réforme de la garantie jeune proposées par le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ), dont un représentant fait d’ailleurs partie de votre cabinet, et qui a aussi servi de base de réflexion au Gouvernement.
451 jeunes ont bénéficié du RSJ en février 2022 : mais combien parmi ces jeunes auraient pu prétendre à la garantie jeune ou à d’autres dispositifs ?
Nous nous réjouissons que le RSJ ait pu aider des jeunes. Nous soutenons les mesures d’accompagnement au public les plus précaires et notamment à la jeunesse, mais nous sommes vigilants.
Nous ne souhaitons pas découvrir que ce dispositif n’a finalement été qu’un outil de communication.
Il nous avait été promis un RSA jeune. Nous avons eu le RSJ : Revenu Solidarité Jeunesse. Il ne faudrait pas désormais que ce dernier soit un Revenu Sans Jeunes.
Je vous remercie
Delphine Borbon
Conseil Métropolitain des 14 et 15 mars 2022
Rapport nº2022-1005 – développement économique, numérique, insertion et emploi – Revenu solidarité jeunes (RSJ) – Approbation des conventions-type de mandat relatives à l’instruction et aux partenariats pour le suivi des bénéficiaires – Attribution de subventions dans le cadre du déploiement du RSJ 2022 –
Intervention de Delphine BORBON