Monsieur le Président,
Chers collègues,

Je précise que mon intervention est commune aux groupes Synergies élus et citoyens et de La Métro positive.

 Monsieur le Président, Le Plan Climat Air Énergie Territorial pour la période 2026-2031 est un document stratégique essentiel. Il constitue un cadre structurant pour relever l’un des plus grands défis de notre époque : le changement climatique.

Depuis la COP21 et l’Accord de Paris, notre pays s’est fixé une trajectoire ambitieuse :

-Réduire de 30 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, et de 75 % d’ici 2050,
-Sortir progressivement des énergies fossiles, avec pour objectif une part de 42 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 , contre encore 60 % de fossiles en 2022.

Pour la Métropole de Lyon, le PCAET est l’outil opérationnel de cette ambition. Car notre territoire n’échappe pas aux bouleversements. Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
Entre 2003 et 2023, la température moyenne a augmenté de +1,5°C par rapport à la période 1975-2005.
Les nuits tropicales – ces nuits où la température ne descend pas sous les 20°C – sont passées de 2 à 13 jours par an en moyenne.
Orages violents, inondations soudaines, sécheresses répétées : le dérèglement climatique n’est plus une hypothèse. Il est devenu notre quotidien.

Dès le mandat précédent, une forte volonté d’agir s’était manifestée avec le lancement d’un premier PCAET, affichant des objectifs ambitieux. Ce nouveau plan s’inscrit dans cette continuité, et nous saluons plusieurs points :

-Un état des lieux complet et détaillé,
-L’intégration des émissions indirectes (scope 3), souvent oubliées mais pourtant déterminantes,
-Une démarche scientifique indispensable dans un monde où le déni et la relativisation du dérèglement climatique prennent de la place dans certains discours.

Ces constats nous obligent à agir efficacement, collectivement, concrètement. Et c’est précisément là que nous exprimons un désaccord de méthode.

Car une politique de transition écologique ne peut être ni brutale, ni technocratique, ni verticale ; comme vous en avez malheureusement l’habitude. Elle doit embarquer tous les acteurs, être lisible, acceptable, progressive et juste.

Nous défendons donc une transition qui :

  • Accompagne les entreprises, notamment industrielles et du bâtiment, au lieu de les fragiliser. À ce titre, l’augmentation de la CFE de 19 millions d’euros risque de freiner leurs investissements à un moment où nous avons pourtant besoin de leur engagement.
  • Soutienne les classes populaires, les familles modestes, les artisans, les professionnels, plutôt que de leur imposer des contraintes difficilement tenables, notamment en matière de mobilité.
  • Associe sincèrement les communes, dans une logique de co-construction au lieu d’imposer des décisions venues d’en haut. Le rejet massif du SCOT et du Plan de Mobilité à la dernière Conférence des Maires en est un signal d’alerte.

Le fiasco de la ZFE restera comme un échec emblématique de votre mandat : mal préparée, mal expliquée, mal vécue.

Réduire la part de la voiture de 14 % d’ici 2030, puis de 26 % en 2040 : l’objectif est juste. Mais comment y parvenir sans alternatives crédibles dans toutes les communes ?
En 2021, 68 % des actifs utilisaient leur voiture pour aller travailler, c’est jusqu’à 95 % dans certaines communes. Ce ne sont pourtant pas des choix de confort, mais des nécessités essentielles parfois-mêmes vitales.

Votre PCAET affiche de grands objectifs, mais reste flou sur les solutions concrètes.
Sur les transports en commun : vous fixez un objectif de 23 % de part modale en 2030. Mais en 2021, nous étions déjà à 22 %, dont 40% concentrés sur Lyon et Villeurbanne.
Autrement dit, Hors cœur urbain, la voiture reste indispensable.
À Marcy-l’Étoile, 19 % des ménages sont en précarité de mobilité ; à Grigny : 18 %, à Neuville : 17 %. Ce sont des réalités sociales et territoriales.

Vous n’avez proposé aucun renforcement significatif de l’offre dans les communes périphériques, et trop peu de solution permettent d’offrir un report modal en entrée de Ville.

Sur le logement : 10 % des habitants de la Métropole sont en précarité énergétique (ONPE, 2023) : dont 20 % à Rillieux, 17 % à Pierre-Bénite. Ces ménages sont contraints de choisir entre se chauffer ou se nourrir.

L’objectif de 10 000 rénovations par an via Écoréno’v peine à êtr atteint. En avril 2024, seuls 24 235 logements ont été rénovés depuis 2015. À mi-parcours de 2030, nous sommes seulement à un quart de l’objectif.

Encore une fois, les intentions sont là, mais les moyens concrets font défaut. Le plan parle de sobriété, d’écoconduite, de changement de motorisation, mais sans leviers clairs ni accompagnements structurés.

La Métropole, comme la République, est une et indivisible. Mais elle aussi diverse et contrastée.
Traiter équitablement ne signifie pas traiter uniformément. Il faut savoir reconnaître et corriger les fractures territoriales croissantes.
Trop peu d’incitations pour les entreprises, trop peu de coordination avec les collectivités voisines, trop peu de mise en avant des co-bénéfices sociaux et économiques de la transition.

Et pourtant… sans stratégie sociale, il n’y aura pas de transition durable. C’est une vérité qu’on retrouve autant chez Jaurès que chez Simone Veil.

Notre désaccord porte donc sur la méthode : vous favorisez des secteurs idéologiquement proches, comme l’ESS ou l’économie verte, au détriment d’autres pourtant essentiels.
Où est la place de l’industrie manufacturière, de la chimie, des filières traditionnelles ? Trop souvent oubliées, alors qu’elles aussi peuvent et doivent être accompagner dans leurs objectifs de décarbonation de leurs activités.

Notre agglomération s’est construite avec les canuts, avec la soie, la chimie, la métallurgie. C’est notre histoire et notre fierté.
Et c’est en accompagnant la transition de toutes les filières, par la recherche, l’innovation, la coopération, que nous réussirons ensemble.

Monsieur le Président, nous voterons ce PCAET, parce que nous partageons ses finalités et son ambition de fond.

Parce que l’urgence climatique nous oblige. Mais tâchons de n’oublier personne sur le chemin, ni les classes populaires, ni les entreprises, ni les communes.

Intervention de Marion Carrier en Conseil de la Métropole, lundi 23 juin 2025, délibération n°2025-2877.

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